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VIII. PARTIE.
I. SECTION.

ART. V.

ou

de leur corps. Leurs afaires étoient pourfuivies par des avocats, des avoués laïques. Si ceux-ci de leur chef & à l'insçu des CHAP. II. moines, avoient forgé de faux titres; les monaftères n'en seroient pas refponfables. Il feroit d'autant plus injufte de les en rendre garans, que ces avocats, ou défenfeurs travailloient fouvent bien plus pour eux-mêmes, que pour les abbayes dont il ne leur étoit que trop ordinaire de s'aproprier les fonds. Les faux titres leur feroient donc demeurés. 3°. Après tout, quelles preuves peut-on produire que ces avoués aient fupofé des titres ? Aucunes. Selon toutes les aparences, il ne refte donc plus de fauffes chartes originales des premiers tems dans les archives des chapitres, ni des monaftères.

XXV. S'il eft poffible, il n'est pas probable que quelque titre faux, compofe par fimple amufement, ou par pure plaifanterie, & reçu fans malice & fans précaution dans des archives publiques, ou particulières, fùt parvenu jusqu'à nous depuis une longue fuite de fiècles.

Obfervation. On fupoferoit, 1°. que ce titre auroit pu être d'abord mis au rebut, & par-là fouftrait aux examens des juges & des archiviftes. 2°. Qu'il n'auroit jamais paru en juftice, parceque les biens qu'il concernoit, n'auroient jamais été mis en litige.

Preuve de la règle. 1°. Il n'est pas probable qu'on reçoive un titre dans des archives, pour être relégué fur le champ parmi des pièces de rebut. 2°. L'acte fabriqué par fimple amusement, ou par plaifanterie, a dû être auffitôt reconnu pour ce qu'il étoit. S'il ne l'a pas été, il eft contre toute vraisemblance que fon auteur ait pouffé la plaifanterie jusqu'à n'en avertir jamais ceux de la fimplicité defquels il s'étoit joué. 3°. Si cette pièce ne donnoit aucun nouveau droit; il eft abfurde de croire qu'on eût la fimplicité de l'admettre dans les archives d'une communauté où tout le monde n'eft pas également fimple. Si ce titre acordoit un droit inconnu, fans qu'on en conçût aucune défiance; on n'auroit donc pas manqué, pour faire valoir de nouvelles prétentions, de le produire en justice, où l'on ne plaifante point de la forte. L'auteur fe feroit-il donc expofé gratuitement aux fâcheufes fuites que pouvoit lui atirer une plaifanterie fi déplacée ?

ARTICLE II.

Règles générales de fauffeté.

I. Left moralement impoffible qu'un acte, qui porte tous les caractères de fauffeté, foit vrai.

II. Une charte porte tous les caractères de fauffeté, quand elle n'en ofre aucun, qui puiffe convenir au fiècle & aux perfonnes dont elle s'annonce.

Obfervation. Ces deux règles s'enfuivent du premier principe univerfel, du fecond principe général, de la 16o. définition, & des démonftrations des règles générales de vérité 2. & 3. Elles frapent d'ailleurs affez par leur propre évidence, évidence, pour être érigées en principes.

III. Une pièce eft fauffe, quand en la fupofant vraie, il n'eft pas poffible qu'elle foit revêtue d'un ou de plufieurs des caractères qu'elle porte.

Démonftration. Par le 3. principe général, un feul vice effentiel prouve la faufferé de l'acte où il fe trouve. Donc il ne fera pas moins faux, s'il eft infecté de plufieurs vices femblables; ou, ce qui revient au même, s'il a des caractères qu'il foit impoffible d'ajuster avec la vérité de cet acte.

Corollaire 1. Des caractères incompatibles entr'eux, ou avec la pièce dans laquelle ils concourent, en prouvent la fausseté. Corollaire 11. La fupofition d'une pièce eft prouvée par l'argument négatif; lorfqu'il n'eft pas poffible qu'on n'en eût pas parlé, fi elle eût exifté.

