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OROSMANE.

Ils ont été tous deux esclaves dans l'enfance;
Ils ont porté mes fers, ils ne se verront plus;
Zaire enfin de moi n'aura point un refus.
Je ne m'en défends point; je foule aux pieds pour
Des rigueurs du sérail la contrainte cruelle.
J'ai méprisé ces lois dont l'âpre austérité
Fait d'une vertu triste une nécessité.
Je ne suis point formé du sang asiatique;
Né parmi les rochers, au sein de la Taurique,
Des Scythes mes aïeux je garde la fierté,
Leurs mœurs, leurs passions, leur générosité:
Je consens qu'en partant Nérestan la revoie ;

elle

Je veux que tous les cœurs soient heureux de ma joie.
Après ce peu d'instants, volés à mon amour,
Tous ses moments, ami, sont à moi sans retour.
Va, ce chrétien attend, et tu peux l'introduire.
Presse son entretien, obéis à Zaire.

SCÈNE II.

CORASMIN, NÉRESTAN.

CORASMIN.

EN ces lieux, un moment, tu peux encor rester.
Zaïre à tes regards viendra se présenter.

SCÈNE III.

NERESTAN, seul.

EN quel état, ô ciel! en quels lieux je la laisse !

O ma religion! ô mon père! ô tendresse!

Mais je la vois.

SCENE IV.

ZAIRE, NERESTAN.

NÉRESTAN.

MA sœur, je puis donc vous parler?

Ah! dans quel temps le ciel nous voulut rassembler !
Vous ne reverrez plus un trop malheureux père.

Dieu! Lusignan?

ZAÏRE.

NÉRESTAN.

Il touche à son heure dernière.

Sa joie, en nous voyant, par de trop grands efforts,
De ses sens affaiblis a rompu les ressorts;

Et cette émotion, dont son âme est remplie,

A bientôt épuisé les sources de sa vie.

Mais, pour comble d'horreurs, à ces derniers moments,
Il doute de sa fille et de ses sentiments;

Il meurt dans l'amertume, et son âme incertaine
Demande en soupirant si vous êtes chrétienne.

ZAIRE,

Quoi! je suis votre sœur, et vous pouvez penser
Qu'à mon sang, à ma loi j'aille ici renoncer?

NÉRESTAN.

Ah! ma sœur, cette loi n'est pas la vôtre encore;
Le jour qui vous éclaire est pour vous à l'aurore;
Vous n'avez point reçu ce gage précieux

Qui nous lave du crime et nous ouvre les cieux.
Jurez
par nos malheurs, et par votre famille,
Par ces martyrs sacrés de qui vous êtes fille
Que vous voulez ici recevoir aujourd'hui
Le sceau du Dieu vivant qui nous attache à lui.

ZAIRE.

Oui, je jure en vos mains, par ce Dieu que j'adore,
Par sa loi que je cherche, et que mon cœur ignore,
De vivre désormais sous cette sainte loi...

Mais, mon cher frère... Hélas! que veut-elle de moi?
Que faut-il?

NÉRESTAN.

3

Détester l'empire de vos maîtres,
Servir, aimer ce Dieu qu'ont aimé nos ancêtres,
Qui, né près de ces murs, est mort ici pour nous,
Qui nous a rassemblés, qui m'a conduit vers vous.
Est-ce à moi d'en parler? Moins instruit que fidèle,
Je ne suis qu'un soldat, et je n'ai que du zèle.
Un pontife sacré viendra jusqu'en ces lieux
Vous apporter la vie et dessiler vos yeux.
Songez à vos serments, ct que l'eau du baptême
Ne vous apporte point la mort et l'anathême.
Obtenez qu'avec lui je puisse revenir.

Mais à quel titre, ô ciel! faut-il donc l'obtenir?
A qui le demander dans ce sérail profane?...
Vous, le
sang de vingt rois, esclave d'Orosmane!
Parente de Louis, fille de Lusignan!

Vous chrétienne, et ma sœur, esclave d'un soudan!
Vous m'entendez... je n'ose en dire davantage :
Dieu, nous réserviez-vous à ce dernier outrage?
ZAIRE.

Ah! cruel, poursuivez; vous ne connaissez pas
Mon secret, mes tourments, mes vœux, mes attentats.
Mon frère, ayez pitié d'une sœur égarée,

Qui brûle, qui gémit, qui meurt désespérée.

Je suis chrétienne, hélas!......... j'attends avec ardeur Cette eau sainte, cette eau qui peut guérir mon cœur.

Non, je ne serai point indigne de mon frère,
De mes aïeux, de moi, de mon malheureux père.
Mais parlez à Zaire, et ne lui cachez rien,
Dites... quelle est la loi de l'empire chrétien?...
Quel est le châtiment pour une infortunée
Qui, loin de ses parents, aux fers abandonnée,
Trouvant chez un barbare un généreux appui,
Aurait touché son âme, et s'unirait à lui ?

NÉRESTAN.

O ciel! que dites-vous? Ah! la mort la plus prompte
Devrait...

ZAÏRE.

C'en est assez, frappe, et préviens ta honte.

Qui? vous? ma sœur!

NÉRESTAN.

ZAIRE.

C'est moi que je viens d'accuser.

Orosmane m'adore... et j'allais l'épouser.

NÉRESTAN.

L'épouser! est-il vrai, ma sœur? Est-ce vous-même ?

Vous, la fille des rois ?

ZAÏRE.

Frappe, dis-je, je l'aime.

NÉRESTAN.

Opprobre malheureux du sang dont vous sortez,
Vous demandez la mort, et vous la méritéz;
Et si je n'écoutais que ta honte et ma gloire,
L'honneur de ma maison, mon père, sa mémoire,
Si la loi de ton Dieu, que tu ne connais pas,
Si ma religion ne retenait mon bras,

J'irais dans ce palais, j'irais, au moment même,
Immoler de ce fer un barbare qui t'aime,
De son indigne flanc le plonger dans le tien,
Et ne l'en retirer que pour percer le mien.
Ciel! tandis que Louis, l'exemple de la terre,
Au Nil épouvanté ne va porter la guerre

Que pour venir bientôt, frappant des coups plus sûrs,
Délivrer ton Dieu même, et lui rendre ces murs:
Zaire, cependant, ma sœur, son alliée,

Au tyran d'un sérail par l'hymen est liée ?
Et je vais donc apprendre à Lusignan trahi,
Qu'un Tartare est le dieu que sa fille a choisi?
Dans ce moment affreux, hélas! ton père expire,
En demandant à Dieu le salut de Zaïre.

ZAÏRE.

Arrête, mon cher frère... arrête, connais-moi;
Peut-être que Zaire est digne encor de toi.

Mon frère, épargne-moi cet horrible langage;
Ton courroux, ton reproche est un plus grand outrage,
Plus sensible pour moi, plus dur que ce trépas
Que je te demandais, et que je n'obtiens pas.
L'état où tu me vois accable ton courage;
Tu souffres, je le vois; je souffre davantage.
Je voudrais que du ciel le barbare secours
De mon sang, dans mon cœur, eût arrêté le cours,
Le jour qu'empoisonné d'une flamme profane,
Ce pur sang des chrétiens brûla pour Orosmane,
Le jour que de ta sœur Orosmane charmé...
Pardonnez-moi, chrétiens; qui ne l'aurait aimé?
Il faisait tout pour moi; son cœur m'avait choisie;
Je voyais sa fierté pour moi seule adoucie.
C'est lui qui des chrétiens a ranimé l'espoir :

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