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On lui demande comment il veut qu'on puiffe les entendre. A cela il répond: Mais ils fauront parler, pourvu qu'on daigne attendre ;

Et c'eft toujours un fond pour l'avenir.
En dix ans ils pourront fe faire;

Et pendant ce tems-là, comme à notre ordinaire,

Nous jouerons pour notre plaisir.

Cette réponse a fait rire & a été applaudie. L'Invention lui dit, que l'on n'eft curieux que de piéces nouvelles ; & que ce n'eft que cela qui pourra relever fa Troupe. Il la fupplie de les aider. Elle lui demande, s'il fçait faire valoir une Piece Françaife. A quoi il répond:

J'y fuis, grace aux. Auteurs, affez mal à mon

aise,

Pour qu'on ne vous en dife rien,

Mais je plais dans l'Italien,

Je divertis, j'amufe, & tout le monde m'aime..
Je m'y trouve toujours fort bien,
Car je fais mes rôles moi-même:

L'Invention lui demande une fcène à l'Impromptu. Il objecte qu'il eft feul, & que cela devient trop difficile. Alors

il apperçoit Mademoiselle Camille en habit d'Arlequin: on la croit fa fœur ou fa femme; il répond qu'il n'a ni femme ni fœur. Mademoiselle Camille cherche à fe faire reconnaître par fes lazzis ; & n'y parvient que par un rire qui lui échappe. Il s'écrie alors. Comme une folle, elle rit ; c'eft Camille !

Elle paraît avoir envie de parler à I'Invention; & la Divinité la preffe obligeamment de s'expliquer. Arlequin n'oublie pas de lui dire comme à l'oreille,

Modere-toi, fi ta langue le peut.

C'est par ces plaifanteries que l'Auteur voulait faire écouter Mademoifelle Camille, dans le Français; dont on s'imaginait, à tort, que la langue lui était encore étrangere. Rien ne pouvait mieux annoncer la douceur de fon caractere, que de permettre qu'un Auteur s'égayât en Public à fes dépens. Quelle autre Actrice l'eût fouffert? Auffi lui a-t-on fu bon gré de ce petit facrifice qu'elle a fait de fon amour propre.Voici fon difcours à l'Invention, pour difpofer le Public à lui être favorable dans le Français.

De crainte en vous parlant, mon ame qui s'é

meut,

A fon ambition, peut-être téméraire,
Ofera-t-elle ici s'abandonner.

Le Public, des talens eft le Juge & le pere;

Tout ne refpire en moi, que l'ardeur de lui plaire.

Au genre Italien j'ai peine à me borner. Me former au Français, eft la gloire où j'af pire;

Trop heureuse fi, quelquefois,

Je voyais à mes vœux le Parterre fourire ; Daignez, auprès de lui, me prêter votre voix ;

Sa clémence, toujours, nous mene à fon eftime.

Quand on s'en voit d'abord applaudir dans des

riens,

On fent qu'à nos defirs il accorde les fiens.
La confiance alors, par degré, nous anime;
Et lorfque nos talens, devenus précieux,
Ont mérité qu'il les honore,

Il en doit mieux chérir des fruits nés fous fes

yeux,

Qu'à force de bonté lui même a fait éclorre.

L'Invention termine la Piece en fe

préparant à appaifer & ramener le BonSens, que les deux Auteurs lyriques ont fait fuir, & Arlequin implore pour fa Troupe, l'indulgence du Public.

Cette Comédie épifodique eft de M. Bruner; elle fit beaucoup de plaifir aux perfonnes de goût, qui la trouverent bien écrite & remplie de traits agréables; le Public les applaudit tous d'abord, mais s'étant enfin appercu que la plupart retombaient fur lui, il fe contenta de les écouter fans les applaudir & fans fe corriger; enfin elle eut du fuccès & fut jouée douze fois fur le Théâtre du Boulevard, où les Comédiens s'étaient établis pendant les réparations & les embelliffemens qu'ils faifaient faire à leur Salle.

Rétablissement de la Salle.

La Salle de l'Hôtel de Bourgogne exigeant une grande réparation, tant pour ce qui concernait la folidité du bâtiment, que pour la décoration M. le Duc d'Aumont, premier Gentilhomme de la Chambre, ordonna cet ou vrage, qui devint confidérable & par le travail & par la maniere dont il a été

traité. L'Artifte, fuivant les ordres qui lui avaient été donnés, avait confervé tous les planchers & tous les poteaux, qu'il ne pouvait fupprimer fans un renversement total de la conftruction primitive. Il n'a donc rien changé à l'ancienne difpofition; mais il a tellement ménagé la décoration, qu'il femble que la Salle foit conftruite à neuf, par le grand nombre de commodités qui s'y trouvent actuellement. L'avant-fcène était décorée par deux colonnes accouplées d'ordre corinthien de toute la hauteur de la Salle, & furmontées d'une architrave en relief qui fe liait avec la frife & la corniche, peinte fur le plafond. Le fofite de ces colonnes était orné de rinceaux d'un goût antique, avec de belles rofettes dans les milieux. Le focle régnait avec le deffous des balcons. Toute cette avant-scène était peinte en marbre blanc veiné, & tous les chapiteaux, bafes & ornemens dorés; dans l'épaiffeur de cette avant-fcène étaient pratiqués deux efcaliers, conduifant à tous les balcons & aux loges grillées, placées fous le théâtre.

Les balcons, de niveau avec les premieres loges, font d'une très-belle

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