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Nérestan dans les appartements extérieurs du sérail; ils pleuraient la destinée de Lusignan: surtout le chevalier de Chatillon, ami tendre de ce malheureux prince, ne pouvait se résoudre à accepter une liberté qu'on refusait à son ami et à son maître, lorsque Zaïre arrive et leur amène celui qu'ils n'espéraient plus.

Lusignan, ébloui de la lumière qu'il revoyait après vingt années de prison, pouvant se soutenir à peine, ne sachant où il est et où on le conduit, voyant enfin qu'il était avec des Français, et reconnaissant Chatillon, s'abandonne à cette joie mêlée d'amertume que les malheureux éprouvent dans leur consolation. Il demande à qui il doit sa délivrance. Zaïre prend la parole en lui présentant Nérestan : C'est à ce jeune Français, dit-elle, que vous et tous les chrétiens devez votre liberté. Alors le vieillard apprend que Nérestan a été élevé dans le sérail avec Zaïre; et se tournant vers eux : Hélas! dit-il, puisque vous avez pitié de mes malheurs, achevez votre ouvrage; instruisez-moi du sort de mes enfants. Deux me furent enlevés au berceau, lorsque je fus pris dans Césarée; deux autres furent massacrés devant moi avec leur mère. O mes fils! ô martyrs! veillez du haut du ciel sur més autres enfants, s'ils sont vivants encore. Hélas! j'ai su que mon dernier fils et ma fille furent conduits dans ce sérail. Vous qui m'écoutez, Nérestan, Zaïre, Chatillon, n'avez-vous nulle connaissance

de ces tristes restes du sang de Godefroi et de Lusignan?

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:

que

Au milieu de ces questions, qui déja remuaient le cœur de Nérestan et de Zaïre, Lusignan aperçut au bras de Zaïre un ornement qui renfermait une croix il se ressouvint l'on avait mis cette parure à sa fille lorsqu'on la portait au baptême; Chatillon l'en avait ornée lui-même, et Zaïre avait été arrachée de ses bras avant que d'être baptisée. La ressemblance des traits, l'âge, toutes les circonstances, une cicatrice de la blessure que son jeune fils avait reçue, tout confirme à Lusignan. qu'il est père encore; et la nature parlant à la fois au cœur de tous les trois, et s'expliquant par des larmes Embrassez-moi, mes chers enfants, s'écria Lusignan, et revoyez votre père! Zaïre et Nérestan ne pouvaient s'arracher de ses bras. Mais, hélas ! dit ce vieillard infortuné, goûterai-je une joie pure? Grand Dieu, qui me rends ma fille, me la rends-tu chrétienne? Zaïre rougit et frémit à ces paroles. Lusignan vit sa honte et son malheur, et Zaïre avoua qu'elle était musulmane. La douleur, la religion et la nature donnèrent en ce moment des forces à Lusignan; il embrassa sa fille, et lui montrant d'une main le tombeau de JésusChrist, et le ciel de l'autre, animé de son désespoir, de son zèle, aidé de tant de chrétiens, de son fils, et du Dieu qui l'inspire, il touche sa fille, il l'ébranle : elle se jette à ses pieds, et lui promet d'être chrétienne.

Au moment arrive un officier du sérail qui sépare Zaïre de son père et de son frère, et qui arrête tous les chevaliers français. Cette rigueur inopinée était le fruit du conseil qu'on venait de tenir en présence d'Orosmane. La flotte de saint Louis était partie de Chypre, et on craignait pour les côtes de Syrie. Mais un second courrier ayant apporté la nouvelle du départ de saint Louis pour l'Egypte, Orosmane fut rassuré; il était lui-même ennemi du soudan d'Égypte. Ainsi, n'ayant rien à craindre ni du roi, ni des Français qui étaient à Jérusalem, il commanda qu'on les renvoyât à leur roi, et ne songea plus qu'à réparer, par la pompe et la magnificence de son mariage, la rigueur dont il avait usé envers Zaïre.