IV. Il est des caractères de vérité dans un fiècle, lefquels dans un autre, font des preuves évidentes de fauffeté.

Démonftration. On peut fupofer des bévues fi groffières, qu'un homme placé dans un certain fiècle, n'en eft pas capable; quoiqu'il foit très-poffible qu'un homme d'un autre fiècle y eût donné, fans pécher contre la bonne foi; & que par raport à un troisième, la même chose eût été un caractère de vérité. Par exemple, un prétendu titre original du x11o. fiècle, d'une écriture du xve. feroit évidemment faux. La même écriture auroit été pour cette pièce un caractère avantageux, fi elle s'étoit dite du xve. fiècle. Si un diplome daté d'un fiècle antérieur au xive, donnoit au roi de France ou à fon fils aîné, le

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titre de dauphin; fi une bulle du x11e. fiècle portoit la date VIII. PARTIE. du confulat ou même du poftconfulat d'un empereur; fi une

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autre bulle du xi. réuniffoit les deux formules fcripta, &c. & data, il n'en faudroit pas davantage, pour convaincre ces pièces de faux. Car il feroit impoffible qu'on eût pu tomber, par pure bévue, dans des fautes fi palpables, en adoptant des formulės inouies, des caractères furannées, des traits abfolument hors d'ufage. Cependant il n'en eft aucun qui ne fùt un caractère de vérité pour certains fiècles, Donc, &c.

V. On peut quelquefois prononcer avec une certitude morale, fur la fauffeté des diplomes fupofés.

Démonftration. Par les règles précédentes, on juge quelquefois avec raifon, qu'il eft impoffible que certaines pièces foient vraies. Or juger qu'il eft impoffible que certaines pièces foïent vraies, c'est au moins juger qu'il eft moralement für qu'elles font fauffes. Donc on peut quelquefois prononcer avec une certitude morale fur la fauffeté des diplomes fupofés. Or le cas n'eft pas métaphyfique à l'égard des chartes éfectivement fauffes. Car par le 3. principe général, il ne faut qu'un feul vice effentiel, pour les convaincre d'impofture. Or il n'est pas rare de trouver pareils défauts dans les chartes faufles; patceque leurs auteurs étant poftérieurs pour la plupart aux dares de ces pièces, ne pouvoient être affez au fait de l'hif toire & des ufages fuivis dans des fiècles éloignés d'eux, pour ne pas tomber communément dans quelque faute groffière. Donc on peut fouvent prononcer avec certitude morale, fur la fupofition des diplomes faux.

VI. Les pièces fauffes font ordinairement aifées à reconnoître, Preuve. Pour vérifier cette règle, qui dépend plus des faits que des raifonnemens; on doit fe contenter de l'autorité de M. Simon. Il étoit fi dificultueux, & même fi outré dans fes jugemens contre les chartes & la Diplomatique, qu'on n'a pas fujet de craindre qu'il ait excédé en leur faveur. Voici donc comment il s'explique fur le fujet que nous traitons. » Ceux (a) qui ont ignoré la diverfité de ces ufages, (obfervés dans la confection des titres,) font tombés dans des fautes fi grof» fières, que la fauffeté des actes qu'ils ont fupofés, SAUTE AUX » YEUX, » Or de l'aveu du même critique, c'eft ce qui est (b) Ibid. p. 265, arivé à la plupart des fauffaires. » Ils (b) ont fuivi LE PLUS SOUVENT ce qui étoit en ufage de leur tems. ... C'est ce qui

(a) Hift. de l'orig. des revenus ecclef. t. 2. p. 266.

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fe rencontre ORDINAIREMENT dans les privilèges anciens (fabriqués; ) parceque ceux qui les ont fupofés, se font réglés VIII. PARTIE. » fur leur tems, & non fur celui des Papes, dont ils emprun»toient les noms. « Et plus haut. » Il arive PEU SOUVENT que ceux qui font de faux titres, imitent affez exactement ces » caractères (de l'écriture,) foit parcequ'ils les écrivent avec trop de précipitation, ou qu'ils fe contentent de faire quelque chofe qui en aproche, mais qui n'eft pas tout-à-fait fem» blable. « Il s'enfuit delà, que pour qui s'y connoit paffablement, & qui eft un peu au fait de l'hiftoire & des ufages de chaque fiècle, la découverte des fauffes chartes n'est pas chofe fort dificile.

