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Si, du duc de Vendôme embrassant le parti,
Mon zèle en sa faveur ne s'est pas démenti,
Je n'approuvai jamais la fatale alliance

Qui l'unit aux Anglais et l'enlève à la France:
Mais, dans ces temps affreux de discorde et d'horreur,
Je n'ai d'autre parti que celui de mon cœur.
Non que pour ce héros mon âme prévenue
Prétende à ses défauts fermer toujours ma vue;
Je ne m'aveugle pas; je vois avec douleur
De ses emportements l'indiscrète chaleur :
Je vois que de ses sens l'impétueuse ivresse
L'abandonne aux excès d'une ardente jeunesse ;
Et ce torrent fougueux, que j'arrête avec soin,
Trop souvent me l'arrache, et l'emporte trop loin.
Il est né violent, non moins que magnanime;
Tendre, mais emporté, mais capable d'un crime.
Du sang qui le forma je connais les ardeurs,
Toutes les passions sont en lui des fureurs :
Mais il a des vertus qui rachètent ses vices.
Et qui saurait, madame, où placer ses services,
S'il ne nous fallait suivre et ne chérir jamais
Que des cœurs sans faiblesse, et des princes parfaits?
Tout mon sang est à lui; mais enfin cette épée
Dans celui des Français à regret s'est trempée;
Ce fils de Charles six...

Il l'est, il le mérite.

ADÉLAÏDE,

Osez le nommer roi,

COUCY.

Il ne l'est pas pour moi.

Je voudrais, il est vrai, lui porter mon hommage; Tous mes vœux sont pour lui, mais l'amitié m'engage.

Mon bras est à Vendôme, et ne peut aujourd'hui
Ni servir, ni traiter, ni changer qu'avec lui.
Le malheur de nos temps, nos discordes sinistres,
Charles qui s'abandonne à d'indignes ministres,
Dans ce cruel parti tout l'a précipité;

Je ne peux

à mon choix fléchir sa volonté.

J'ai souvent de son cœur aigrissant les blessures,
Révolté sa fierté par des vérités dures:

La

Vous seule, à votre roi le pourriez rappeler,
Madame, et c'est de quoi je cherche à vous parler.
J'aspirai jusqu'à vous, avant qu'aux murs de Lille
Vendôme trop heureux vous donnât cet asile.
Je crus que vous pouviez, approuvant mon dessein,
Accepter sans mépris mon hommage et ma main;
Que je pouvais unir, sans une aveugle audace,
Les lauriers des Guesclins aux lauriers de ma race:
La gloire le voulait, et peut-être l'amour,
Plus puissant et plus doux, l'ordonnait à son tour;
Mais à de plus beaux nœuds je vous vois destinée. '
guerre dans Cambrai vous avait amenée
Parmi les flots d'un peuple à soi-même livré,
Sans raison, sans justice,
et de sang enivré.
Un ramas de mutins, troupe indigne de vivre,
Vous méconnut assez pour oser vous poursuivre.
Vendôme vint, parut, et son heureux secours
Punit leur insolence, et sauva vos beaux jours.
Quel Français, quel mortel eût pu moins entreprendre?
Et qui n'aurait brigué l'honneur de vous défendre?
La guerre en d'autres lieux égarait ma valeur;
Vendôme vous sauva, Vendôme eut ce bonheur :
La gloire en est à lui, qu'il en ait le salaire;
Il a par trop de droits mérité de vous plaire:

Il est prince, il est jeune, il est votre vengeur;
Ses bienfaits et son nom, tout parle en sa faveur.
La justice et l'amour vous pressent de vous rendre.
Je n'ai rien fait pour vous ; je n'ai rien à prétendre :
Je me tais... mais sachez que, pour vous mériter,
A tout autre qu'à lui j'irais vous disputer;

Je céderais à peine aux enfants des rois même ;
Mais Vendôme est mon chef, il vous adore, il m'aime;
Coucy, ni vertueux, ni superbe à demi,

Aurait bravé le prince, et cède à son ami.
Je fais plus; de mes sens maîtrisant la faiblesse,
J'ose de mon rival appuyer la tendresse,
Vous montrer votre gloire, et ce que vous devez
Au héros qui vous sert et par qui vous vivez.
Je verrai, d'un oil sec et d'un cœur sans envie,
Cet hymen qui pouvait empoisonner ma vie.
Je réunis pour vous mon service et mes vœux
Ce-bras qui fut à lui combattra pour tous deux :
Voilà mes sentiments. Si je me sacrifie,
L'amitié me l'ordonne, et surtout la patrie.
Songez que si l'hymen vous range sous sa loi,
Si ce prince est à vous,

il est à votre roi. ADÉLAÏDE.