Pendant que le mariage se préparait, Zaïre désolée demanda au soudan la permission de revoir Nérestan encore une fois. Orosmane, trop heureux de trouver une occasion de plaire à Zaïre, eut l'indulgence de permettre cette entrevue. Nérestan revit donc Zaïre; mais ce fut pour lui apprendre que son père était près d'expirer, qu'il mourait entre la joie d'avoir retrouvé ses enfants, et l'amertume d'ignorer si Zaïre serait chrétienne, et qu'il lui ordonnait en mourant d'être baptisée ce jour-là même de la main du pontife de Jérusalem. Zaïre, attendrie et vaincue, promit tout, et jura à son frère qu'elle ne trahirait point le sang dont elle était née, qu'elle serait chrétienne, qu'elle

n'épouserait point Orosmane, qu'elle ne prendrait aucun parti avant que d'avoir été baptisée.

A peine avait-elle prononcé ce serment, qu'Orosmane, plus amoureux et plus aimé que jamais, vient la prendre pour la conduire à la mosquée. Jamais on n'eut le cœur plus déchiré que Zaïre; elle était partagée entre son Dieu, sa famille et son nom, qui la retenaient, et le plus aimable de tous les hommes, qui l'adorait. Elle ne se connut plus ; elle céda à la douleur, et s'échappa des mains de son amant, le quittant avec désespoir, et le laissant dans l'accablement de la surprise, de la douleur et de la colère.

Les impressions de jalousie se réveillèrent dans le cœur d'Orosmane. L'orgueil les empêcha de paraître, et l'amour les adoucit. Il prit la fuite de Zaïre pour un caprice, pour un artifice innocent, pour la crainte naturelle à une jeune fille, pour toute autre chose enfin que pour une trahison. Il vit encore Zaïre, lui pardonna, et l'aima plus que jamais. L'amour de Zaïre augmentait par la tendresse indulgente de son amant. Elle se jette en larmes à ses genoux, le supplie de différer le mariage jusqu'au lendemain. Elle comptait que son frère serait alors parti, qu'elle aurait reçu le baptême, que Dieu lui donnerait la force de résister : elle se flattait même quelquefois que la religion chrétienne lui permettrait d'aimer un homme si tendre, si généreux, si vertueux, à qui il ne

manquait que d'être chrétien. Frappée de toutes ces idées, elle parlait à Orosmane avec une tendresse si naïve et une douleur si vraie, qu'Orosmane céda encore, et lui accorda le sacrifice de vivre sans elle ce jour-là. Il était sûr d'être aimé; il était heureux dans cette idée, et fermait les yeux sur le reste.

Cependant, dans les premiers mouvements de jalousie, il avait ordonné que le sérail fût fermé à tous les chrétiens. Nérestan, trouvant le sérail fermé, et n'en soupçonnant pas la cause, écrivit une lettre pressante à Zaïre: il lui mandait d'ouvrir une porte secrète qui conduisait vers la mosquée, et lui recommandait d'être fidèle.

La lettre tomba entre les mains d'un garde qui la porta à Orosmane. Le soudan en crut à peine ses yeux. Il se vit trahi; il ne douta pas de son

cœur,

malheur et du crime de Zaïre. Avoir comblé un étranger, un captif de bienfaits; avoir donné son sa couronne à une fille esclave, lui avoir tout sacrifié; ne vivre que pour elle, et en être trahi pour ce captif même; être trompé par les apparences du plus tendre amour; éprouver en un moment ce que l'amour a de plus violent, ce que l'ingratitude a de plus noir, ce que la perfidie a de plus traître : c'était sans doute un état hor rible; mais Orosmane aimait, et il souhaitait de trouver Zaire innocente. Il lui fait rendre ce billet

par un esclave inconnu. Il se flatte que Zaïre

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