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VII. Il est impoffible qu'une charte même originale, soit vraie; 1o. lorfque fon ftyle & les formules font incompatibles avec ceux des pièces du même ou de tout autre genre, de la même ou de toute autre nation limitrofe, du même ou de tout autre fiècle voifin: 2°. lorfqu'elle contredit des faits d'une certitude inébranlable, fondée non-feulement fur l'autorité des hiftoriens contemporains, mais des monumens du tems les plus authentiques : 3°. lorfque fon écriture, fon encre & autres caractères extrinfèques ne peuvent s'acorder avec fes dates indubitables.

Obfervation. Cette règle n'eft qu'un corollaire des trois premières règles précédentes. Il eft de la plus parfaite évidence, qu'une pièce originale, convaincue par la réunion de tous ces moyens, ne peut jamais fe foutenir. Chacun, même en particulier, doit fufire pour la réprouver, quand ils ne font point en contradiction entr'eux, & que les formules de cette pièce' font véritablement incompatibles avec celles du fiècle. Mais fi ces moyens, plus aparens que réels, ne font pas d'acord; le 3. doit communément l'emporter. S'il dépofe évidemment contre la charte, elle doit être réputée fauffe. S'il eft évidemment pour elle, & qu'il ne foit combatu que par des formules non abfolument incompatibles avec tel fiècle, mais qui n'ont nul raport avec celles dont on a connoiffance; le titre ne doit pas être tenu pour faux. Comme persone n'a vu tous les titres & tous les actes de chaque fiècle, perfone ne peut dire avec une pleine affurance: il n'en eft point de revêtu de tels & tels caractères, lorsque leur incompatibilité n'eft pas manifeste. Le titre ne fera, ni faux, ni suspect, fi les faits historiques, Tome VI.

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qu'il opofe au torrent des auteurs, font mieux détaillés, mieux VIII. PARTIE. fuivis, plus vraisemblables, s'ils corigent & rectifient l'histoire au lieu de la bouleverfer: car c'eft une prérogative des monumens antiques nouvellement découverts, de perfectionner l'his toire. Mais fi la charte contredit des faits qu'aucun monument ne fauroit ébranler, ni rendre douteux; pourvu qu'il ne s'agiffe pas de faits anciens ou éloignés, par raport aux auteurs du diplome, mais de faits qu'ils ont dû avoir fous les yeux, elle doit être cenfée fauffe. Tel feroit, par exemple, un prétendu diplome de Henri 11. roi d'Angleterre, portant tout à la fois un fceau en placard, un monogramme, une formule de dates ainfi conçue: Datum pridie nonas decembris anno x. Henrici gloriofiffimi regis, indictione v111. Actum apud Rotomagum. Odo comes ambafciavit. Outre que l'incompatibilité seroit évidente du côté le quelques formules; quel eft l'antiquaire qui ne reconût auflitôt, que l'impofteur auroit pris fon thème fur un diplome du ix. fiècle? A combien plus forte raifon la fraude feroit-elle manifefte, fi l'encre, l'écriture, le parchemin, ne pouvoient convenir qu'au XIIIe, ou xive. fiècle? Il y auroit alors furabondance de preuves. Car par le 3. principe général, la dernière formule fufiroit feule pour convaincre de faux un diplome foi-difant du x11e. fiècle.

(a) V. notre I. tome, p. 43.

VIII. On est moralement certain de la faufferé d'un diplome, qui contredit fes caractères intrinfèques par une date, fur la certitude de laquelle on ne fauroit former aucun doute raifonnable.

Démonftration. Les formules, les ufages, le style, les faits hiftoriques renfermés dans une charte, font autant de témoignages qui dépofent fur fon âge. Si donc fa date indubitable les contredit, la pièce dépofe contre fa propre vérité. Or par le premier principe univerfel, il eft impoffible qu'une pièce foit fincère & fupofée tout à la fois; ce qu'elle feroit néanmoins, fi elle dépofoit contre fa propre vérité. Donc, &c. Mais la règle n'auroit pas lieu, fi la faute venoit de l'inatention du notaire; ce qui n'eft pas dificile à reconnoître.

IX. Un diplome diférent de quelques pièces fauffes, peut (a) n'être pas vrai, comme un diplome diférent de quelques pièces vraies, peut n'être pas faux.

Obfervation. La preuve de cette règle fe tire de ce que les titres vrais & faux font pleins de variétés infinies.

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