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tude de la puiffance, mais peut-être aux dépens de la justice. Il ne faut pas feulement regarder ce qui eft permis, mais ce qui eft bien feant, ce qui eft expedient. N'eft-il pas indecent de prendre votre volonté pour loi, & de negliger la raifon, pour-n'exercer que votre puiffance, parce que vous n'avez point de fuperieur à qui on puiffe appeller? Il y a autant de bafsesse que de hauteur à ne fuivre que fa fantaisie : c'est vivre en bête: N'eft-il pas indigne de vous de n'être pas content du total, fi vous ne vous attribuez encore je ne fai comment quelques petites portions? Et ne m'alleguez point le fruit de ces exemptions. Les évêques en deviennent plus infolens, les moines plus relâchez, & même plus pauvres. Ils pechent avec plus de licence, n'ayant perfone pour les corriger; & on les pille plus librement, parce qu'ils n'ont perfone pour les défendre. A qui auront-ils recours; aux évêques irritez du tort qu'on leur fait? Ils regardent en riant les maux que font, ou que fouffrent ces malheureux moines. Vous ferez coupable de tous ces maux, du scandale qui en refulte, des inimitez, des difcordes éternelles entre les églifes.

Je doute même que vous ayez le pouvoir de confentir à ce qui produit tant de maux. Croyez-vous qu'il vous foit permis de confondre l'ordre, & d'arracher les bornes pofées par vos peres? vous vous trompez, fi vous croyez que votre puissance est la feule établie de Dieu: comme elle est la premiere: il y en a de moyennes; il y en a d'inferieures. Vous faites un monftre, fi détachant un doigt de la main, vous le joignez à la tête, au deffus de la main, à côté du bras: en un mot, fi dans le corps deJesus-Christ Tome XIV.

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AN. 1152.

AN. 1152.

vous rangez les membres autrement qu'il ne les a placez lui-même. L'ordre de la Hierarchie a Dieu fi pour auteur, & tire fon origine du ciel: mais si un évêque dit: Je ne veux pas être foumis à un archevêque, ou un abbé: Je ne veux pas obéïr à un évêque, cela ne vient pas du ciel. Je fai que vous avez le pouvoir de difpenfer mais pour l'édification feulement. Quand la neceffité preffe, la dispense est excufable: quand l'utilité le demande, elle est louable: je dis l'utilité commune, non celle du particulier. Il convient toutefois qu'il y a quelques monafteres exempts, fuivant l'intention des fondateurs, qui les ont donnez au saint fiege par une dévotion particuliere.

Enfin, dit-il, vous devez étendre vos reflexions fur toute l'église, pour voir si chacun y fait son devoir: mais particulierement pour favoir comment vos ordonnances sont observées. Sans aller plus loin, je puis vous montrer, qu'on n'obferve point les reglemens que vous avez publiez de votre bouche au conSup. n. 56. cile de Reims, touchant la modeftie des habits dans le clergé, & les ordres que doivent avoir les dignitez des chapitres. Si vous croyez qu'on les obferve, vous vous trompez: fi vous ne le croyez pas, vous avez eu tort ou d'ordonner des chofes impraticables, ou de diffimuler l'inobservation de vos reglemens. Il y a déjà quatre ans qu'ils font faits, & nous n'avons vû encore pour ce fujet aucun clerc privé de son benefice ni aucun évêque fufpendu de ses fonctions : ainsi la negligence a produit l'impunité, mere de Fimpudence & du mépris des loix. On dit que Dieu ne fe met pas en peine des habits, mais des mœurs,

l'indécence des habits eft la marque du déreglement AN. 1157. des efprits & des mœurs.

LX. Derniers livres de

C. Ꮮ

6.2.

