ANNEE avoit appris fon fecret, & lui en confeffa même de fon côté l'entiere verité, afin de tirer cette autre ve- 1579. rité de sa bouche. La Reine après s'en être fouvent défenduë ( comme il n'y a gueres de fecrets entre des perfonnes fi proches) lui avoia que c'étoit de la femme de Saint-Luc qu'elle l'avoit fçuë. Il n'en falut pas davantage pour achever de former dans l'efprit du Roy une entiere averfion contre SaintLuc. Sa Majesté crût même qu'il y avoit plus de deffein, que de legereté en cette affaire, & deflors elle s'étoit réfoluë de le perdre : mais avant que de faire l'éclat elle voulut attendre Caumont, qui étoit sur fon retour, afin qu'il pût connoître le mauvais office que fon compagnon, & fon amy avoit essayé de lui rendre. Caumont ne fut pas fitôt arrivé, que le Roy lui demanda, quelle opinion il avoit de l'amitié de Saint Luc; il répartit qu'il le ANNEE croyoit le meilleur de fes amis, comme il étoit auffi le fien ; & en 1579. effet il y avoit entr'eux une amitié ANNEE 1580. très particuliere. Le Roy luy dit CE E fût auffi au même temps de ce retour de Caumont, quelę TROUBLE ROY DE Roy fe trouva engagé dans une af faire bien plus difficile que n'étoit ANNEE celle que je viens de raconter. Le 1580. Parti de laRel.Pret.Ref.commença EXCITE à fe foulever, & leur rupture lui fut PAR LE d'autant plus fâcheufe, qu'elle ren- NAVARverfoit tous les deffeins, & rom- RE. poit tous fes mefures. Le Roy ayant avec raifon la grandeur de la maifon de Guife fufpecte, vouloit la diminuer, mais infenfiblement, & furement. Pour faire réüffir avec moins d'éclat fon deffein, il mettoit toutes les grandes charges, & les Gouvernemens de confideration qui vaquoient, entre les mains de fes Creatures, fans en faire aucune part à Mrs de Guyse, ni à ceux qu'on réconnoiffoit attachés à leurs interêts. Mrs de Guyfe voyant affez clair dans ce deffein,s'étoient réunis plus étroitement que jamais avec leurs amis, pour s'opposer à main armée au projet de Sa Majefté, & couvrant du prétexte de la Reli ANNEE gion Catholique (de laquelle ils fe difoient de longue main les pro 1580. tecteurs) ou leur ambition, ou ce qu'ils appelloient d'un nom plus fpecieux, la neceffité de leur défense, ils étoient fur le point de prendre les armes. Le Roy de fon côté averti de leurs deffeins, étoit réfolu de les prévenir, & de fe départir de fes maximes lentes, pour les chatier à main armée ; mais parce que les moyens & les forces lui euffent manqué, fi au même temps qu'il eût pouffé la maison de Guyfe, le Party dé ceux de la Religion (qu'il vouloit auffi ruïner en son temps) fe fût foulevé, il tâchoit de contenir ces derniers, en faifant obferver exactement ce qui leur avoit été accordé par les Edits. Il donnoit au Roy de Navarre tout ce qu'il pouvoit raisonnablement defirer, & le traitoit comme un Prince qu'il ne vouloit ni trop élever, ni entierement abatre. C'étoit affez, ce femble, pour entretenir la paix de ce côté là, & ce qu'il s'en pouvoit apparemment promettre, c'étoit que ce Prince, & ceux de fon Party, lui donneroient pour le moins le temps de ruiner Mrs de Guyfe, leurs ennemis ouverts & déclarés. La perte de ceux-ci étoit donc en ce temps-là facile, & inévitable, fi les choses fe fuffent maintenues en ce point; mais toutes ces belles & fages maximes furent renverfées par de fi petits mouvemens, qu'il y a certainement dequoi s'étonner, fi l'on confidere combien facilement fe peut détourner le cours de la prudence humaine. La Reine de Navarre étoit partie de la Cour dans cette conjoncture, mal fatisfaite du Roy fon frere. Elle même en fait mention dans fes Memoires. Comme elle étoit Princeffe de beaucoup d'efprit, qui fe piquoit de generofité, & qui pensoit que la vraye generofité confiftoit à ANNEE 15.80. |