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SCÈNE VII.
vii.

OROSMANE, CORASMIN.

OROSMANE.

JE demeure immobile, et ma langue glacée
Se refuse aux transports de mon âme offensée.
Est-ce à moi que l'on parle ? ai-je bien entendu ?
Est-ce moi qu'elle fuit? ô ciel! et qu'ai-je vu?
Corasmin, quel est donc ce changement extrême ?
Je la laisse échapper! je m'ignore moi-même.

CORASMIN.

Vous seul causez son trouble, et vous vous en plaignez. Vous accusez, seigneur, un cœur où vous régnez.

OROSMANE.

Mais pourquoi donc ces pleurs, ces regrets, cette fuite,
Cette douleur si sombre en ses regards écrite?

Si c'était ce Français!... quel soupçon! quelle horreur!
Quelle lumière affreuse a passé dans mon cœur!
Hélas! je repoussais ma juste défiance :

Un barbare, un esclave aurait cette insolence!
Cher ami, je verrais un cœur comme le mien
Réduit à redouter un esclave chrétien?
Mais, parle, tu pouvais observer son visage,
Tu pouvais de ses yeux entendre le langage :
Ne me déguise rien, mes feux sont-ils trahis?
Apprends-moi mon malheur... tu trembles... tu frémis...

C'en est assez.

CORASMIN.

Je crains d'irriter vos alarmes.

Il est vrai que ses yeux ont versé quelques larmes;
Mais, seigneur, après tout, je n'ai rien observé
Qui doive...

OROSMANE.

A cet affront je serais réservé!
Non, si Zaïre, ami, m'avait fait cette offense,
Elle eût avec plus d'art trompé ma confiance.
Le déplaisir secret de son cœur agité,
Si ce cœur est perfide, aurait-il éclaté?
Écoute, garde-toi de soupçonner Zaire.

Mais, dis-tu, ce Français gémit, pleure, soupire:
Que m'importe après tout le sujet de ses pleurs?
Qui sait si l'amour même entre dans ses douleurs?
Et qu'ai-je à redouter d'un esclave infidèle,
Qui demain pour jamais se va séparer d'elle?

CORASMIN.

N'avez-vous pas, seigneur, permis, malgré nos lois,
Qu'il jouît de sa vue une seconde fois?
Qu'il revînt en ces lieux ?

OROSMANE.

Qu'il revînt, lui, ce traître? Qu'aux yeux de ma maîtresse il osât reparaître ? Oui, je le lui rendrais, mais mourant, mais puni, Mais versant à ses yeux le sang qui m'a trahi, Déchiré devant elle; et ma main dégouttante Confondrait dans son sang le sang de son amante......... ́ Excuse les transports de ce cœur offense;

Il est né violent, il aime, il est blessé.

Je connais mes fureurs, et je crains ma faiblesse;
A des troubles honteux je sens que je m'abaisse.
Non, c'est trop sur Zaïre arrêter un soupçon;
Non, son cœur n'est point fait pour une trahison :

Mais ne crois pas non plus que le mien s'avilisse
A souffrir des rigueurs, à gémir d'un caprice,
A me plaindre, à reprendre, à redonner ma foi;
Les éclaircissements sont indignes de moi.

Il vaut mieux sur mes sens reprendre un juste empire;
Il vaut mieux oublier jusqu'au nom de Zaire.
Allons, que le sérail soit fermé pour jamais;
Que la terreur habite aux portes du palais;
Que tout ressente ici le frein de l'esclavage.
Des rois de l'Orient suivons l'antique usage.
On peut, pour son esclave oubliant sa fierté,
Laisser tomber sur elle un regard de bonté ;
Mais il est trop honteux de craindre une maîtresse; 4
Aux mœurs de l'Occident laissons cette bassesse.
Ce sexe dangereux, qui veut tout asservir,
S'il règne dans l'Europe, ici doit obéir.

FIN DU TROISIÈME ACTE.

QUE je v

SCÈNE I.

ZAÏRE, FATIME.

FATIME.

vous plains, madame, et que je vous admire! C'est le Dieu des chrétiens, c'est Dieu qui vous inspire; Il donnera la force à vos bras languissants,

De briser des liens si chers et si puissants.

ZAIRE.

Eh! pourrai-je achever ce fatal sacrifice?

FATIME.

Vous demandez sa grâce, il vous doit sa justice :
De votre cœur docile il doit prendre le soin.

ZAÏRE.

Jamais de son appui je n'eus tant de besoin.

FATIME.

Si vous ne voyez plus votre auguste famille,
Le Dieu que vous servez vous adopte pour fille;
Vous êtes dans ses bras, il parle à votre cœur:
Et quand ce saint pontife, organe du Seigneur,
Ne pourrait aborder dans ce palais profane...
ZAIRE.

Ah! j'ai porté la mort dans le sein d'Orosmane!
J'ai pu désespérer le cœur de mon amant!

Quel outrage, Fatime, et quel affreux moment!
Mon Dieu, vous l'ordonnez!... j'eusse été trop heureuse.

FATIME.

Quoi! regretter encor cette chaîne honteuse!
Hasarder la victoire, ayant tant combattu!

ZAIRE.

Victoire infortunée! inhumaine vertu!

Non, tu ne connais pas ce que je sacrifie.
Cet amour si puissant, ce charme de ma vie,
Dont j'espérais, hélas! tant de félicité,
Dans toute son ardeur n'avait point éclaté.
Fatime, j'offre à Dieu mes blessures cruelles;
Je mouille devant lui de larmes criminelles
Ces lieux, où tu m'as dit qu'il choisit son séjour;
Je lui crie en pleurant : Ote-moi mon amour,
Arrache-moi mes vœux, remplis-moi de toi-même ;
Mais, Fatime, à l'instant les traits de ce que j'aime,
Ces traits chers et charmants, que toujours je revoi,
Se montrent dans mon âme entre le ciel et moi.
Eh bien! race de rois, dont le ciel me fit naître,
Père', mère, chrétiens, vous mon Dieu, vous mon maître,
Vous qui de mon amant me privez aujourd'hui,
Terminez donc mes jours, qui ne sont plus pour lui!
Que j'expire innocente, et qu'une main si chère,
De ces yeux qu'il aimait ferme au moins la paupière!
Ah!
que fait Orosmane? Il ne s'informe pas

Si j'attends loin de lui la vie ou le trépas; (5)

Il me fuit, il me laisse, et je n'y poux survivre.

FATIME.

Çuoi! vous, fille des rois, que vous prétendez suivre,
Vous, dans les bras d'un Dieu, votre éternel appui...

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