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D'un rival qui m'abhorre, et qui m'a tout ravi.
L'Anglais attend de moi la tête du parjure.

COUCY.

Vous leur avez promis de trahir la nature?

VENDÔME.

Dès long-temps du perfide ils ont proscrit le sang.

COUCY.

Et, pour leur obéir, vous lui percez le flanc ?

VENDÔME.

Non, je n'obéis point à leur haine étrangère;
J'obéis à ma rage,
et veux la satisfaire.

Que m'importe l'État et mes vains alliés ?

COUCY.

Ainsi donc à l'amour vous le sacrifiez?

Et vous me chargez, moi, du soin de son supplice!
VENDÔME.

Je n'attends pas de vous cette prompte justice.
Je suis bien malheureux, bien digne de pitié!

Trahi dans mon amour,

trahi dans l'amitié!

6

Ah! trop heureux Dauphin, c'est ton sort que j'envie;
Ton amitié, du moins, n'a point été trahie;
Et Tanguy du Châtel, quand tu fus offensé,
T'a servi sans scrupule, et n'a pas balancé.
Allez : Vendôme encor, dans le sort qui le presse,
Trouvera des amis qui tiendront leur promesse;
D'autres me serviront, et n'allègueront pas
Cette triste vertu, l'excuse des ingrats.

COUCY, après un long silence.

Non, j'ai pris mon parti. Soit crime, soit justice, Vous ne vous plaindrez pas que Coucy vous trahisse.

Je ne souffrirai pas que d'un autre que moi,
Dans de pareils moments vous éprouviez la foi.
Quand un ami se perd, il faut qu'on l'avertisse,
Il faut qu'on le retienne au bord du précipice;
Je l'ai dû, je l'ai fait malgré votre courroux:
Vous y voulez tomber, je m'y jette avec vous;
Et vous reconnaîtrez, au succès de mon zèle,
Si Coucy vous aimait, et s'il vous fut fidèle.
VENDÔME.

Je revois mon ami... vengeons-nous, vole... attend...
Non, va, te dis-je, frappe, et je mourrai content.
Qu'à l'instant de sa mort, à mon impatience
Le canon des remparts annonce ma vengeance.
J'irai, je l'apprendrai, sans trouble et sans effroi,
A l'objet odieux qui l'immole par moi.
Allons.

COUCY.

En vous rendant ce malheureux service,

Prince, je vous demande un autre sacrifice.

Parle.

VENDÔME.

COUCY.

Je ne veux pas que l'Anglais en ces lieux,
Protecteur insolent, commande sous mes yeux:
Je ne veux pas servir un tyran qui nous brave.
Ne puis-je vous venger sans être son esclave?
Si vous voulez tomber, pourquoi prendre un appui?
Pour mourir avec vous ai-je besoin de lui?

Du sort de ce grand jour laissez-moi la conduite :
Ce que je fais pour vous peut-être le mérite.
Les Anglais avec moi pourraient mal s'accorder;
Jusqu'au dernier moment je veux seul commander,

VENDÔME.

Pourvu qu'Adélaide, au désespoir réduite,

Pleure en larmes de sang l'amant qui l'a séduite;
Pourvu que de l'horreur de ses gémissements
Mon courroux se repaisse à mes derniers moments,
Tout le reste est égal, et je te l'abandonne :
Prépare le combat, agis, dispose, ordonne.
Ce n'est plus la victoire où ma fureur prétend;
Je ne cherche pas même un trépas éclatant.
Aux cœurs désespérés qu'importe un peu de gloire?
Périsse ainsi que moi ma funeste mémoire!
Périsse avec mon nom le souvenir fatal
D'une indigne maîtresse, et d'un lâche rival!

COUCY.

Je l'avoue avec vous : une nuit éternelle
Doit couvrir, s'il se peut, une fin si cruelle :
C'était avant ce coup qu'il nous fallait mourir;
Mais je tiendrai parole, et je vais vous servir.

FIN DU QUATRIÈME ACTE.

ACTE CINQUIÈME.

SCÈNE I.

VENDOME, UN OFFICIER, GARDES.

VENDÔME.

O ciel! me faudra-t-il, de moments en moments,
Voir, et des trahisons, et des soulèvements?
Eh bien! de ces mutins l'audace est terrassée ?

L'OFFICIER.

Seigneur, ils vous ont vu, leur foule est dispersée. VENDÔME.

L'ingrat de tous côtés m'opprimait aujourd'hui ; Mon malheur est parfait, tous les cœurs sont à lui. Dangeste est-il puni de sa fourbe cruelle ?

L'OFFICIER.

Le glaive a fait couler le sang de l'infidèle.
VENDÔME.

Ce soldat qu'en secret vous m'avez amené,
Va-t-il exécuter l'ordre que j'ai donné ?

L'OFFICIER.

Oui, seigneur, et déja vers la tour il s'avance.

VENDÔME.

Je vais donc à la fin jouir de ma vengeance!
Sur l'incertain Coucy mon cœur a trop compté;
Il a vu ma fureur avec tranquillité.

On ne soulage point des douleurs qu'on méprise;
Il faut qu'en d'autres mains ma vengeance soit mise.

Vous, que sur nos remparts on porte nos drapeaux;
Allez, qu'on se prépare à des périls nouveaux.
Vous sortez d'un combat, un autre vous appelle;
Ayez la même audace, avec le même zèle :
Imitez votre maître; et s'il vous faut périr,
Vous recevrez de moi l'exemple de mourir.
(Seul.)

Le
sang,
l'indigne sang qu'a demandé ma rage,
Sera du moins, pour moi, le signal du carnage.
Un bras vulgaire et sûr va punir mon rival;
Je vais être servi: j'attends l'heureux signal.
Nemours, tu vas périr, mon bonheur se prépare..
Un frère assassiné! quel bonheur! ah, barbare!
S'il est doux d'accabler ses cruels ennemis,
Si ton cœur est content, d'où vient que tu frémis?
Allons... mais quelle voix gémissante et sévère
Crie au fond de mon cœur : Arrête, il est ton frère!
Ah! prince infortuné! dans ta haine affermi,
Songe à des droits plus saints; Nemours fut ton ami!
O jours de notre enfance! ô tendresse passée!
Il fut le confident de toutes mes pensées.
Avec quelle innocence et quels épanchements
Nos cœurs se sont appris leurs premiers sentiments!
Que de fois, partageant mes naissantes alarmes,
D'une main fraternelle essuya-t-il mes larmes!
Et c'est moi qui l'immole! et cette même main
D'un frère que j'aimai déchirerait le sein!
O passion funeste! ô douleur qui m'égare!
Non, je n'étais point né pour devenir barbare.
Je sens combien le crime est un fardeau cruel.
Mais, que dis-je ? Nemours est le seul criminel.
Je reconnais mon sang, mais c'est à sa furie;

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