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Hift. liv

LXXXVI.

autorifa cette divifion, en établiffant la congrégation des pauvres ermites fous la conduite du frère Liberat. Ce qui pouffa la divifion au dernier excès, fut la fameufe difpute fur la propriété des chofes qui fe confument par l'ufage, comme le pain & le refte de la nourriture. Saint Bonaventure lui-même foutint que les frères Mineurs renonçoient à cette propriété & qu'elle paffoit au pape & à l'Eglife Romaine; ce qui fut accepté par le pape Nicolas III. Mais Jean XXII rejeta cette propriété imaginaire, & déclara que le fimple ufage de fait, auquel LXXXVII. les prétendus fpirituels vouloient fe réduire feroit un ufage injufte, étant dépouillé de tout xc111. 7. droit.

, n. 2.

n. 33.

Hift. l.

14.

XCII. n.

34.

Il déclara que l'obéiffance eft la principale Hift. 1. vertu des religieux & préférable à la pauvreté ; car ces frères indociles foutenoient qu'on ne doit point obéir aux fupérieurs quand ce qu'ils commandent eft contraire à la perfection. C'étoit l'effet des difputes fcolaftiques auxquelles ces frères s'exerçoient continuellement : on y traitoit tous les jours de nouvelles questions, & on y employoit toutes les fubtilités & les chicanes poffibles. On demandoit, par exemple, C. Exyc fi la règle oblige fous peine de péché mortel, de verb. ou feulement de péché véniel? Si elle oblige fign, in 6. aux confeils de l'évangile, comme aux précep- Exivi. tes? Si ce qu'elle prefcrit en forme d'admoni- cod. tion, d'exhortation ou d'inftruction oblige autant que ce qu'elle exprime en termes impératifs? On s'accoutuma par-là à rafiner fur le décalogue & fur l'évangile.

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Clem.

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53.

Les effets de ces difputes frivoles ne furent Hift. 1. que trop férieux; le pape Jean XXII ayant ofé condamner ces frères indociles, ils le déclarèrent hérétique de leur propre autorité, &

appelèrent de fes conftitutions au futur conciHiA. 1. le. Enfin la révolte alla fi loin, que ces frères xc111.n. Mineurs, foutenus par l'empereur Louis de 46.47. Bavière, firent dépofer Jean XXII, & mettre à fa place l'antipape Pierre de Corbière un d'entre eux, qui, pour foutenir fa dignité, fut réduit à prendre de toutes mains ; & c'eft à quoi fe termina l'humilité de ces frères, & leur zèle pour la pauvreté & la perfection évangélique.

Laert.

n. 4.5.6.

Hift. l.

XIX. 1.

25.

Au refte, fi la mendicité des religieux n'a été autorisée dans l'églife que depuis le treizième fiècle, ce n'eft pas que l'invention en fut nouvelle. De tout temps on a vu des mendians, même fous prétexte de philofophie ou de reliDiogen. gion. Les philofophes Cyniques mendicient, & on trouva une fois Diogène demandant à une Har. 80. ftatue, pour s'exercer, difoit-il, à être refufé. C'eft à l'occafion des hérétiques Maffaliens, que faint Epiphane marque les inconvéniens de la mendicité, infiftant fur les lâches complaifances auxquelles elle engage pour les riches, même pour ceux dont les biens font mal acquis, visites actives & paffives, flatteries, conversation de nouvelles ou d'autres matières mondaines, & la pire de toutes les complaifances, qui eft la facilité des abíolutions, & l'affoibliffement de Hift. 1. la théologie morale. Durandi, évêque de MenxcI. n. de, dans fes avis. pour le concile de Vienne marque une grande eftime pour les religieux mendians: mais, ajoute-t-il, on devroit pourvoir à leur pauvreté, en forte qu'ils euffent en commun des revenus fuffifans ou qu'ils fubfiftaffent du travail de leurs mains, comme les XII. Apôtres.

32.

Relâche

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Les moines & les autres anciens religieux ment général des tombèrent dans un grand mépris, depuis l'inreligieux. troduction des mendians. Ils n'étoient plus vé

nérables

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nérables comme autrefois par leur amour pour la retraite, leur frugalité, leur défintéreffement la plupart s'abandonnoient à l'oifiveté & à la molleffe; les études mêmes qu'ils prétendoient avoir fubftituées au travail des mains, étoient chez eux fort languiffantes; en un mot, ils ne paroiffoient pas être d'une grande utilité à l'églife. On voyoit au contraire les frères mèndians remplir les chaires des écoles, & des égli fes, & par leurs travaux infatigables, fuppléer à la négligence & à l'incapacité des prélats & des autres pafteurs. Ce mépris excita les anciens Hift. l. moines à relever chez eux les études, comme LXXXII. nous avons vu dans la fondation du collège des "47 Hift. 1. Bernardins à Paris; & le pape Benoît XII, XCIV. n. dans fa bulle pour la réforme des moines noirs, 48. s'étend beaucoup fur les études.

