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des statues après leur mort; il n'y a point jusqu'aux actrices célèbres qui n'aient chez vous leur place dans les temples à côté des grands poëtes.

Votre Oldfields (1) et sa devancière,
Bracegirdle la minaudière,

Pour avoir su dans leurs beaux jours

Réussir au grand art de plaire,

Ayant achevé leur carrière,
S'en furent avec le concours
De votre république entière,
Sous un grand poêle de velours,
Dans votre église pour toujours
Loger de superbe manière.

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(1) Fameuse actrice, mariée à un seigneur d'Angleterre.

Qui m'abandonne, et se bannit
Des lieux ingrats qu'elle embellit

Si long-temps de ses nobles charmes?

Tout semble ramener les Français à la barbarie dont Louis XIV et le cardinal de Richelieu les ont tirés. Malheur aux politiques qui ne connaissent pas le prix des beaux arts! La terre est couverte de nations aussi puissantes que nous. D'où vient cependant que nous les regardons presque toutes avec peu d'estime? c'est par la raison qu'on méprise dans la société un homme riche dont l'esprit est sans goût et sans culture. Surtout ne croyez pas que cet empire de l'esprit, et cet honneur d'être le modèle des autres peuples, soit une gloire frivole ce sont les marques infaillibles de la grandeur d'un peuple. C'est toujours sous les plus grands princes que les arts ont fleuri, et leur décadence est quelquefois l'époque de celle d'un État: l'histoire est pleine de ces exemples. Mais ce sujet me mènerait trop loin. Il faut que je finisse cette lettre, déja trop longue, en vous envoyant un petit ouvrage qui trouve naturellement sa place à la tête de cette tragédie. C'est une épître en vers (1) à celle qui a joué le rôle de Zaïre : je lui devais au moins un compliment pour la façon dont elle s'en est acquittée :

:

Car le prophète de la Mecque
Dans son sérail n'a jamais eu

(1) Voyez page 112.

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Si gentille Arabesque ou Grecque.
Son œil noir, tendre et bien fendu,
Sa voix et sa grâce intrinsèque
Ont mon ouvrage défendu
Contre l'auditeur qui rebèque :
Mais quand le lecteur morfondu
L'aura dans sa bibliothèque,
Tout mon honneur sera perdu.

Adieu, mon ami; cultivez toujours les lettres et la philosophie, sans oublier d'envoyer des vaisseaux dans les échelles du Levant. Je vous embrasse de tout mon cœur.

VOLTAIRE.

SECONDE LETTRE

A M. FALKENER,

ALORS AMBASSADEUR A CONSTANTINOPLE,

Tirée d'une seconde édition de Zaïre.

Mon cher ami, (car votre nouvelle dignité d'ambassadeur rend seulement notre amitié plus respectable, et ne m'empêche pas de me servir ici d'un titre plus sacré que le titre de ministre : le nom d'ami est bien au-dessus de celui d'excellence.)

Je dédie à l'ambassadeur d'un grand roi et d'une nation libre le même ouvrage que j'ai dédié au simple citoyen, au négociant anglais.

Ceux qui savent combien le commerce est honoré dans votre patrie n'ignorent pas aussi qu'un' négociant y est quelquefois un législateur, un bon officier, un ministre public.

Quelques personnes, corrompues par l'indigne usage de ne rendre hommage qu'à la grandeur, ont essayé de jeter un ridicule sur la nouveauté d'une dédicace faite à un homme qui n'avait alors que du mérite. On a osé, sur un théâtre consacré au mauvais goût et à la médisance, insulter à l'auteur de cette dédicace et à celui qui l'avait reçue;

on a osé lui reprocher d'être un négociant. Il ne faut point imputer à notre nation une grossièreté si honteuse, dont les peuples les moins civilisés rougiraient. Les magistrats qui veillent parmi nous sur les mœurs, et qui sont continuellement occupés à réprimer le scandale, furent surpris alors; mais le mépris et l'horreur du public pour l'auteur connu de cette indignité sont une nouvelle preuve de la politesse des Français.

Les vertus qui forment le caractère d'un peuple sont souvent démenties par les vices d'un particulier. Il y a eu quelques hommes voluptueux à Lacédémone. Il y a eu des esprits légers et bas en Angleterre. Il y a eu dans Athènes des hommes sans goût, impolis et grossiers; et on en trouve dans Paris.

Oublions-les, comme ils sont oubliés du public, et recevez ce second hommage je le dois d'autant plus à un Anglais, que cette tragédie vient d'être embellie à Londres. Elle y a été traduite et jouée avec tant de succès, on a parlé de moi sur votre théâtre avec tant de politesse et de bonté, que j'en dois ici un remercîment public à votre nation.

Je ne peux mieux faire, je crois, pour l'honneur des lettres, que d'apprendre ici à mes compatriotes les singularités de la traduction et de la représentation de Zaïre sur le théâtre de Londres.

M. Hill, homme de lettres, qui paraît connaître

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