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faire le premier pas; enfin tout fe par donne, & Arlequin promet d'époufer Camille, fitôt que Pantalon fera forti de la maifon. Cette condition renouvelle tous fes chagrins, & Pantalon revient avec fes filles lui apprendre qu'il a pris fon parti; à quoi Camille répond qu'elle n'aurait jamais eu la force de le lui dire, mais que chaque moment qu'il pafferait chez elle, ferait pour elle un nouveau fupplice. Alors les quatre Gentilshommes veulent engager Camille à montrer plus de courage & à ne pas démentir fes bontés pour Pantalon & fa famille; mais cette fille prenant un ton ferme & pathétique, leur répond ainfi. Dites-moi un peu, Meffieurs, vous qui me parlez en faveur de Pantalon & de fa famille, vous qui avez tant de pitié pour fes filles, n'avez-vous que des paroles inutiles & de vains confeils à leur donner? Si vous avez tant de compaffion, que ne recherchez-vous à leur en faire reffentir les effets? Eftce que ces Demoifelles n'ont pas affez de mérite pour vous y engager? Mais tenez, voici le moyen de les fecourir, & de leur rendre juftice; ceux d'entre vous qui ont de l'amour pour elles, n'ont qu'à les époufer. Ceux qui s'en

tiennent à l'eftime, n'ont qu'à les aider à s'établir. Vous le pouvez, Meffleurs, & vous le devez. Ce fera-là la véritable pitié, le véritable héroïfme, la vraie gloire, & non d'implorer les fecours d'une pauvre fille comme moi, qui ai fait tout ce que j'ai pu, & qui ai été jufqu'à facrifier les intérêts de mon cœur & ma propre tranquillité.

Pantalon ne fe poffede pas de joie, il fait l'éloge de Camille, il dit qu'elle parle fi bien, qu'il faut que Clarice lui ait donné des leçons. Célio fe fent pénétré, & ne fait que réfoudre. Clarice & Angélique fe plaignent entr'elles de leur destinée. Florindo attendri par le difcours de Camille, s'offre d'époufer Angélique. Il invite en même tems Angélique à s'expliquer & à déclarer celui qu'elle préfere; mais elle s'en rapporte modeftement à fon pere. Panta lon dit qu'il ne demanderait pas mieux que de la contenter, mais qu'il ne veut point faire tort à Clarice qui eft l'aî née. Florindo alors s'offre de l'époufer, en difant qu'il lui eft égal d'époufer l'une ou l'autre. Célio pour ne pas voir Clarice facrifiée à une femblable union, déclare fon amour pour elle.

Florindo fe tourne vers Angélique; pour la prier de se déclarer.

Elle annonce que fi fon pere le trouve bon, elle choifira Silvio. Pantalon y confent. Florindo dit alors que de tou tes façons il ne peut que fe féliciter d'avoir porté les efprits à l'héroïsme & à la gloire. Il demande à Pétrone fon approbation, & Pétrone la lui donne. Pantalon donne l'effor à fa joie ; il vante fon bonheur, & en donne tout l'honneur à Camille, qui témoigne de fon côté combien elle y eft fenfible.

Arlequin qui eft inftruit de tout, fe réjouit avec Pantalon & avec fes filles, de leur bonne fortune, Il offre avec transport sa main à Camille, qui l'accepte avec vivacité & fur-le-champ. Pantalon termine la Piece en difant que le fort de fes cheres filles le fait jouir du plus grand bonheur, & qu'il n'y a pas dans la nature, d'amour plus fublime & plus délicieux que l'amour paternel.

Cette Piece eft la premiere que M. Goldoni ait donné fur le Théâtre Italien, depuis fon arrivée à Paris, où les Comédiens toujours attentifs à mériter l'attention du Public, l'avaient attiré

pour remettre en vigueur leur Scène Italienne qui commençait à être négligée. Cet illuftre Auteur femblait y avoir ramené les Spectateurs pendant quelque tems, par plufieurs Pieces que les Connaiffeurs ont avec raison regardé comme des chefs-d'œuvres ; mais le Public livré à un goût frivole les abandonna bientôt ; ce qui ne prouve pas plus contre le mérite de M. Goldoni, que contre les chefs-d'œuvres de Moliere & de Corneille, qui ne font pas moins abandonnés. Il me faudrait une connaiffance plus parfaite de la langue Italienne, & des connait fances plus étendues pour pouvoir rendre à fon talent toute la juftice qui lui eft due. Ne pouvant donc apprécier fes ouvrages, il me refte à faire connaître fa modeftie qu'il a fi bien montrée dans la lettre fuivante adreffée à M. de Meflé.

LETTRE DE M. GOLDONI.

Me voici, Monfieur, à la veille de faire repréfenter à Paris la premiere Comédie que j'y ai faite. La chofe du monde qui me flattait le plus, tant que je ne l'ai vue que dans l'éloignement, me fait trembler maintenant que je fuis au moment d'en jouir. Vous favez, Monfieur, la difficulté qu'il y a de réuffir dans les ouvrages Dramatiques, vous qui êtes un fi bon connaisseur du théâtre, vous qui l'aimez & le fréquentez. Mes faibles talens & les circonftances où je me trouve, rendent la chofe encore plus difficile pour moi que pour tout autre. Je conviens d'avoir eu quelque fuccès en Italie. On m'y a fait fans doute plus d'honneur que je n'en méritais; mais il faut l'attribuer à l'état miférable où languiffaient les théâtres de mon pays. On a cru devoir me tenir un grand compte du peu que j'ai fait pour les relever. Aujourd'hui je fuis à Paris, où le célebre Moliere a laiffé les femences de la vraie Comédie, & où tant de génies heureux l'ont cultivée & embellie. Un

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