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SCÈNE IV.

ÉRYPHILE, ZELONIDE, POLÉMON.

ÉRYPHILE.

EH bien! cher Polémon, que venez-vous me dire?
POLÉMON.

J'apporte à vos genoux les vœux de cet empire;
Son sort dépend de vous: le don de votre for
Fait la paix de la Grèce et le bonheur d'un roi.
Ce long retardement, à vous-même funeste,
De nos divisions peut ranimer le reste.
Euryale, Tydée, et ces rois repoussés,
Vaincus par Alcméon, ne sont point terrassés.
Dans Argos incertain leur parti peut renaître ;
Hermogide est puissant, le peuple veut un maître :
Il se plaint, il murmure, et, prompt à s'alarmer,
Bientôt malgré vous-même il pourrait le nommer.
Veuve d'Amphiaraus, et digne de ce titre,
De ces grands différents et la cause et l'arbitre,
Reine, daignez d'Argos accomplir les souhaits.
Que le droit de régner soit un de vos bienfaits!
Que votre voix décide, et que cet hyménée
De la Grèce et de vous règle la destinée!

ÉRYPHILE.

Pour qui penche ce peuple?

POLÉMON.

Il attend votre choix :
de nos rois.

Mais on sait qu'Hermogide est du sang
Du souverain pouvoir il est dépositaire;
Cet hymen à l'État semble être nécessaire.

ÉRYPHILE.

On veut que je l'épouse, et qu'il soit votre roi ?
POLÉMON.

Madame, avec respect on suivra votre loi.
Prononcez : un seul mot règlera nos hommages.

ÉRYPHILE.

Mais du peuple Hermogide a-t-il tous les suffrages? POLÉMON.

S'il faut parler, madame, avec sincérité,

Ce prince est dans ces lieux moins cher que redouté. On croit qu'à son hymen il vous faudra souscrire; Mais, madame, on le croit plus qu'on ne le désire. ÉRYPHILE.

Alcméon ne vient point! l'a-t-on fait avertir?

POLÉMON.

Déja du camp, madame, il aura dû partir.

ÉRYPHILE.

Ce n'est qu'en sa vertu que j'ai quelque espérance. Puisse-t-il de sa reine embrasser la défense! Puisse-t-il me sauver de tous mes ennemis !

O dieux de mon époux ! et vous, dieux de mon âls! Prenez de cet État les rênes languissantes; Remettez-les vous-même en des mains innocentes : Ou, si dans ce grand jour il me faut déclarer, Conduisez donc mon cœur, et daignez l'inspirer.

FIN DU PREMIER ACTE.

ACTE SECOND.

SCÈNE I.

ALCMÉON, THÉANDRE.

THÉANDRE.

ALCMEON, j'ai pitié de voir tant de faiblesse.
L'erreur qui vous séduit, la douleur qui vous presse,
De vos désirs secrets l'orgueil présomptueux,
Éclatent malgré vous et parlent dans vos yeux;
Et j'ai tremblé cent fois que la reine offensée
Ne punît de vos vœux la fureur insensée.
Qui? vous! jeter sur elle un œil audacieux ?
Vous cherchez à vous perdre. Ah! jeune ambitieux,
Faut-il vous voir ôter par vos fougueux caprices
L'honneur de vos exploits, le fruit de vos services,
Le prix de tant de sang versé dans les combats!

ALCMÉON.

Cher ami, pardonnez, je ne me connais pas.
La reine, oui, je l'avoue, oui, sa fatale vue
Porte au fond de mon âme une atteinte inconnue.
Je ne veux point voiler à vos regards discrets
L'erreur de mon jeune âge, et mes troubles secrets.
Je vous dirai bien plus : l'aspect du diadème
Semble emporter mon âme au-delà de moi-même.
J'ignore pour quel roi ce bras a triomphé :
Mais pressé d'un dépit avec peine étouffé,

A mon cœur étonné c'est un secret outrage
Qu'un autre emporte ici le prix de mon courage,
Que ce trône ébranlé, dont je fus le rempart,
Dépende d'un coup d'œil, ou se donne au hasard.
Que dis-je ? hélas! peut-être il est le prix du crime.
Mais non, n'écoutons point le transport qui m'anime.
Bannissons loin de moi le funeste soupçon

Qui règne en mon esprit et trouble ma raison.
Ah! si la vertu seule, et non pas la naissance....
THEANDRE.

Écoutez : j'ai moi-même élevé votre enfance;
Souffrez-moi quelquefois, généreux Alcméon,
L'autorité d'un père aussi-bien que le nom.
Vous passez pour mon fils; la fortune sévère,
Inégale en ses dons, pour vous marâtre et mère,
De vos jours conservés voulut mêler le fil
De l'éclat le plus grand et du sort le plus vil.
J'ai d'un profond secret couvert votre origine;
Mais vous la connaissez; et cette âme divine,
Du haut de sa fortune et parmi tant d'éclat,
Devrait baisser les yeux sur son premier état.
Gardez que quelque jour cet orgueil téméraire
N'attire sur vous-même une triste lumière,
N'éclaire enfin l'envie, et montre à l'univers
Sous vos lauriers pompeux la honte de vos fers.
ALCMÉON.

Ah! c'est ce qui m'accable et qui me désespère.
Il faut rougir de moi, trembler au nom d'un père,
Me cacher par faiblesse aux moindres citoyens,
Et reprocher ma vie à ceux dont je la tiens.
Préjugé malheureux! éclatante chimère
Que l'orgueil inventa, que le faible révère,

Par qui je vois languir le mérite abattu

Aux pieds d'un prince indigne, ou d'un grand sans vertu. * Les mortels sont égaux : ce n'est point la naissance,

* C'est la seule vertu qui fait leur différence.
C'est elle qui met l'homme au rang
des demi-dieux;

* Et qui sert son pays n'a pas besoin d'aïeux.
Princes, rois, la fortune a fait votre partage;
Mes grandeurs sont à moi, mon sort est mon ouvrage :
Et ces fers si honteux, ces fers où je naquis,
Je les ai fait porter aux mains des ennemis.
* Je n'ai plus rien du sang qui m'a donné la vic;
* Il a dans les combats coulé pour la patrie;
* Je vois ce que je suis et non ce que je fus,

* Et crois valoir au moins des rois que j'ai vaincus.
THÉANDRE.

Alcméon, croyez-moi, l'orgueil qui vous inspire,
Que je dois condamner, et que pourtant j'admire,
Ce principe éclatant de tant d'exploits fameux,
En vous rendant si grand, vous fait trop malheureux.
Pliez à votre état ce fougueux caractère
Qui d'un brave guerrier ferait un téméraire :
C'est un des ennemis qu'il vous faut subjuguer.
Né pour servir le trône, et non pour le briguer,
Sachez vous contenter de votre destinée;
D'une gloire assez haute elle est environnée :
N'en recherchez point d'autre. Eh! qui sait si les dieux,
Qui toujours sur vos pas ont attaché les yeux,
Qui pour venger Argos, et pour calmer la Grèce,
Ont voulu vous tirer du sein de la bassesse,
N'ont point encor sur vous quelques secrets desseins?
Peut-être leur vengeance est mise entre vos mains.
Le

sang de votre roi, dont la terre est fumante,

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