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Hift.

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rencontre-t-on dans quantité d'Ecrivains, tant d'anachronismes tant de confufion dans les faits tant de fentimens fauffement attribués à ceux qui ne les ont jamais eus, tant de citations mal alléguées, &c. C'eft parce qu'ils ont ignoré l'Hiftoire. En effet dit l'illuftre Dife. fur M. Boffuet, dans cet excellent Difcours, qui eft lui-même la meilleure introduction à l'hifUniver- toire qui mérite d'être étudiée; « fi l'on n'apfelle. »prend à bien diftinguer les temps, on repré» fentera les hommes fous la loi de la nature » & fous la loi écrite tels qu'ils font fous la loi »Evangélique; on parlera des Perfes vaincus fous Alexandre, comme on parle des Perfes victorieux fous Cyrus; on fera la Grèce auffi » libre du temps de Philippe, que du temps de "Themiftocle; le peuple Romain auffi fier fous les Empereurs que fous les Confuls; l'Eglife auffi tranquille fous Dioclétien que fous Conf tantin. » L'étude de l'Hiftoire fait faire cette diftinction des temps, & empêche de rien confondre. L'ignorance où la plupart des Auteurs Eccléfiaftiques depuis le 1x fiècle jufqu'au xv étoient tombés fur ce point, met en garde contre leur lecture, & fi l'on n'a point les connoiffances, dont ils avoient manqué, on s'égarera en les lifant. C'est ce qui fait qu'on ne doit point s'appuyer de leur autorité fans beaucoup de précaution. Les Auteurs du xv fiècle en demandent moins pour la plupart. L'étude de l'Hiftoire fut beaucoup plus commune dans ce fièclelà. On y trouve plufieurs Hiftoriens eftimés, principalement en Italie, où il y a eu dès-lors plus de Savans en tout genre que dans le refte de l'Europe. La Chronologie & la Géographie, que l'on regarde avec raifon comme les deux yeux de l'Hiftoire, furent auffi étudiées avec

quelque foin: mais cependant d'une manière encore bien imparfaite. Les Savans de ce temps là étoient plus occupés à la recherche des manufcrits, à les faire imprimer, à y joindre des commentaires ou des notes, qu'à bien étudier l'Hiftoire même de ces manuscrits & de leurs Auteurs, & qu'à entrer dans ces difcuffions épineufes de la Chronologie, qui n'avoient rien qui pût plaire à l'efprit, ni flatter l'imagination; mais qui auroient fouvent été plus utiles que ces commentaires longs & fuperflus, dont plufieurs de ces éditions font chargées. Jofeph Scaliger eft proprement le premier qui ait mis la Chronologie en règle. Son ouvrage de la Correction des temps eft d'une érudition immenfe. Ce que le Père Petau Jéfuite a fait fur la Doctrine des temps, eft encore plus favant & mieux digéré. Il n'y a rien de meilleur avec cet ouvrage, que les Annales d'Ufférius & la Chronologie de M. Lancelot. Pour des Géographes, il y en a peu qui méritent d'être lus depuis le renouvellement des Lettres jufqu'à M. Samfon, dont les recherches ont été perfectionnées depuis par M. de Lille & quelques auttres mais aucuns n'ont atteint l'érudition que M. Bochart a employée dans fa Géographie facrée qui répand de fi grandes lumières fur ce point. Dans le xv11 fiècle où ce Savant a fleuri, & dans le précédent, l'étude de l'Hiftoire fut fi commune que chaque nation, chaque province, & prefque chaque églife & chaque monastère voulurent avoir un Hiftorien particulier : & de-là, que d'écrits en ce genre n'a-t-on pas faits! On formeroit aujourd'hui une bibliothèque très-nombreuse fi on vouloit les recueillir tous, & la vie de plufieurs hommes ne fuffitoit pas pour les lire. Mais on peut les

confulter dans le befoin, & c'est déjà être riche que de favoir qu'on ne manquera point quand on voudra puifer, & que les fources font toujours ouvertes. Il est vrai qu'il faut beaucoup de difcernement pour lire la plupart de ces Historiens. L'amour du merveilleux qui a été trop long-temps le goût dominant, & qui paroît fi naturel à l'homme depuis fa chute, a gâté un grand nombre d'anciens Hiftoriens, & beaucoup de nos Modernes n'ont pas apporté affez de foin, ni peut-être affez de jugement pour éviter ce défaut. On a voulu donner à fa nation, à fon pays, à fa famille particulière, une origine illuftre, une grande part dans les événemens qui pouvoient faire le plus d'honneur, de grandes marques de diftinction ; & ce qu'on n'a pu appuyer fur des preuves conftantes, on s'eft donné beaucoup de peine pour le fonder fur des fables. L'imagination, le défir de flatter, la prévention, l'intérêt n'ont pris que trop fouvent la place de la fincérité & du vrai.

