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Le bandeau de l'Amour, et l'art trompeur de plaire, De mes vastes desseins ont voilé le mystère:

Mais de tout temps, crois-moi, la soif de la grandeur Fut le seul sentiment qui régna dans mon cœur.

EUPHORBE.

Tout vous portait au trône, et les vœux de l'armée,
Et la voix de ce peuple et de la renommée,
Et celle de la reine, en qui vous espériez,

HERMOGIDE.

Par quels funestes nœuds mes destins sont liés! * Son époux et son fils, privés de la lumière, * Du trône à mon courage entr'ouvraient la barrière, * Quand la main de nos dieux la ferma sous mes pas. Je sais que j'eus les vœux du peuple et des soldats; Mais la voix de ces dieux, ou plutôt de nos prêtres, M'a dépouillé quinze ans du rang de mes ancêtres. Il fallut succomber aux superstitions,

* Qui sont, bien plus que nous, les rois des nations; Et le zèle aveuglé d'un peuple fanatique

Fut plus fort que mon bras et que ma politique.

EUPHORBE.

En faveur de vos droits ce peuple enfin s'unit;
Du trône devant vous le chemin s'aplanit;
Argos, par votre main fait à la servitude,

Long-temps de votre joug prit l'heureuse habitude:
Nos chefs seront pour vous.

Tant que

HERMOGIDE.

Je compte sur leur foi,

leur intérêt les peut joindre avec moi.

L'un d'eux, je l'avouerai, me trouble et m'importune;

Son destin qui s'élève, étonne ma fortune.

Je le crains malgré moi.

Théâtre. 2.

3

ΤΟ

EUPHORBE.

Quoi! ce jeune Alcméon, Ce soldat qui vous doit sa grandeur et son nom?

HERMOGIDE.

Oui, ce fils de Théandre, et qui fut mon ouvrage,
Qui sous moi de la guerre a fait l'apprentissage,
Maître de trop de cœurs à mon char arrachés,
Au bonheur qui le suit les a tous attachés :
Par ses heureux exploits ma grandeur est ternie;
Son ascendant vainqueur impose à mon génie :
Son seul aspect ici commence à m'alarmer.
Je le hais d'autant plus qu'il sait se faire aimer,
Que des peuples séduits l'estime est son partage;
Sa gloire m'avilit et sa vertu m'outrage.

Je ne sais, mais le nom de ce fier citoyen,
Tout obscur qu'il était, semble égaler le mien.
Et moi, près de ce trône où je dois seul prétendre,
J'ai lassé ma fortune à force de l'attendre.
Mon crédit, mon pouvoir adoré si long-temps,
N'est qu'un colosse énorme ébranlé par les ans,
Qui penche vers sa chute, et dont le poids immense
Veut, pour se soutenir, la suprême puissance; (3)
Mais du moins en tombant je saurai me venger.

Qu'allez-vous faire ici?

EUPHORBE.

HERMOGIDE.

Ne plus rien ménager;

II

Déchirer, s'il le faut, le voile heureux et sombre Qui couvrit mes forfaits du secret de son ombre : Les justifier tous par un nouvel effort,

Par les plus grands succès, ou la plus belle mort;

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Et dans le désespoir où je vois qu'on m'entraîn
Ma fureur... Mais on entre, et j'aperçois la reine.

SCÈNE II.

ÉRYPHILE, ALCMÉON, HERMOGIDE, POLÉMON, EUPHORBE, CHŒUR D'ARGIENS.

ALCMÉON.

Oui, ce peuple, madame, et les chefs, et les rois,
Sont prêts à confirmer, à chérir votre choix;
Et je viens, en leur nom, présenter leur hommage
A votre heureux époux, leur maître et votre ouvrage.
Ce jour va de la Grèce assurer le repos.

:

ÉRYPHILE.

