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Un oracle, une tombe, une voix fanatique,
Sont plus forts que mon bras et que ma politique.
Il fallut obéir aux superstitions,

Qui sont,

bien plus que nous, les rois des nations, Et, loin de les braver, moi-même avec adresse De ce peuple aveuglé caresser la faiblesse.

11 Crois-tu que d'Alcméon l'orgueil présomptueux Jusqu'à ce rang auguste osât porter ses vœux ? Penses-tu qu'il aspire à l'hymen de la reine?

EUPHORBE.

Il n'aura point sans doute une audace si vaine.
Mais, seigneur, cependant savez-vous qu'aujourd'hui
Éryphile
en secret a vu Théandre ici?

Qu'elle les a quittés les yeux baignés de larmes?

HERMOGIDE.

Tout m'est suspect de lui: tout me remplit d'alarmes;

Ce seul moment encore il faut la ménager;

Dans un moment je règne, et je vais me venger.

Tout va sentir ici mon pouvoir et ma haine :
Je saurai.... Mais on entre, et j'aperçois la reine.

12 Par l'esclave Corèbe en secret élevé,
Fut porté, fut nourri dans l'enceinte sacrée,
Dont le ciel à mon sexe a défendu l'entrée;
Dans ces terribles lieux qu'ont souvent habité

Ces dieux vengeurs, ces dieux dont je tiens la clarté.
C'est là qu'avec Corèbe, enfermé dès l'enfance,
Mon fils de son destin n'eut jamais connaissance.
Mon amour maternel. . . .

13 Et le prince et Corèbe ont ici leur tombeau.
J'étouffai malgré moi ce monstre en son berceau :
J'enfonçai dans ses flancs cette royale épée,
Par son père autrefois sur moi-même usurpée;
Et, soit décret des dieux, soit pitié, soit horreur,
Je ne pus de son sein tirer le fer vengeur.

Sa dépouille sanglante, en mes mains demeurée,
De cette mort si juste est la preuve assurée.

La reine, qui m'entend et que je vois frémir,
Me doit au moins le jour qu'un fils dut lui ravir.
J'atteste mes aïeux...

14 Et près de vous enfin que sont-ils à mes yeux?
Vous avez des vertus, ils n'ont que des aïeux.
J'ai besoin d'un vengeur, et non pas d'un vain titre.
Régnez de mon destin soyez l'heureux arbitre.
Peuple....

15 D'une timide main ces victimes frappées,
Au fer qui les poursuit dans le temple échappées,
Ce silence des dieux, garant de leur courroux,
Tout me fait craindre ici, tout m'afflige pour vous.
Du ciel, etc.

16 Je cachais aux humains le malheur de ma race;
Mais je ne me repens, au point où je me voi,
Que de m'être abaissé jusqu'à rougir de moi:
Voilà ma seule tache et ma seule faiblesse.
J'ai craint tant de rivaux, dont la maligne adresse
A d'un regard jaloux sans cesse examiné
Non pas ce que je suis, mais de qui je suis né ;
Et qui, de mes exploits rabaissant tout le lustre,
Pensaient ternir mon nom quand je le rends illustre.
J'ai vu que ce vil sang dans mes veines transmis....

17 Mais du rang que je perds et du cœur que j'adore
Songez que mon rival est plus indigne encore;
Plus haï de nos dieux, et qu'avec plus d'horreur
Amphiaraüs en lui verrait son successeur.
Madame....

18 Un esclave! ... son âge.... et ses augustes traits.... Hélas! apaisez-vous, dieux vengeurs des forfaits!

O criminelle épouse, et plus coupable mère !
Alcméon, dans quel temps a péri votre père?
Quel fut son nom? parlez.

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19 Achevez sa défaite, achevez vos projets :

Venez, forcez ce traître....

ALCMÉON.

Épargnons mes sujets.

De ce moment je règne, et de ce moment même,
Comptable aux citoyens de mon pouvoir suprême,
Au péril de mon sang je veux les épargner;
Je veux en les sauvant commencer à régner.
Je leur dois encor plus : je dois le grand exemple
De révérer les dieux et d'honorer leur temple..
Je ne souffrirai point que le sang innocent
Souille leur sanctuaire et mon règne naissant.
Va, dis-je, Polémon. . . .

