tendreffe & des louanges fades que lui prodigue la fenfible Efpagnole, ordonne à Ofmin de faire venir Délia, célébre Cantatrice de Circaffie, & depuis peu arrivée au Sérail. C'eft fous le prétexte d'amufer Elmire; mais en effet pour fe dérober lui-même à l'ennui. Olmin introduit Délia; elle chante, & Soliman paraît enchanté de fa voix. Il lui donne beaucoup d'éloges. L'Espagnole, outrée de dépit, quitte la fcène. Ofmin vient dire qu'il ne tient plus à l'indocilité de la petite Esclave Françaife. Elle paraît. ROXELANE. Ah! voici, grace au Ciel, une figure hu maine. Vous êtes donc ce fublime Sultan, De qui je fuis Efclave? Hé bien, prenez la peine, Mon cher Seigneur, de chaffer à l'inftant Cet oifeau de mauvais augure. SOLIMA N. Vous n'êtes pas en France; Ayez l'efprit plus liant & plus doux; Et croyez-moi, foumettez-vous. On punit au Sérail le caprice & l'audace. ROXELANE. Ce difcours a fort bonne grace. Qu'un Empereur Turc est galant ! Prenez-vous ce ton-là pour être aimé des femmes, Vous devez enchanter leurs âmes; En vérité, c'eft avoir du talent; Mais, mais, je vous trouve excellent. Et de vos volontés, voilà donc le Ministre? Refpectons ce Magot, avec son air sinistrez Aveuglément nous devons obéir; Il a vraiment de brillants avantages. Ah! Si vous le payez pour vous faire haïr, Il ne vous vole pas fes gages. Le refte de la fcène eft écrit avec la même légereté, & le caractere de Roxelane n'eft pas moins féduifant pour les Spectateurs que pour Soliman qui s'en laiffe furprendre fans s'en appercevoir. Au fecond acte, Soliman feul, fait en fumant fa pipe, quelques réflexions fur le caractere fingulier de Roxelane, qu'il oppofe à celui d'Elmire, fi tendre, fi refpectueufe. Ce Prince qui a fait inviter Roxelane à venir prendre du Sorbet avec lui, apprend par Of min qu'elle refuse cet honneur. Elle entre fans fe faire annoncer. Le Sultan en eft furpris; mais il l'excufe. Il continue de fumer; elle lui demande fa pipe, il l'a lui préfente, elle la jette. Le premier mouvement du Sultan, eft de s'offenfer de ce manque de refpect. Il finit par en rire. ROXELANE. Et comment voulez-vous, Monfieur, qu'on vous corrige? SOLIMA N. Me corriger! de quoi donc s'il vous plaît ? ROXELAN E. De quoi ! de quoi! ces Sultans me font rire; Ils penfent que fur eux, nous n'avons rien à dire, Je prends à vous quelqu'intérêt. Croyez-moi, bannissons la gêne, L'amitié me conduit ; quand ce ferait la haine, Vous pourriez y gagner encor. La haine eft franche, elle vaut un tréfor Nous devons lui prêter l'oreille. Un ami par pitié, faiblement nous confeille Notre ennemi connaît tous nos défauts. D'une gloire ufurpée, il diftingue le faux. Confultez-la, vous qui voulez régner. Non. SOLIMAN, à part Cette femme eft étonnante! Quelques Critiques ont accufé l'Auteur d'avoir mis de la prétention dans cette tirade, & n'ont pas fenti qu'elle était néceffaire pour préparer la folidité des raifonnemens que Roxelane fait au troifieme acte, & pour répondre à ces vers. Ah! telle eft Roxelane en fa frivolité; Sa raison perce à travers fa gaieté. D'un nuage léger, c'eft l'éclair qui s'échappe; Et dont la lumiere nous frappe. Le Sultan propofe à fouper à Roxelane, qui le refufe; mais elle lui offre à lui-même un dîner, qu'il accepte; elle le congédie alors, & lui dit d'aller vaquer aux foins de fon Empire: lorfqu'il eft parti, elle fait inviter à ce dîner, de la part du Sultan, Elmaire & Délia; la premiere arrive avec Ofmin, qu'elle prie de lui être favoble. Roxelane, qui était fortie pour donner les ordres, revient, écoute fans être apperçue leur converfation, & plaifante agréablement fa Rivale fur les petites rules qu'elle employe pour obtenir le cœur de Soliman, qu'elle lui céde volontiers. Délia arrive à son tour, accoutumée à ne voir qu'un Maître dans un Amant; elle dit: Qu'on doit devant fon Maître, La nature a borné notre être; Qu'il foit Sujet, ou Souverain; Il a les mêmes droits; enfin nous devons être, Par l'arrêt de notre deftin Efclaves, ELMIRE. Compagnes, ROXE LANE. Maîtreffes, &c. &c. Ce feul vers fait connaître le carac tere des trois Rivales. |