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SCÈNE VII.

VENDOME, COUCY.

COUCY.

PRINCE, me voilà prêt : disposez de mon bras...
Mais d'où naît à mes yeux cet étrange embarras?
Quand vous avez vaincu, quand vous sauvez un frère,
Heureux de tous côtés, qui peut donc vous déplaire?
VENDÔME.

Je suis désespéré, je suis haï, jaloux.

COUCY.

Eh bien! de vos soupçons quel est l'objet ?

VENDÔME.

Qui? Vous.

Vous, dis-je ; et du refus qui vient de me confondre, C'est vous, ingrat ami, qui devez me répondre.

Je sais qu'Adélaïde ici vous a parlé;

En vous nommant à moi, la perfide a tremblé;
Vous affectez sur elle un odieux silence,
Interprète muet de votre intelligence:

Elle cherche à me fuir, et vous à me quitter.
Je crains tout, je crois tout.

COUCY.

Je le veux.

Voulez-vous m'écouter?

VENDÔME.

COUCY.

Pensez-vous que j'aime encor la gloire?

M'estimez-vous encore, et pourrez-vous me croire?

VENDÔME.

Oui, jusqu'à ce moment, je vous crus vertueux;
Je vous crus mon ami.

COUCY.

Ces titres glorieux

Furent toujours pour moi l'honneur le plus insigne,
Et vous allez juger si mon âme en est digne.
Sachez qu'Adélaïde avait touché mon cœur,
Avant que de sa vie heureux libérateur,

Resserré par

Vous eussiez par vos soins, par cet amour sincère,
Surtout par vos bienfaits, tant de droits de lui plaire.
Moi, plus soldat que tendre, et dédaignant toujours
Ce grand art de séduire inventé dans les cours,
Ce langage flatteur, et souvent si perfide,
Peu fait pour mon esprit, peut-être trop rigide;
Je lui parlai d'hymen, et ce noeud respecté,
l'estime et par l'égalité,
Pouvait lui préparer des destins plus propices
Qu'un rang plus élevé, mais sur des précipices.
Hier avec la nuit je vins dans vos remparts;
Tout votre cœur parut à mes premiers regards.
De cet ardent amour la nouvelle semée
Par vos emportements me fut trop confirmée.
Je vis de vos chagrins les funestes accès;
J'en approuvai la cause, et j'en blâmai l'excès.
Aujourd'hui j'ai revu cet objet de vos larmes;
D'un œil indifférent j'ai regardé ses charmes.
Libre et juste auprès d'elle, à vous seul attaché,
J'ai fait valoir les feux dont vous êtes touché;
J'ai de tous vos bienfaits rappelé la mémoire,
L'éclat de votre rang, celui de votre gloire,
Sans cacher vos défauts vantant votre vertu,

Et pour vous contre moi j'ai fait ce que j'ai dû.
Je m'immole à vous seul, et je me rends justice;
Et, si ce n'est assez d'un si grand sacrifice,

S'il est quelque rival qui vous ose outrager,
Tout mon sang est à vous, et je cours vous venger,
VENDÔME.

Ah! généreux ami, qu'il faut que je révère,
Qui, le destin dans toi me donne un second frère;
Je n'en étais pas digne, il le faut avouer :

Mon cœur...

COUCY.

Aimez-moi, prince, au lieu de me louer;
Et si vous me devez quelque reconnaissance,
Faites votre bonheur, il est ma récompense.
Vous voyez quelle ardente et fière inimitié
Votre frère nourrit contre votre allié. 3

Sur ce grand intérêt souffrez que je m'explique.
Vous m'avez soupçonné de trop de politique,
Quand j'ai dit
que bientôt on verrait réunis
Les débris dispersés de l'empire des lis.

Je vous le dis encore au sein de votre gloire;
Et vos lauriers brillants, cueillis par la victoire,
Pourront sur votre front se flétrir désormais,
S'ils n'y sont soutenus de l'olive de paix.
Tous les chefs de l'État, lassés de ces ravages,
Cherchent un port tranquille après tant de naufrages;
Gardez d'être réduit au hasard dangereux

De vous voir ou trahir, ou prévenir par eux.
Passez-les en prudence, aussi bien qu'en courage.
De cet heureux moment prenez tout l'avantage;
Gouvernez la fortune, et sachez l'asservir :
C'est perdre scs faveurs que tarder d'en jouir

Ses retours sont fréquents, vous devez les connaître.
Il est beau de donner la paix à votre maître.
Son égal aujourd'hui, demain dans l'abandon,
Vous vous verrez réduit à demander pardon.
La gloire vous conduit, que la raison vous guide.
VENDÔME.

Brave et prudent Coucy, crois-tu qu'Adélaïde
Dans son cœur amolli partagerait mes feux,
Si le même parti nous unissait tous deux ?
Penses-tu qu'à m'aimer je pourrais la réduire?

COUCY.

Dans le fond de son cœur je n'ai point voulu lire :
Mais qu'importent pour vous ses vœux et ses desseins?
Faut-il que l'amour seul fasse ici nos destins?
Lorsque Philippe-Auguste, aux plaines de Bovines,
De l'État déchiré répara les ruines;

Quand seul il arrêta, dans nos champs inondés,
De l'empire germain les torrents débordés;
Tant d'honneurs étaient-ils l'effet de sa tendresse ?
Sauva-t-il son pays pour plaire à sa maîtresse?
Verrai-je un si grand cœur à ce point s'avilir?
Le salut de l'État dépend-il d'un soupir?
Aimez, mais en héros qui maîtrise son âme,
Qui gouverne à la fois ses États et sa flamme.
Mon bras contre un rival est prêt à vous servir;
Je voudrais faire plus, je voudrais vous guérir.
On connaît peu l'amour, on craint trop son amorce;
C'est sur nos lâchetés qu'il a fondé sa force;
C'est nous qui sous son nom troublons notre repos;
Il est tyran du faible, esclave du héros.

Puisque je l'ai vaincu, puisque je le dédaigne,
Dans l'âme d'un Bourbon souffrirez-vous qu'il règne?

Vos autres ennemis par vous sont abattus,
Et vous devez en tout l'exemple des vertus.
VENDÔME.

Le sort en est jeté, je ferai tout pour elle;
Il faut bien à la fin désarmer la cruelle;
Ses lois seront mes lois, son roi sera le mien;
Je n'aurai de parti, de maître que le sien.
Possesseur d'un trésor où s'attache ma vie,
Avec mes ennemis je me réconcilie.

Je lirai dans ses yeux mon sort et mon devoir;
Mon cœur est enivré de cet heureux espoir.
Enfin, plus de prétexte à ses refus injustes;
Raison, gloire, intérêt, et tous ces droits augustes
Des princes de mon sang et de mes souverains,
Sont des liens sacrés, resserrés par ses mains.
Du roi, puisqu'il le faut, soutenons la couronne;
La vertu le conseille, et la beauté l'ordonne.
Je veux entre tes mains, en ce fortuné jour,
Sceller tous les serments que je fais à l'amour :
Quant à mes intérêts, que toi seul en décide.

COUCY.

Souffrez donc près du roi que mon zèle me guide.
Feut-être il eût fallu que ce grand changement
Ne fût dû qu'au héros, et non pas à l'amant;
Mais si d'un si grand cœur une femme dispose,
L'effet en est trop beau pour en blâmer la cause :
Et mon cœur, tout rempli de cet heureux retour,
Bénit votre faiblesse, et rend grâce à l'amour.

FIN DU SECOND ACTE.

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