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Moi, régner! moi, bannir l'héritier véritable!
Ce sceptre ensanglanté pèse à ma main coupable.
Réparons tout : allons; et vous, dieux dont je sors,
Pardonnez des forfaits moindres que mes remords.
Qu'on cherche Polémon. Ciel! que vois-je ? Hermogide!

SCÈNE V.

ÉRYPHILE, HERMOGIDE, ZÉLONIDE, EUPHORBE.

HERMOGIDE.

MADAME, je vois trop le transport qui vous guide;
Je vois que votre cœur sait peu dissimuler:

Mais les moments sont chers, et je dois vous parler.
Souffrez de mon respect un conseil salutaire,
Votre destin dépend du choix qu'il vous faut faire.
Je ne viens point ici rappeler des serments

Dictés par votre père, effacés par le temps;

Mon cœur,
ainsi que vous, doit oublier, madame,
Les jours infortunés d'une inutile flamme;
Et je rougirais trop, et pour vous et pour moi,
Si c'était à l'amour à nous donner un roi.

Un sentiment plus digne, et de l'un et de l'autre,
Doit gouverner mon sort et commander au vôtre.
Vos aïeux et les miens, les dieux dont nous sortons,
Cet État périssant si nous nous divisons,
Le sang qui nous a joints, l'intérêt qui nous lie,
Nos ennemis communs, l'amour de la patrie,
Votre pouvoir, le mien, tous deux à redouter,
Ce sont-là les conseils qu'il vous faut écouter.
Bannissez pour jamais un souvenir funeste;
Le présent nous appelle, oublions tout le reste.

Le passe n'est plus rien : maîtres de l'avenir,
Le grand art de régner doit seul nous réunir.
Les plaintes, les regrets, les vœux sont inutiles:
* C'est par la fermeté qu'on rend les dieux faciles. 9
* Ce fantôme odieux qui vous trouble en ce jour,

* Qui naquit de la crainte, et l'enfante à son tour,

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Doit-il nous alarmer par tous ses vains prestiges?

* Pour qui ne les craint point, il n'est point de prodiges. * Ils sont l'appât grossier des peuples ignorants, L'invention du fourbe, et le mépris des grands. Pensez en roi, madame, et laissez au vulgaire Des superstitions le joug imaginaire.

ÉRYPHILE.

Quoi! vous...

HERMOGIDE.

Encore un mot, madame, et je me tais.
Le seul bien de l'État doit remplir vos souhaits:
Vous n'avez plus les noms et d'épouse et de mère;
Le ciel vous honora d'un plus grand caractère.
Vous réguez; mais songez qu'Argos demande un roi.
Vous avez à choisir : vos ennemis, ou moi.

Moi, né près de ce trône, et dont la main sanglante
A soutenu quinze ans sa grandeur chancelante :

Moi, dis-je, ou l'un des rois, sans force et sans appui,
Que mon lieutenant seul a vaincus aujourd'hui.
* Je me connais, je sais que,
blanchi sous les armes,
* Ce front triste et sévère a pour vous peu de charmes.
* Je sais que vos appas, encor dans leur printemps,
* Devraient s'effaroucher de l'hiver de mes ans;
* Mais la raison d'État connaît peu ces caprices,
* Et de ce front guerrier les nobles cicatrices

* Ne peuvent se couvrir que du bandeau des rois. Vous connaissez mon rang, mes attentats, mes droits; Sachant ce que j'ai fait, et voyant où j'aspire,

Vous me devez, madame, ou la mort, ou l'empire.
Quoi! vos yeux sont en pleurs, et vos esprits troublés...
ÉRYPHILE.

Non, seigneur, je me rends; mes destins sont réglés.
On le veut, il le faut, ce peuple me l'ordonne;
C'en est fait : à mon sort, seigneur, je m'abandonne.
Vous, lorsque le soleil descendra dans les flots,
Trouvez-vous dans ce temple avec les chefs d'Argos.
A mes aieux, à vous, je vais rendre justice:
Je prétends qu'à mon choix l'univers applaudisse;
Et vous pourrez juger si ce cœur abattu

Sait conserver sa gloire, et connaît la vertu.

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Mais jusqu'à ces moments que mon ordre a fixés,
Si je suis reine encor, seigneur, obéissez.

SCÈNE VI.

HERMOGIDE, EUPHORBE.

HERMOGIDE.

DEMEURE : ce n'est pas au gré de son caprice
Qu'il faut que mon courage et que mon sort fléchisse;
Et je n'ai pas versé tout le sang de mes rois,

Pour dépendre aujourd'hui du hasard de son choix.

Parle as-tu disposé cette troupe intrépide,
Ces compagnons hardis du destin d'Hermogide?
Contre la reine même osent-ils me servir?

EUPHORBE.

Pour vos intérêts seuls ils sont prêts à périr.

HERMOGIDE.

Je saurai me sauver du reproche et du blâme
D'attendre pour régner les bontés d'une femme.
Je fus quinze ans sans maître, et ne puis obéir.
Le fruit de tant de soins est lent à recueillir.

Argos n'a plus de rois, et c'était trop attendre
Pour les suivre aux enfers, ou régner sur leur cendre.
Je n'ai plus, il est vrai, ce fer si révéré

Qu'on croit ici du trône être un gage assuré;

Mais je conserve,
au moins, de cette auguste place
Des gages plus certains, la constance et l'audace.
Mon destin se décide; et si le premier pas

Ne m'élève à l'empire, il m'entraîne au trépas.

* Entre l'empire et moi tu vois le précipice: * Allons, que ma fortune y tombe, ou le franchisse!

FIN DU SECOND ACTE.

SCÈNE I.

HERMOGIDE, EUPHORBE, SUITE D'HERMOGIDE.

FERMOGIDE.

ENFIN donc, voici l'heure où, dans ce temple même,
La reine avec sa main donne son diadème.

Euphorbe, ou je me trompe, ou de bien des horreurs
Ces dangereux moments sont les avant-coureurs.

EUPHORBE.

Polémon de sa part flatte votre espérance.

HERMOGIDE.

Polémon veut en vain tromper ma défiance.

EUPHORBE.

Eh! qui choisir que vous ? Cet empire aujourd'hui
Demande un bras puissant qui lui serve d'appui.
Que dis-je ? vous l'aimiez, seigneur, et tant de flamme...

Moi!

HERMOGIDE.

que cette faiblesse ait amolli mon âme! Hermogide amoureux! Ah! qui veut être roi,

Ou n'est pas fait pour l'être, ou sait régner sur soi.
* A la reine engagé, je pris sur sa jeunesse

* Cet heureux ascendant que les soins, la souplesse,
* L'attention, le temps, savent si bien donner
* Sur un cœur sans desseins, facile à gouverner.

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