Le plus grand mal eft , que ce n'eft pas feulement dans l'Hiftoire profane que l'on trouve ces défauts, mais que les Historiens Eccléfiaftiques & Monaftiques en font auffi remplis. Quand Philippe de Neri engagea Baronius, depuis Cardinal, à compofer fes Annales, il crut certainement rendre un grand fervice à l'Eglife, & on peut en effet profiter de fon travail: mais il pouvoit être fait avec plus d'exactitude, fi l'autre eut eu plus de critique, de difcernement, de jufteffe d'efprit, & moins de préventions. Les uns ont continué ce grand ouvrage les autres l'ont abrégé ; n'eût-il pas mieux valu le corriger ? Voffius & le Père Pagi qui ont entrepris cette correction, n'ont pas encorel tour rectifié. Les Cen

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turiateurs de Magdebourg font encore moins fûrs que Baronius: les auteurs de cet informe recueil, n'étoient pas meilleurs Hiftoriens que Théologiens, quoiqu'ils ayent affecté de paroître l'un & l'autre. Jufqu'aux ouvrages fi généralement eftimés de Meffieurs de Tillemont & Fleury, nous n'avions point encore d'Hiftoire fuivie de l'Eglife que l'on pût étudier fans crainte de s'égarer, fi l'on en excepte peut-être celle de M. Godeau, qui n'est point à méprifer. Il faut beaucoup de difcernement, de patience, d'attention, de travail pour bien écrire l'Hiftoire, & tous les Auteurs n'ont pas ces qualités. Peut-être pourroit-on y parvenir, fi chacun ne prenoit que la partie de l'Hiftoire qui conviendroit mieux à fon goût, & au plan de fes études. C'eft par cette raifon que les Hiftoires particulières font ordinairement mieux travaillées que les Hiftoires générales. L'efprit de l'homme eft trop borné pour atteindre tout également, & fes occupations font trop variées pour le lui faire efpérer malgré fon applica tion. Il faut profiter du travail des uns & des autres quand il est bien fait, & qu'il nous vient d'ouvriers habiles, laborieux, & furtout judicieux. Ceux qui fe font appliqués à les faire connoître, à l'imitation de faint Jérôme dans fon ouvrage des illuftres Ecrivains Eccléfiaftiques qui l'avoient précédé, ont rendu en cela un grand fervice; ils ont abrégé la voie & facilité le travail. Le xv fiècle a eu peu de ces fecours. On en a procuré quelques-uns dans le XVI & dans le xvii fiècles. Ce genre d'étude a plus dominé dans le xv111 fiècle. Mais comme tous les travaux des hommes fe reffentent toujours de l'humanité, les meilleurs même doivent être lus avec réflexion, & il feroit dan

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XV.

gereux de prendre fans examen toutes leurs décifions pour des oracles.

La partie de l'Hiftoire Eccléfiaftique qui a Légen- été la plus mal traitée jusqu'à la fin du xv11 daires, ou fiècle, eft celle qui rapporte les faits qui ont hiftoriens éclaté dans ceux que l'Eglife honore comme des Vies Saints, & qui ont rendu leur nom illuftre & desSaints leur mémoire refpectable. On a eu raifon de

penfer que l'étude de l'Hiftoire étant bien faite, ce feroit une excellente Philofophie, qui feroit d'autant plus d'impreffion, qu'elle nous parle par des exemples fenfibles, dont il eft bon de tenir registre, afin de fe les repréfenter à foi & aux autres dans les occafions. C'eft le but que paroît avoir eu l'Auteur du Sophologium, & celui du Speculum vita humana, où l'Hiftoire fe trouve mêlée avec la Morale. C'est dans le même deffein que l'on donna au public le Miroir de Vincent de Beauvais ; mais ces Auteurs n'avoient pas les talens qui étoient néceffaires pour arriver heureufement à leur but.

Je ne fais pas fi leurs ouvrages ont contribué beaucoup au changement des mœurs ; mais je fais qu'il eft difficile qu'on faffe des converfions folides, en prétendant conduire les hommes à la vérité par des fables, fouvent extravagantes, quelque air de piété qu'on leur donne. Les fept ou huit éditions que l'on fit de la Légende dorée de Jacques de Voragine pendant le xv fiècle, me fcandalifent plus qu'elles ne m'édifient, & je veux croire qu'il n'y eut que le peuple ignorant qui en fit fa lecture. Cette Legende contient en effet prefque autant d'impertinences qu'il y a de pages, tout y eft fait en dépit du bon fens. Le Jéfuite Ribadeneira voulut faire mieux, & réuffit prefque auffi mal. Ses Vies des Saints font fort bien

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