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DES

MIRACLES.

Left très-ordinaire dans le monde de voir des gens qui ont pour maxime, de croire qu'il ne fe fait point de miracle, & qui fe raillent de tous ceux qu'on leur rapporte, les prenant pour des illufions & des fonges, qui ne fervent qu'à amuser les enfans, & à éblouir les fimples, à entretenir la fuperftition de quelques femmes dévotes, & à tirer de l'argent de leurs mains.

Ces fortes de perfonnes ne manquent

pas

de raconter à toute heure des miracles de quelque Legende manifestement ridicule, pour conclure enfuite qu'il n'y en a point d'autre;& que toutes les hiftoires que l'on en fait ne font que des fables, ou des évenemens dont les caufes font naturelles.

Quelques uns n'entrent dans ces fentimens que par libertinage, fe trouvant plongez dans une abîme de criY y iiij

mes, d'où ils ne veulent point fortir: ils voyent que felon les principes de la foi, il faut, ou qu'ils faffent penitence, ou qu'ils foient condamnez à des feux éternels. Ces deux veritez étant également incommodes au deffein qu'ils ont de fuivre les defirs déreglez de leur cœur, & de ne rien refufer à leurs fens, ils jugent à propos de fe délivrer du joug de la religion, & de fe mettre en une pleine liberté. Ils tâchent de fe perfuader qu'il n'y a point de juftice éternelle, afin de s'abandonner plus hardiment à toute forte de crimes; & lors qu'on les convainc de quelque évenement extraordinaire qu'ils n'ofent nier, ils attribuent à des qualitez occultes, à la force de l'imagination, ou à des vapeurs malignes, les effets prodigieux dont ils ne peuvent découvrir les caufes. Ces fortes de pecheurs font déjà condamnez, & il eft fi difficile de les voir reffufciter à la vie de la grace, qu'on peut dire que leur peché eft à la mort. L'endurciffement de leur cœur eft tel, qu'ils n'écoutent plus rien de ce qui pourroit les convertir: ils ne font touchez ni de promeffes de Dieu, ni de fes menaces: ils méprifent les biens du ciel, ils fe raillent

de l'enfer, & cela fe termine ordinairement au malheur de mourir dans leurs pechez.

D'autres fe piquent de raison, & font ingenieux à expliquer les plus grands miracles par des caufes toutes naturelles. Certaines conftitutions de cerveau forment, felon eux, des prophetes, & des faifeurs de prodiges & des hommes tout miraculeux. Il eft prefque impoffible qu'ils ne s'apperçoivent pas combien leur raifonnement eft peu folide, & cependant l'amour de leur propre gloire & le defir de fe diftinguer du commun des hommes les affermiffent dans leurs fentimens : ils aiment les productions de leur imagination, & ils fe font un honneur d'y perfifter avec une fermeté immobile: ils adorent tellement leur raifon, qu'encore qu'elle ne leur produife très-fouvent que des chimeres, ils ne laiffent pas d'avoir la hardieffe & la témerité de la préferer à toute la lumiere & à toute l'autorité des faints Docteurs, & ils ne craignent point de les regarder comme des aveugles, des ignorans & des gens trop credules qui ne meritent aucune créance. Quelque effort néanmoins qu'ils faf

fent pour ôter à Dieu la gloire des miracles qu'il a operez par fes ferviteurs dans les fiécles paffez, & même dans le nôtre; ils ne répandront jamais affez de tenebres fur la terre par leurs vaines fubtilitez, pour nous perfuader que toute l'hiftoire de l'Eglife est une fable, & qu'il n'y a que de Fillufion dans des merveilles qui fubfiftent encore, que nous avons vû de nos yeux, & que mille autres perfonnes ont vûes auffi bien que nous. Jamais ils ne mettront en credit parmi des gens de bon fens un fi extravagant paradoxe mais leur opiniâtreté à contefter les veritez les plus affurées, obblige feulement ceux qui les connoiffent, de juger que le mauvais ufage qu'ils font de leur efprit les égare & les aveugle de telle forte, que le foleil de juftice qui eft l'unique fource,de la veritable lumiere,ne fe leve point fur eux.

Il y en a qui ne penetrant pas affez l'impieté de ces principes, s'y laiffent facilement aller:après les avoir fouvent ouïs, & s'en être remplis par les difcours frequens des autres, ils fe portent à les débiter auffi dans les leurs, parce qu'ils trouvent du plaifir à penfer & à parler comme des gens dont

ils eftiment l'efprit quoiqu'ils ne puiffent les fuivre dans de fi pernicieufes opinions, fans fe laffer de la parole de Dieu; fans rejetter les plus certaines traditions de l'Eglife;fans détruire la foi & fans fe déclarer en faveur de toutes les hetefies, qui font toutes fondées fur un mépris aveugle de l'autori té des Saints Peres.

Nous voyons dans l'Evangile, que les Saducéens, les Pharifiens, les Docteurs de la loi, les Herodiens & les Payens confpirent tous unanimement contre la verité des miracles de JefusChrist. Les Saducéens qui étoient perfuadez que l'ame mouroit avec le corps, n'avoient garde de croire que Lazare fut reffufcité; & ils aimoient mieux renoncer au témoignage de leurs propres yeux, qu'à l'impieté de leurs fentimens. C'étoit affez aux Pharifiens d'aimer leur propre gloire, pour être ennemis de celle de Jefus-Chrift, & par confequent de fes miracles. Les Docteurs de la loi auroient crû fe faire tort d'apprendre quelque chofe du Fils de l'homme, qu'ils méprifoient comme un ignorant, qui n'avoit rien appris; parce qu'ils ne pouvoient nier des faits expofez à la vûe & à la con

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