Mais comme on n'imaginoit pas alors qu'on pût bien étudier ailleurs que dans les Univerfités, on y envoyoit les moines, ce qui fut une nouvelle fource de relâchement, par la diffipation des voyages, la fréquentation inévitable des étudians féculiers, peu réglés dans leurs mœurs pour la plupart; la vanité du doctorat & des autres grades, & les diftinctions qu'ils donnent dans les monaftères. Or les moines en général, non-feulement de la grande règle, mais encore de Clugni & de Citeaux, étoient déjà tombés dans un grand relâchement. On le Hift. 1. voit par le concile de Cognac tenu en 1238, LXXXI, A, où il eft marqué que les moines & les cha- 12. noines réguliers recevoient en argent lear nourriture & leur veftiaire: en forte que les places monacales étoient comme de petits bénéfices. Les moines fortoient fans permiffion, mangeoient en ville chez les féculiers, & s'y cachoient. Ils avoient leur pécule en propre, P

empruntoient de l'argent en leur nom, & fe rendoient cautions pour d'autres. Ils mangeoient' de la viande, portoient du linge, & couchoient dans des cellules ou chambres particulières.

t

C'est ici le lieu, ce me femble, d'examiner les caufes ou plutôt les prétextes du relâchement des religieux, dont un des plus communs & des plus fpécieux eft l'affoibliffement de lat nature. Les corps, dit-on, ne font plus tels qu'ils étoient il y a mille ans au plus, du temps de faint Antoine & de faint Benoît les hommes ne vivent plus fi long-temps, & n'ont plus la même force. C'eft un très-ancien préjugé, & qui fe trouve dans Homère & dans Virgile: mais ce n'eft qu'un préjugé, non-feulement fans preuve, mais détruit par des faits conftans. Du temps de Moyfe, il y a plus de trois mille ans, la vie humaine étoit bornée, à cent ou fix vingts ans; & toutefois, dans un pfeaumé qui porte fon nom, elle est réduite à foixante & dix ou P. 89. quatre-vingts ans. Parcourez toutes les hiftoires, vous n'y trouverez prefque perfonne qui ait plus vécu depuis trois mille ans, fi ce n'eft les anciens; & pour nous réduire à la France, Louis depuis treize cents ans que dure la monarchie, aucun de nos rois n'a tant vécu que le dernier

10.

XIV.

mort.

Il faut donc renoncer à ce préjugé populaire, qui a produit tant de relâchement, non-feulement chez les religieux, mais dans toute l'églife. De cette erreur eft venue la liberté que l'on s'est donnée d'avancer de quatre ou cinq heures l'unique repas du carême, & d'y en ajouter Hift. liv. un fecond. Dès le douzième fiècle, Pierre-leLXVII. n. Vénérable voulant excufer le relâchement de l'obfervance de Clugni, difoit que la nature humaine eft affoiblie depuis le temps de faint Be

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noît; & toutefois faint Bernard dans le même temps, témoigne que tous les fidelles jeûnoient encore le carême jufqu'au foir. Cependant fur ce faux préjugé, on a avancé le repas des vêpres à none, comme il étoit du temps de S. Thomas d'Aquin; & de none à midi, comme il eft enco- S. Th. 2. re, fans qu'aucune communauté religieufe, pour 2.4.147. auftère qu'elle foit, ait gardé l'ancien ufage.

on

art. 7.

art. 9.

La caufe la plus générale du relâchement des religieux, eft la légèreté de l'efprit humain, & la rareté d'hommes fermes & conftans, qui perfévèrent long-temps dans une même réfolution. C'eft la raifon des vœux introduits fi fagement pour fixer l'inquiétude naturelle, qui font l'effentiel de la profeffion religieufe. Or afin que ces vœux ne fuffent pas téméraires, avoit ordonné avec la même fageffe de rigoureufes épreuves. Loin d'attirer les féculiers à la S. Th. 2. vie religieufe, comme on a cru non-feulement 2. q. 189. permis, mais méritoire dans les derniers temps, Caff. v. les anciens employoient tous les moyens capa- Inft. c. 3. bles de rebuter ceux dont la vocation n'étoit pas Reg. c. folide; & faint Benoît l'ordonne expreffément. 58. C'eft qu'il n'eft pas néceffaire qu'il y ait des religieux dans l'églife; mais s'il y en a, ils doivent tendre à la perfection, il ne leur eft plus permis d'être des Chrétiens médiocres. Le bienheureux c. 8o. n. Guigues, Chartreux, avoit raifon de dire: s'il 21. eft vrai que la voie qui mène à la vie eft étroite, Hift. 1. & que peu de gens la trouvent, l'inftitut reli- LXVII. 7. gieux qui admet le moins de fujets eft le meil- 58. leur & le plus fublime; & celui qui en admet le plus, eft le moins estimable.

Un moine relâché eft donc un homme qui fe contredit continuellement. Il a promis à Dieu de vivre dans la retraite & le filence, & il cherche les compagnies & les converfations;

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