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gnit avec raifon de n'être point excufé au juge ment de Dieu, en prétendant s'autorifer de la doctrine commune de fon fiècle, quelque fidé lité que l'on eût eu à la fuivre, fi cette doctrine ne fe trouvoit pas conforme à celle de celui qui n'eft pas fujet au changement, & qui ne peut exempter de fuivre dans un temps ce qui eft néceffaire dans tous. On commença à fentir que les abus n'en étoient pas plus excufables pour être plus communs, & qu'étant les enfans de la vérité, on ne pouvoit plaire à Dieu que par elle. Les Conciles de Conftance & de Bafle firent de leur mieux pour s'oppofer au torrent qui entraînoit dans l'erreur, & leur zèle eut quelque fuccès. Mais comme ces progrès étoient lents & peu fenfibles, les défordres étouffoient prefque toujours la bonne femence, & ce qu'il y a de plus trifte, l'état eccléfiaftique & monaftique avoit peu de foin de s'en garantir. Luther, Calvin, & plufieurs autres en prirent occafion de déclamer vivement contre l'Eglife en gé néral qui n'en étoit pas coupable: ils en tirèrent leur prétexte de s'en féparer, & fous le beau nom de Réformateurs ils devinrent plus criminels que les autres, & augmentèrent le déréglement & le nombre des mauvais Chrétiens. Le Concile de Trente affemblé contre eux, fit de fages règlemens pour ramener les hommes à la vérité, & les Univerfités de Louvain & de Douai, où la lumière brilloit avec beaucoup d'éclat dans un grand nombre de fes Membres, fecondèrent fes vues, & fervirent plus que les autres à y faire entrer les peuples, & furtout le Clergé. L'Univerfité de Paris, quoique moins éclatante alors, n'y fut pas inutile. Mais le zèle éclairé & intrépide de faint Charles Borromée, joint à l'éminente fainteté de fa vie,

remporta lui feul plus de conquêtes, & multi-
plia plus lui feul les triomphes de l'Eglife; les
décisions fages & lumineufes qui fortirent des
Conciles, qu'il ne ceffa de tenir à Milan, avan-
cèrent beaucoup l'important ouvrage de la ré-
formation du Clergé, qui réjaillit néceffaire-
ment fur le peuple. Aujourd'hui que l'on eft
encore plus éclairé, on ne fait pas difficulté
de convenir que le faint Archevêque de Mi-
lan pouvoit encore aller plus loin dans fes
décifions, fans rien outrer. Il paroît même
que les règles particulières fur la pénitence
& principalement fur les temps d'épreuves par
où il faut faire paffer un pénitent, pour s'affa-
rer de la folidité de fa converfion, ont encore
été affez long-temps après faint Charles fans
avoir acquis le degré d'autorité qu'elles ont eu
depuis.

Je crois que la multitude des Cafuiftes des XVIII, deux derniers fiècles, eft ce qui a retardé da- cafuißtes vantage le progrès de la morale évangélique. Dans les beaux jours de l'Eglife, on ne connoiffoit point cette efpèce d'hommes, qui ne font pour la plupart ni vrais Théologiens, ni bons Canoniftes, ni habiles Philofophes. Comme ceux qui étoient Chrétiens, l'étoient de meilleure foi, ils n'alloient point chercher de prétendus Docteurs pour examiner avec eux jufqu'où alloit leur devoir, quelles reftrictions ils pouvoient y mettre, fi l'on pouvoit fuivre le probable au lieu du certain, ou du plus probable au défaut de la certitude connue; s'il étoit toujours néceffaire d'agir en Chrétien, même dans les actions communes & ordinaires de la vie. La fainte Ecriture qu'ils lifoient affidument, décidoit tous leurs doutes fans obscurité, comme fans flatterie. Les équivoques, les restrictions

