RATON ET ROSETTE. Parodie de Titon & l'Aurore, 28 Mars 1753. RATON, Garçon de Ferme, amou reux de Rofette, Jardiniere, l'attend avec impatience avant le lever du foleil; comme elle tarde à paraître, Ra ton la foupçonne de coquetterie, & de paffer mieux fon tems avec un Rival. Une fymphonie annonce l'arrivée de l'aurore, on entend le chant du coq, le ramage des oifeaux, & les cris de différens animaux qui peuplent une Baffe-cour. Rofette paraît fur la Montagne, defcend dans fon Jardin, arrofe fes fleurs au jour naiffant, & chante : Brillantes fleurs, Vos vives couleurs, De nos plaifirs font l'image; Y Leur tendre éclat, Eft fi délicat, Qu'un fouffle, un rien l'endommage Il faut cueillir Les rofes fans les ternir, Et fans flétrir; Sans affaiblir le defir, Faifons chaque jour Renaître l'amour, Et confervons les attraits Frais. Rofette appercevant Raton, lui témoigne fa joie par les plus vifs empreffemens. Cette fcène eft suivie d'un Divertis fement. VAUDEVILLE, des Bouquetieres. Prenez de nos bouquets, Ils font tous frais, Prenez ma double violette; Venez-en faire emplette. (à Raton.) Approchez mon beau garçon, De nous achetez donc Quelque fleurette, La rofe & l'bouton, D'amourette, La rofe & l'bouton. ROSETTE, à Raton. 414 Je t'aime fans détours, Et pour toujours, Mon amitié n'est point légere Que cette Aeur, Et n'eft point paffagere ; Cher Amant, je t'en fais don. ( En lui présentant un bouquet.) Reçois auffi Raton, De ta Rofette, La rofe & l'bouton, D'amourer:e, La rofe & l'bouton. Gringole, Meûnier, eft amoureux de Rofette, & veut l'enlever à Raton fon Rival; il paraît à la fenêtre de fon Moulin, & chanté : Héla, hé que de train Si matin! Attendez-moi, mes drôles; Venez tous, Armez vos bras de gaules ; De ces Chanteurs, De ces Danfeurs, Les Jardiniers & les Bouquetieres fe retirent; la frayeur fait le même effet fur Raton & fur Rofette, & Gringole fe félicite ainfi : Ils font tous enfuis de peur J'ai vu Rofette avec Raton. Oh! oh! oh! oh! oh! j'en aurai raison, Pour un Oifon? (bis.) Perrette, Fermiere, fort toute tremblante de chez elle, & demande à Gringole le fujet du bruit qu'elle vient d'entendre; Gringole lui rend compte de fon amour pour Rofette, & de la jaloufie qu'il a conçue de Raton. Perrette qui aime autant Raton que Gringole aime Rofette, recommande en même-tems à Gringole, de tâcher d'appaifer Rosette. Prenez part à fa douleur, C'est une bonne recette; Est bien-tôt Amant vainqueur. Perrette rentre chez elle, & Gringole voit arriver Rofette toute en pleurs; il l'aborde un inftant après, & lui dit d'un ton doucereux: Belle Rosette, Je plains votre tourment Et je regrette De bon cœur votre Amant, Il avait du mérite Ah! pauvr' petite, Vot' malheur excite Ma pitié. ROSETTE. J'ai perdu tout mon bonheur, On a pris mon ferviteur; O fort trop funefte! O fort trop funefte! Que l'on m'ôte tout mon bien, Je ne regretterai rien ; Non rien, non rien, Non rien. |