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Ces lieux sont teints du sang qu'il versait à ma vue.
Ah! Taise, est-ce ainsi que je lui suis rendue?
Va le trouver; va, cours auprès de mon amant.
TAÏSE.

Eh! ne craignez-vous pas que tant d'empressement
N'ouvre les yeux jaloux d'un prince qui vous aime?
Tremblez de découvrir....

ADÉLAÏDE.

J'y volerai moi-même.

D'une autre main, Taïse, il reçoit des secours!
Un autre a le bonheur d'avoir soin de ses jours!
Il faut que je le voie, et que

de son amante

La faible main s'unisse à sa main défaillante.

Hélas! des mêmes coups nos deux cœurs pénétrés...

TAÏSE.

Au nom de cet amour, arrêtez, demeurez;

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Ан! prince, en quel état laissez-vous votre frère ?

VENDÔME.

Madame, par mes mains son sang est arrêté;

Il a repris sa force et sa tranquillité.

Je suis le seul à plaindre, et le seul en alarmes;

Je mouille en frémissant mes lauriers de mes larmes;

Et je hais ma victoire et mes prospérités,
Si je n'ai par mes soins vaincu vos cruautés;
Si votre incertitude, alarmant mes tendresses,
Ose encor démentir la foi de vos promesses.
ADÉLAÏDE.

Je ne vous promis rien : vous n'avez point ma foi;
Et la reconnaissance est tout ce que je doi.

VENDÔME.

Quoi! lorsque de ma main je vous offrais l'hommage....
ADÉLAÏDE.

D'un si noble présent j'ai vu tout l'avantage;
Et sans chercher ce rang qui ne m'était pas dû,
Par de justes respects je vous ai répondu.

Vos bienfaits, votre amour, et mon amitié même,
Tout vous flattait sur moi d'un empire suprême;
Tout vous a fait penser qu'un rang si glorieux,
Présenté par vos mains, éblouirait mes yeux.
Vous vous trompiez: il faut rompre enfin le silence.
Je vais vous offenser; je me fais violence;
Mais, réduite à parler, je vous dirai, seigneur,
Que l'amour de mes rois est gravé dans mon cœur.
De votre sang au mien je vois la différence;
Mais celui dont je sors a coulé pour la France.
Ce digne connétable en mon cœur a transmis
La haine qu'un Français doit à ses ennemis;
Et sa nièce jamais n'acceptera pour maître
L'allié des Anglais, quelque grand qu'il puisse être.
Voilà les sentiments que son sang m'a tracés,
Et s'ils vous font rougir, c'est vous qui m'y forcez.
VENDÔME.

Je suis, je l'avouerai, surpris de ce langage;

Je ne m'attendais pas à ce nouvel outrage,
Et n'avais pas prévu que le sort en courroux,
Pour m'accabler d'affronts, dût se servir de vous.
Vous avez fait, madame, une secrète étude
Du mépris, de l'insulte et de l'ingratitude;
Et votre cœur, enfin, lent à se déployer,
par ma faiblesse, a paru tout entier.
Je ne connaissais pas tout ce zèle héroïque,
Tant d'amour pour vos rois, ou tant de politique.
Mais, vous qui m'outragez, me connaissez-vous bien?
Vous reste-t-il ici de parti que le mien?

Hardi

Vous qui me devez tout, vous qui, sans ma défense,
Auriez de ces Français assouvi la vengeance,
De ces mêmes Français, à qui yous vous vantez
De conserver la foi d'un cœur que vous m'ôtez!
Est-ce donc là le prix de vous avoir servie? 2
ADÉLAÏDE.

2

Oui, vous m'avez sauvée; oui, je vous dois la vie; Mais, seigneur, mais, hélas! n'en puis-je disposer? Me la conserviez-vous pour la tyranniser?

VENDÔME.

Je deviendrai tyran; mais moins

que vous, cruelle: Mes yeux lisent trop bien dans votre âme rebelle; Tous vos prétextes faux m'apprennent vos raisons; Je vois mon déshonneur, je vois vos trahisons. Quel que soit l'insolent que ce cœur me préfère, Redoutez mon amour, tremblez de ma colère; C'est lui seul désormais que mon bras va chercher; De son cœur tout sanglant j'irai vous arracher; Et si, dans les horreurs du sort qui nous accable, De quelque joie encor ma fureur est capable, Je la mettrai, perfide, à vous désespérer.

ADÉLAÏDE.

Non, seigneur, la raison saura vous éclairer.
Non, votre âme est trop noble, elle est trop élevée,
Pour opprimer ma vie, après l'avoir sauvée.
Mais si votre grand cœur s'avilissait jamais
Jusqu'à persécuter l'objet de vos bienfaits,

Sachez que ces bienfaits, vos vertus, votre gloire,
Plus que vos cruautés, vivront dans ma mémoire.
Je vous plains, vous pardonne et veux vous respecter;
Je vous ferai rougir de me persécuter;

Et je conserverai, malgré votre menace,

Une âme sans courroux, sans crainte et sans audace.
VENDÔME.

Arrêtez; pardonnez aux transports égarés,
Aux fureurs d'un amant que vous désespérez.
Je vois trop qu'avec vous Coucy d'intelligence,
D'une cour qui me hait embrasse la défense;
Que vous voulez tous deux m'unir à votre roi,
Et de mon sort enfin disposer malgré moi.

Vos discours sont les siens. Ah! parmi tant d'alarmes,
Pourquoi recourez-vous à ces nouvelles armes?
Pour gouverner mon cœur, l'asservir, le changer,
Aviez-vous donc besoin d'un secours étranger?
Aimez, il suffira d'un mot de votre bouche.

ADÉLAÏDE.

Je ne vous cache point que du soin qui me touche,
A votre ami, seigneur, mon cœur s'était remis;.
Je vois qu'il a plus fait qu'il ne m'avait promis.
Ayez pitié des pleurs que mes yeux lui confient;
Vous les faites couler, que vos mains les essuient,
Devenez assez grand pour m'apprendre à domter

Des feux que mon devoir me force à rejeter.
Laissez-moi toute entière à la reconnaissance.
VENDÔME.

Le seul Coucy, sans doute, a votre confiance;
Mon outrage est connu, je sais vos sentiments.
ADÉLAÏDE.

Vous les pourrez, seigneur, connaître avec le temps;
Mais vous n'aurez jamais le droit de les contraindre,
Ni de les condamner, ni même de vous plaindre.
D'un guerrier généreux j'ai recherché l'appui;
Imitez sa grande âme, et pensez comme lui,

SCÈNE VI.

VENDOME, seul.

Eh bien! c'en est donc fait; l'ingrate, la parjure,
A mes yeux sans rougir étale mon injure:
De tant de trahison l'abîme est découvert ;
Je n'avais qu'un ami, c'est lui seul qui me perd.
Amitié, vain fantôme, ombre que j'ai chérie,
Toi qui me consolais des malheurs de ma vie,
Bien que j'ai trop aimé, que j'ai trop méconnu,
Trésor cherché sans cesse, et jamais obtenu!
Tu m'as trompé, cruelle, autant que l'amour même;
Et maintenant, pour prix de mon erreur extrême,
Détrompé des faux biens, trop faits pour me charmer,
Mon destin me condamne à ne plus rien aimer.
Le voilà cet ingrat qui, fier de son parjure,
Vient encor de ses mains déchirer ma blessure.

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