20 Les dieux veulent son sang.

ALCMÉON.

Je ne l'ai point promis.

Cruels, tonnez sur moi si je vous obéis!

Le malheur m'environne et le crime m'assiège :
Je deviens parricide, ou me rends sacrilège. (1)
Quel choix et quel destin !

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21 Chère ombre, apaise-toi, prends pitié de ton fils.
Arme et soutiens mon bras contre tes ennemis.
Dans le sang d'Hermogide apaise ta colère,
Ne me fais point frémir de t'avouer pour père.
Quoi! de tous les côtés plein d'horreur et d'effroi,
Le nom sacré de fils est horrible pour moi !

22 Peut-il bien se résoudre à me voir en ces lieux,
Aux portes de ce temple, à l'aspect de ces dieux,

(1) Seïde, dans Mahomet:

De sentiments confus une foule m'assiège,

Je crains d'être un barbare, ou d'être sacrilège.

Dans ce parvis sacré, trop plein de sa furie,
Dans la place où lui-même attenta sur ma vie?
Les dieux le livrent-ils ?...

24 Vois-tu ce fer sacré?

HERMOGIDE.

Que vois-je? le fer même

Qu'Amphiaraüs reçut avec son diadème!

ALCMÉON.

Te souvient-il du sang dont l'a souillé ta main ?

HERMOGIDE.

Qu'oses-tu demander?

24 Nos maux sont à leur comble. Alecto, Némésis,
Du crime et du malheur messagères fatales,
Portent vers ce tombeau leurs torches infernales.
L'orgueil des scélérats ne peut les désarmer;

Les pleurs des malheureux ne peuvent les calmer:
Il faut que le sang coule, et leurs mains vengeresses
Punissent les forfaits, et même les faiblesses.

THÉANDRE.

Ciel! d'un roi vertueux daigne guider les coups!

LE GRAND-PRÊTRE.

Le ciel entend nos vœux, mais c'est dans son courroux. O conseils éternels! ô sévères puissances!

Quelles mains forcez-vous à servir vos vengeances!

POLÉMON.

C'est la voix de la reine! Ah! quels lugubres cris!
LE GRAND-PRÊTRE.

Infortuné, quels dieux ont troublé tes esprits?
Que vas-tu faire? Et toi, mère trop malheureuse,
Garde-toi d'approcher de cette tombe affreuse :
Les morts et les vivants y sont tes ennemis !
Reine, crains ton époux, crains encor plus ton fils.

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ÉRYPHILE, derrière le théatre.

Mon fils, épargne-moi!

ALCMÉON.

Tombe à mes pieds, perfide.

25 Ce monstre enfin n'est plus: Argos en est purgé.
Les dieux sont satisfaits, et mon père est vengé.
J'ai vu sur cette tombe Éryphile éperdue:

D'où vient qu'en ce moment elle évite ma vue?

26 Je vais mettre à ses pieds ce fer si redoutable....

Que dis-je! où suis-je ! où vais-je, et quelle horreur m'accable!
D'où vient donc que le sang qui rejaillit sur moi,

Si justement versé, m'inspire un tel effroi ?

Je n'ai point cette paix que la justice donne.
Quoi! j'ai puni le crime, et c'est moi qui frissonne !
Dieux! pour les scélérats quels sont vos châtiments,
Si les cœurs vertueux éprouvent leurs tourments!

27 ALCMÉON.

Hélas! parricide exécrable!

Vous, ma mère ! ... elle meurt.... et j'en serais coupable!
Moi! moi! dieux inhumains!

ÉRYPHILE.

Je vois à ta douleur
Que les dieux malgré toi conduisaient ta fureur;
Ta main, qu'ils ont guidée, a méconnu ta mère.
Ta parricide main ne m'en est pas moins chère :
Ton cœur est innocent; je te pardonne.... Hélas!
Laisse-moi la douceur d'expirer dans tes bras....
Ferme ces tristes yeux qui s'entr'ouvrent à peine.
ALCMÉON, à ses genoux.

J'atteste de ces dieux la vengeance et la haine :
Je jure par mon crime et par votre trépas
Que mon sang devant vous....

ÉRYPHILE.

Mon fils, n'achève pas !

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