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Le Bon-Sens, l'Invention & l'Ef prit fe réuniffent; un Auteur fatyrique arrive & fe prépare à faire revivre le redoutable Boileau; il fe déchaîne ainfi contre la Tragédie.

Eh! peut-on fans rougir, combler de tant d'honneurs

Tous ces colifichets, qu'au theâtre on admire, Fades productions d'un ftérile délire?

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Ces Vers enflés de mots au travail mefurés; Ces Drames, deffinés en traits de perspective; Tableaux fans coloris, de froideurs enquadrés; Ce flux d'événemens, gauchement préparés ; D'immobiles Soldats, cette foule inactive; Ces caractères mal tiffus,

Quelquefois annoncés, & jamais foutenus ; Ces plats confpirateurs, à la fareur oifive; Ces timides Héros, ftités fur nos Romans; Ces Amans fans chaleur, ces Rois fans politique;

Ces Tyrans fans efprit, vrais balourds du tragique;

Et ces Femmes d'idée, aux beaux raisonne

mens.

Le Bon-Sens confeille à l'Auteur fatyrique, de critiquer avec plus de ménagement; mais celui-ci ne répond

que par des menaces terribles, & s'en va, en promettant de tout exterminer, même avant que de rien voir. Viennent enfuite un Poëte lyrique & un Muficien; ils font leur complià l'Invention en langage d'Opéra; mais le Poëte s'avifant de dire à l'Invention, qui les prend tous deux pour Poëtes, que l'autre n'eft que Muficien, il s'élève entr'eux une querelle fur la préféance, qui a beaucoup diverti. Le Bon-Sens les maltraite; ils ne le connaiffent ni l'un ni l'autre ; & l'Invention leur ayant dit qui il eft, ils l'accablent d'injures; ils fe réconcilient même tous deux pour défier ce Dieu, qui les menace de revenir à l'Opéra. Le Musicien transporté, demande au Poëte de feconder fon génie. Celui-ci fait des vers que l'autre met fur-le-champ en mufique. Le Bon-Sens ne peut tenir contre leur fureur; il s'enfuit de peur qu'ils ne le poignardent. Un Maître de Ballets fe présente aufsi-tôt. Son projet est d'introduire les Ballets jufques dans la Tragédie Française. Le Poëte & le Muficien font de fon avis; mais il fait une autre propofition bien outrageante pour nos deux Artistes. La Voici :

Tous nos Muficiens ne nous fatiguent plus
Que d'airs embrouillés, bifcornus ;

Nos grâces avec eux ne fauraient plus paraître : De l'Opéra, laiffez-moi feul le maître.

Par mes foins vigilans bientôt il renaîtra Des plus beaux airs de France & d'Italie, Le choix harmonieux réglera mon génie; C'eft l'Orchestre qui chantera,

Et la Pantomime jouera.

Ainfi toujours brillant, & prodigue en merveilles,

Je fauverai l'ennui d'entendre, à tous momens,
Lés vers écorcher le Bon-Sens,
Et la mufique les oreilles.

Le Poëte & le Muficien font des imprécations contre lui; il fe rit de leurs fureurs, & ils le poursuivent, en chantant le Duo de Tancrede; Suivons la fureur & la rage, &c

Une Symphonie annonce le Récitatif Français, qui paraît couronné de pavots. Il fe fait reconnaître à l'Invention, par ces vers qu'il chante:

De l'Empire ébranlé, des fons & de la rime, Reconnaiffez en moi le foutien magnanime!

Compagnon de Morphée, on m'appelle en

deux mots,

Le grand Récitatif, couronné de pavots.

Il devait chanter enfuite ces quatre vers, que l'on a retranchés fans: qu'on fache pourquoi.

Malgré qu'on dorme ou que l'on bâille,
Faites renaître mes appas;

Hélas! où voulez-vous que j'aille,
Si Paris ne me garde pas ?

Il fe plaint des grands fuccès de l'Ariette Italienne, qui l'a prefque détruit. L'Invention avant que de rien. dire fur le nouveau goût de Paris, veut connaître le chant Italien. L'Ariette Française & l'Italienne entrent fur la scène, en fe querellant. La Françaife veut reprendre la préféance fur fa rivale: celle-ci veut la garder. L'Invention appaise la querelle, en demandant qu'elles chantent l'une après F'autre. Elle permet à la française de chanter la premiere. Cette Ariette, lest bras pendants, à la maniere de nos Actrices de l'Opéra tirées des Chœurs pour chanter des airs légers, fait en deux reprises l'énumération des vingttrois mots qui forment le brillant de l'A

riette Française; gioire, environne, victoire, couronne, vole, triomphe, régne, enchaîne, enchante, lance, brillez, enflammez, badinez, folâtrez, voltigez, murmure, coule, ravage, roule, réveille, gronde, s'éleve, rire. L'Ariette Italienne chante à fon tour; l'Invention lui donne la préférence. Elle fort triomphante, & l'autre très-piquée. Le Récitatif tremble du jugement que l'Invention va porter à fon égard; mais elle fe contente de lui donner de bons confeils, & il la quitte trèsfatisfait.

L'Efprit revient, non comme l'ELprit, mais comme Ambafladeur des Petits-Maîtres. Il prie l'Invention de relever la fortune de la Troupe Italienne, qui tombe tous les jours. Il fe plaint du tort que les Comédiens Français ont fait à leur élégance, en fupprimant leur Théâtre. Il repréfente que celui des Italiens leur refte encore; mais que, par malheur, les Dames n'y viennent plus. Arlequin arrive d'un air fatisfait. Pendant la clôture, il a été en Italie ramaffer des Acteurs, & il en ramene une recrue. On fe mocque de lui, fur ce qu'il croit relever la Comédie avec des Acteurs Italiens.

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