Vous, chefs qui m'écoutez, et vous, peuple d'Argos,
Qui venez en ces lieux reconnaître l'empire
Du nouveau souverain que ma main doit élire,
Je n'ai point à choisir je n'ai plus qu'à quitter
Un sceptre que mes mains n'avaient pas dû porter.
Votre maître est vivant, mon fils respire encore.
Ce fils infortuné, qu'à sa première aurore
Par un trépas soudain vous crûtes enlevé,
Loin des yeux de sa mère en secret élevé, 12
Fut porté, fut nourri dans l'enceinte sacrée
Dont le ciel à mon sexe a défendu l'entrée.
Celui que je chargeai de ses tristes destins
Ignorait quel dépôt fut mis entre ses mains.
Je voulus qu'avec lui renfermé dès l'enfance
Mon fils de ses parents n'eût jamais connaissance.
Mon amour maternel, timide et curieux,
A cent fois sur sa vie interrogé les cieux;

Aujourd'hui même encore, ils m'ont dit qu'il respire.
Je vais mettre en ses mains mes jours et mon empire.
Je sais trop que ce dieu, maître éternel des dieux,
Jupiter, dont l'oracle est présent en ces lieux,
Me prédit, m'assura que ce fils sanguinaire
Porterait le poignard dans le sein de sa mère.
Puisse aujourd'hui, grand dieu, l'effort que je me fais!
Vaincre l'affreux destin qui l'entraîne aux forfaits!
Oui, peuple, je le veux : oui, le roi va paraître :
Je vais à le montrer obliger le grand-prêtre.
Les dieux qui m'ont parlé veillent encor sur lui;
Ce secret au grand jour va briller aujourd'hui.
De mon fils désormais il n'est rien que je craigne;
Qu'on me rende mon fils, qu'il m'immole, et qu'il règne.

HERMOGIDE.

Peuple, chefs, il faut donc m'expliquer à mon tour:
L'affreuse vérité va donc paraître au jour.

Ce fils qu'on redemande afin de mieux m'exclure,
Cet enfant dangereux, l'horreur de la nature,
Né pour le parricide, et dont la cruauté
Devait verser le sang du sein qui l'a porté,

Il n'est plus, son supplice a prévenu son crime.

ÉRYPHILE.

Ciel!

HERMOGIDE.

Aux portes du temple on frappa la victime.
Celui qui l'enlevait le suivit au tombeau. 13
Il fallait étouffer ce monstre en son berceau;
A la reine, à l'État, son sang
fut nécessaire;
L'es dieux le demandaient : je servis leur colère.
Peuple, n'en doutez point: Euphorbe, Nicétas,
Sont les secrets témoins de ce juste trépas.

J'atteste mes aïeux et le jour qui m'éclaire,
Que j'immolai le fils, que j'ai sauvé la mère;
Que, si ce sang coupable a coulé sous nos coups,
J'ai prodigué le mien pour la Grèce et pour vous.
Vous m'en devez le prix; vous voulez tous un maître;
L'oracle en promet un, je vais périr, ou l'être;
Je vais venger mes droits contre un roi supposé;
Je vais rompre un vain charme à moi seul opposé.
Soldat par mes travaux, et roi par ma naissance,
De vingt ans de combats j'attends la récompense.
Je vous ai tous servis. Ce rang des demi dieux,
Défendu par mon bras, fondé par mes aïeux,
Cimenté de mon sang, doit être mon partage.
Je le tiendrai de vous, de moi, de mon courage,
De ces dieux dont je sors, et qui seront pour moi.
Amis, suivez mes pas, et servez votre roi.

(Il sort suivi des siens.)

SCÈNE III.

ÉRYPHILE, ALCMEON, POLEMON, CHE UR

D'ARGIENS.

ÉRYPHILE.

Où suis-je? De quels traits le cruel m'a frappée! Mon fils ne serait plus! Dieux, m'auriez-vous trompée? (A Polémon.)

Et vous que j'ai chargé de rechercher son sort...

POLÉMON.

On l'ignore en ce temple, et sans doute il est mort.

ALCMÉON.

Reine, c'est trop souffrir qu'un monstre vous outrage :

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