mentales, & tant d'autres maximes erronées; qui ont fait tant de ravages dans l'Eglife, tant de mauvais Chrétiens, tant d'hypocrifie & de pharifaïfme dans ces derniers fiècles, étoient entièrement ignorées : & je m'imagine qu'on eût fort étonné alors les Pères de l'Eglife, fi par efprit de prophétie on leur eût annoncé que ces opinions fi contraires à la vérité & à la fimplicité chrétienne, établiroient un jour dans Î'Eglife une domination qui s'affujettiroit prefque la multitude des pasteurs & des fidelles. Cette domination cependant n'a que trop duré, & ce qui est étonnant, c'eft qu'elle n'a commencé que lorfque les nuages de l'ignorance fe diffipoient d'ailleurs de jour en jour. Dieu l'a permis ainfi pour faire triompher fa vérité avec plus d'éclat, & pour rendre fes victoires fur le menfonge plus brillantes & plus durables. Les reproches que nous faifons, après les perfonnes les plus éclairées, au plus grand nombre de Cafuiftes, ne conviennent pas cependant à tous; il faut rendre juftice à qui elle eft due. Ceux qui dans la décifion des cas de confcience, & dans leurs traités fur les règles des mœurs n'ont fuivi que la lumière de la vérité, les préceptes de l'Evangile, les maximes des faints Pères, & les idées du bon fens, méritent d'être écoutés. L'Eglife a eu la confolation de voir travailler avec beaucoup de fruit dans fon fein un nombre affez grand de ces guides éclairés, qui n'ont agi que felon fon efprit, qui fe font oppofés avec zèle au torrent des opinions purement humaines, & qui ont enfin détourné la multitude de les fuivre. J'entends la multitude de ceux qui ont cherché de bonne foila vérité, & qui ont voulu travailler férieufement à leur falut. ques. La morale évangélique a eu encore dans ces

XIX.

Myfti

derniers temps une autre forte d'ennemis dont l'Eglife a auffi triomphé; ce font les faux Myftiques ou Spirituels, qui ont abandonné la véritable piété pour s'abandonner à leurs imaginations, & qui ont fouvent donné dans le fanatifme le plus condamnable. La Théologie mystique en général eft une connoiffance infufe de Dieu & des chofes divines, qui émeut l'ame d'une manière douce, dévote & affective, & l'unit à Dieu intimément, éclairant fon efprit & échauffant fon cœur d'une manière tendre & extraor dinaire. Nous n'avons garde de condamner cette Théologie enfeignée par plufieurs Saints, & approuvée par l'Eglife. Mais il eft bon de remarquer que les Anciens dont les écrits brillent de tant de lumières, en ont peu fait fur cette matière, parce que d'un côté il est plus facile de fentir ces communications intimes de Dieu avec l'ame, que de les exprimer, quand on en eft favorisé, & que de l'autre il n'y a rien de plus fujet à l'illufion que ces voies extraordinaires où Dieu fait peut-être moins entrer d'ames qu'on ne le penfe. Les faintes Ecritures & les Pères de l'Eglife ont recommandé comme autant de préceptes indifpenfables, d'aimer Dieu de tout fon cœur, de ne vivre que pour lui, de lui rapporter toutes les actions par amour, de s'acquitter exactement des devoirs de fon état, chacun felon fa condition, dans le deffein de lui plaire, de le fervir, & de parvenir à le pofféder dans l'éternité; mais ils ont peu connu ces états habituels de vifions, d'illuminations, d'illuftrations intérieures, d'oraifons paffives, &c. & ils en ont furement ignoré les termes; au moins le plus grand nombre n'en a-t-il rien dit. Nous ne voyons pas non plus que quelque éclairés qu'ils ayent été fur les voies du falut,

ils ayent fait un art méthodique de l'oraifon, ni qu'ils ayent cru que les fentimens du cœur puffent être, pour ainsi dire, mesurés au compas, ni être produits que les uns après les au tres, felon un ordre arbitraire, & en quelque forte méchanique, qu'on leur auroit prefcrit. Si la plupart de ces fpéculations abftraites ne font pas nées de l'oifiveté des cloîtres, je ne fais fi l'on ne peut pas dire qu'au moins elles s'y font nourries & fortifiées, & que c'eft delà qu'elles fe font le plus répandues. Quand les Moines travailloient férieufement de leurs mains, ils avoient moins de temps & de moyens de fe livrer à ces contemplations oifives, qui les laiffoient pour le moins auffi imparfaits qu'ils l'étoient avant de s'y abandonner, qui leur donnoient même plus d'attache pour leurs propres fentimens, & qui les rendoient pour l'ordinaire plus orgueilleux, plus indépendans, fouvent plus immortifiés. Jean Rusbrock, Prêtre & Chanoine Régulier, que l'on peut regarder comme l'un des premiers Auteurs de la Théologie myftique, nous fait lui-même ce portrait des faux Spirituels de fon temps, c'est-à-dire, du xiv. fiècle. Comme tous les hommes, dit-il, cherchent naturellement le repos, ceux qui ne font pas éclairés & touchés de Dieu ne cherchent qu'un repos naturel fous prétexte de contemplation. Ils demeurent affis & entièrement oififs, fans aucune occupation intérieure ni extérieure. Mais ce mauvais repos produit en l'homme l'ignorance & l'aveuglement, & enfuite la pareffe par laquelle il fe contente de lui-même, oubliant Dieu & toute autre chose. On ne peut trouver Dieu dans ce repos naturel où peuvent arriver les infidelles & les plus grands pécheurs, s'ils étouffent les remords de

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