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Je cache à votre oreille une plainte importune...
Demain, tous mes secrets vous seront révélés.

OROSMANE.

De quelle inquiétude, ô ciel! vous m'accablez!
Pouvez-vous?...

ZAÏRE.

Si pour moi l'amour vous parle encore,

Ne me refusez pas la grâce que j'implore.

OROSMANE.

Eh bien! il faut vouloir tout ce que vous voulez;
J'y consens; il en coûte à mes sens désolés.

Allez, souvenez-vous que je vous sacrifie

Les moments les plus beaux, les plus chers de ma vie.

ZAÏRE.

En me parlant ainsi, vous me percez le cœur.

OROSMANE.

Eh bien! vous me quittez, Zaire?

ZAÏRE.

Hélas! seigneur!

SCÈNE III.

OROSMANE, CORASMIN.

OROSMANE.

AH! c'est trop tôt chercher ce solitaire asile,
C'est trop tôt abuser de ma bonté facile;
Et plus j'y pense, ami, moins je puis concevoir
Le sujet si caché de tant de désespoir.
Quoi donc! par ma tendresse élevée à l'empire,
Dans le sein du bonheur que son âme désire,

Près d'un amant qu'elle aime, et qui brûle à ses pieds,
Ses yeux, remplis d'amour, de larmes sont noyés!

Je suis bien indigné de voir tant de caprices :
Mais moi-même, après tout, eus-je moins d'injustices?
Ai-je été moins coupable à ses yeux offensés?

Est-ce

à moi de me plaindre? on m'aime, c'est assez.
Il me faut expier, par un peu d'indulgence,
De mes transports jaloux l'injurieuse offense.
Je me rends: je le vois, son cœur est sans détours;
La nature naïve anime ses discours.

Elle est dans l'âge heureux où règne l'innocence;
A sa sincérité je dois ma confiance.

pour

moi;

Elle m'aime sans doute; oui, j'ai lu devant toi,
Dans ses yeux attendris, l'amour qu'elle a
Et son âme, éprouvant cette ardeur qui me touche,
Vingt fois pour me le dire a volé sur sa bouche.
Qui peut avoir un cœur assez traître, assez bas,
Pour montrer tant d'amour, et ne le sentir pas?

SCÈNE IV.

OROSMANE, CORASMIN, MELEDOR.
MÉLÉDOR.

CETTE lettre, seigneur, à Zaire adressée,
Par vos gardes saisie, et dans mes mains laissée...

OROSMANE.

Donne... qui la portait?... Donne.

MÉLÉDOR.

Un de ces chrétiens,

Dont vos bontés, seigneur, ont brisé les liens :
Au sérail, en secret, il allait s'introduire;
Ou l'a mis dans les fers.

OROSMANE.

Laisse-nous... Je frémis.

Hélas! que vais-je lire?

SCÈNE V.

OROSMANE, CORASMIN.

CORASMIN.

CETTE lettre, seigneur,

Pourra vous éclaircir, et calmer votre cœur.

OROSMANE.

Ah! lisons: ma main tremble, et mon âme étonnée
Prévoit que ce billet contient ma destinée.
Lisons... «< Chère Zaire, il est temps de nous voir :
«<< Il est vers la mosquée une secrète issue,

«<< Où vous pouvez sans bruit, et sans être aperçue,
« Tromper vos surveillants, et remplir notre espoir :
<«<< Il faut tout hasarder; vous connaissez mon zèle :
<<< Je vous attends; je meurs, si vous n'êtes fidèle. »
Eh bien! cher Corasmin, que dis-tu?

CORASMIN.

Moi, seigneur?

Je suis épouvanté de ce comble d'horreur.

OROSMANE.

Tu vois comme on me traite.

CORASMIN.

O trahison horrible!

Seigneur, à cet affront vous êtes insensible?
Vous dont le cœur tantôt, sur un simple soupçon,
D'une douleur si vive a reçu le poison?

Ah! sans doute, l'horreur d'une action si noire
Vous guérit d'un amour qui blessait votre gloire.

OROSMANE.

Cours chez elle à l'instant, va, vole, Corasmin :
Montre-lui cet écrit... Qu'elle tremble... et soudain,
De cent coups de poignard que l'infidèle meure.
Mais avant de frapper... Ah! cher ami, demeure,
Demeure, il n'est pas temps. Je veux que ce chrétien
Devant elle amené... Non... je ne veux plus rien...
Je me meurs... je succombe à l'excès de ma rage.

CORASMIN.

On ne reçut jamais un si sanglant outrage.

OROSMANE.

Le voilà donc connu, ce secret plein d'horreur!
Ce secret qui pesait à son infâme cœur!

Sous le voile emprunté d'une crainte ingénue,
Elle veut quelque temps se soustraire à ma vue.
Je me fais cet effort, je la laisse sortir;

Elle part en pleurant... et c'est

Quoi, Zaire!

pour me trahir.

CORASMIN.

Tout sert à redoubler son crime.

Seigneur, n'en soyez pas l'innocente victime,
Et de vos sentiments rappelant la grandeur...

OROSMANE.

C'est-là ce Nérestan, ce héros plein d'honneur,
Ce chrétien si vanté, qui remplissait Solyme
De ce faste imposant de sa vertu sublime!
Je l'admirais moi-même, et mon cœur combattu
S'indignait qu'un chrétien m'égalât en vertu.
Ah! qu'il va me payer sa fourbe abominable!
Mais Zaire, Zaire est cent fois plus coupable.
Une esclave chrétienne, et que j'ai pu laisser

Dans les plus vils emplois languir sans l'abaisser!
Une esclave! elle sait ce que j'ai fait pour elle!

Ah, malheureux!

CORASMIN.

Seigneur, si vous souffrez mon zèle,

Si, parmi les horreurs qui doivent vous troubler,

Vous vouliez...

OROSMANE.

Oui, je veux la voir et lui parler.

Allez, volez, esclave, et m'amenez Zaire.

CORASMIN.

Hélas! en cet état que pourrez-vous lui dire?

OROSMANE.

Je ne sais, cher ami, mais je prétends la voir.

CORASMIN.

Ah! seigneur, vous allez, dans votre désespoir,
Vous plaindre, menacer, faire couler ses larmes.
Vos bontés contre vous lui donneront des armes;
Et votre cœur séduit, malgré tous vos soupçons,
Pour la justifier cherchera des raisons.
M'en croirez-vous? cachez cette lettre à sa vue,
Prenez pour la lui rendre une main inconnue :
Par-là, malgré la fraude et les déguisements,
Vos yeux démêleront ses secrets sentiments,
Et des plis de son cœur verront tout l'artifice.

OROSMANE.

Penses-tu qu'en effet Zaïre me trahisse?...
Allons, quoi qu'il en soit, je vais tenter mon sort,

Et
Je veux voir à quel point une femme hardie
Saura de son côté pousser la perfidie.

pousser la vertu jusqu'au dernier effort.

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