Qu'avec étonnement, seigneur, je vous contemple!
Que vous donnez au monde un rare et grand exemple!
Quoi! ce cœur (je le crois sans feinte et sans détour)
Connaît l'amitié seule et peut braver l'amour!
Il faut vous admirer, quand on sait vous connaître :
Vous servez votre ami, vous servirez mon maître.
Un cœur si généreux doit penser comme moi :
Tous ceux de votre sang sont l'appui de leur roi.
Eh bien! de vos vertus je demande une grâce.

COUCY.

Vos ordres sont sacrés : que faut-il que je fasse?
ADÉLAIDE.

Vos conseils généreux me pressent d'accepter
Ce rang dont un grand prince a daigné me flatter.
Je n'oublierai jamais combien son choix m'honore;
J'en vois toute la gloire ; et quand je songe encore
Qu'avant qu'il fût épris de cet ardent amour,
Il daigna me sauver et l'honneur et le jour,
Tout ennemi qu'il est de son roi légitime,
Tout vengeur des Anglais, tout protecteur du crime,
Accablée à ses yeux du poids de ses bienfaits,
Je crains de l'affliger, seigneur, et je me tais.
Mais, malgré son service et ma reconnaissance,
Il faut par des refus répondre à sa constance:
Sa passion m'afflige; il est dur à mon cœur,
Pour prix de tant de soins, de causer son malheur.
A ce prince, à moi-même, épargnez cet outrage.
Seigneur, vous pouvez tout sur ce jeune courage.
Souvent on vous a vu, par vos conseils prudents,
Modérer de son cœur les transports turbulents.
Daignez débarrasser ma vie et ma fortune

De ces noeuds trop brillants, dont l'éclat m'importune.
De plus fières beautés, de plus dignes appas
Brigueront sa tendresse, où je ne prétends pas.
D'ailleurs, quel appareil, quel temps pour l'hyménée!
Des armes de mon roi Lille est environnée;
J'entends de tous côtés les clameurs des soldats,
Et les sons de la guerre, et les cris du trépas.
La terreur me consume; et votre prince ignore
Si Nemours... si son frère, hélas! respire encore!
Ce frère qu'il aima... ce vertueux Nemours...

Théâtre. 2.

16

On disait que la Parque avait tranché ses jours. Que la France en aurait une douleur mortelle! Seigneur, au sang des rois il fut toujours fidèle. S'il est vrai que sa mort... Excusez mes ennuis, Mon amour pour mes rois et le trouble où je suis.

COUCY.

Vous pouvez l'expliquer au prince qui vous aime,
Et de tous vos secrets l'entretenir vous-même,
Il va venir, madame, et peut-être vos vœux...
ADÉLAÏDE.

Ah! Coucy, prévenez le malheur de tous deux.
Si vous aimez ce prince, et si, dans mes alarmes,
Avec quelque pitié vous regardez mes larmes,
Sauvez-le, sauvez-moi de ce triste embarras;
Daignez tourner ailleurs ses desseins et ses pas.
Pleurante et désolée, empêchez qu'il me voie.

COUCY.

Je plains cette douleur où votre âme est en proie; Et loin de la gêner d'un regard curieux,

Je baisse devant elle un œil respectueux :

Mais quel que soit l'ennui dont votre cœur soupire,
Je vous ai déja dit ce que j'ai dû vous dire;
Je ne puis rien de plus : le prince est soupçonneux;
Je lui serais suspect en expliquant vos vœux.
Je sais à quel excès irait sa jalousie,

Quel poison mes discours répandraient sur sa vie :
Je vous perdrais peut-être, et mon soin dangereux,
Madame, avec un mot, ferait trois malheureux.
Vous, à vos intérêts rendez-vous moins contraire;
Pesez sans passion l'honneur qu'il veut vous faire.
Moi, libre entre vous deux, souffrez que, dès ce jour,
Oubliant à jamais le langage d'amour,

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