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Dans le quatrième livre, S. Bernard propofe au pape pour objet de fa confideration, ce qui eft au- la Confideration. tour de lui, fon clergé, fon peuple & ses domestiques. Votre clergé, dit-il, doit être parfaitement reglé, puifqu'il doit être la regle & le modele de tous les autres. Quant à votre peuple, tout le monde connoît l'infolence & le fafte des Romains. C'est une nation accoûtumée au tumulte, cruelle, intraitable, qui ne fait le foumettre que quand elle ne peut refifter. Et enfuite : C'eft alors principalement qu'ils veulent dominer, quand ils ont promis de fervir. Ils jurent fidelité pour mieux trouver l'occafion de nuire à celui qui s'y fie. Ils veulent déflors être admis à tous vos conseils, & ne peuvent souffrir qu'on les refufe à une porte. Ils font habiles pour mal faire, & ne favent point faire le bien. Odieux au ciel & à la terre, impies envers Dieu, seditieux entre eux, jaloux de leurs voifins, inhumains envers les étrangers : ils n'aiment perfone & ne font aimez de perfone; & voulant fe faire craindre de tous, ils craignent de tout le monde. Ils ne peuvent se soumettre, & ne favent pas gouverner : infideles à leurs fuperieurs, infuportables à leurs inferieurs; impudens pour demander & pour refuser: importuns & inquiets jufques à qu'ils reçoivent, & ingrats quand ils ont reçû. Ils parlent magnifiquement & executent peu, promettent liberalement & tiennent le moins qu'ils peuvent : flateurs & médisans, diffimulez & traîtres. C'eft le portrait que fait S. Bernard des Romains de son tems ; & toutefois il ne laissa pas d'exYyyy ij

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horter le pape à travailler à leur converfion quelque peu d'efperance qu'il ait de fuccés : puifqu'on n'eft obligé qu'à travailler, & non pas à réüffir.

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Plus ils font rebelles, dit-il, plus vous devez avoir de courage à les attaquer : mais avec la parole, non avec le fer. Vous ne devez plus employer le glaive, depuis qu'il vous a été dit de le remettre au foureau. Les deux glaives appartiennent à l'église, le fpirituel & le materiel, mais l'un doit être tiré par main du prêtre, l'autre par la main du soldat, fuivant le confeil du prêtre & le commandement du prince. Nous avons déja vû cette allegorie des deux glaives; & le meilleur fens qu'on lui puiffe donner, eft que le glaive materiel ne doit être employé que par l'ordre du prince, mais que le prince doit confulter le prêtre pour favoir fi la guerre eft jufte, ou même suivre ses exhortations pour employer sa puiffance à proteger la religion.

S. Bernard dit encore en cet endroit, ces paroles remarquables : Tout le zele des ecclesiastiques ne tend qu'à conferver leur dignité: fi vous voulez dans l'occasion vous abaiffer un peu & vous rendre plus fociable, on dit que vous ne fçavez pas garder votre rang, ni foûtenir votre perfonnage. Nous ne voyons point que faint Pierre ait jamais paru en public orné d'or & de pierreries, revêtu de foye, monté sur un cheval blanc environné de foldats & d'officiers marchant à grand bruit. En cela vous n'avez pas fuccedé à S. Pierre, mais à Conftantin. Souffrez-le pour vous accommoder au tems, mais faites votre capital de vos devoirs. Quoique revêtu d'or & de pourpre vous ne devez pas dédaigner les fonctions de pasteur,

ni rougir de l'évangile. S. Bernard ne doutoit non AN. 1152. plus de la donation de Conftantin, que des fauffes

decretales.

c. 4.

Il vient enfuite au choix des cardinaux, qu'il dit devoir être pris de tout le monde, puifqu'ils doivent en juger; & les plus parfaits qu'il eft poffible, parce qu'il eft plus aifé de venir bon à la cour, que d'y devenir bon. Il infifte particulierement fur le choix des legats, en qui il demande particulierement la vie exemplaire & le défintereffement; il raporte des exemples édifians du cardinal Martin legat en Danemarc, & de Geofroi évêque de Chartres. Il se plaint de ce que les officiers du pape pretendent avoir rang devant les prêtres, fous pretexte que dans les ceremonies ils font plus proches de lui, quoiqu'ils foient ainfi placez, non pour marque de leur dignité, mais pour la commodité du fervice. Enfin il confeille au pape de fe décharger entierement fur quelqu'un de fes domeftiques, du foin de fon temporel, comme indigne d'un prelat, qui fe doit tout entier au fervice de l'églife. Il dit à ce fujet : C'est une chofe merveilleufe, que les évêques trouvent de refte fous leur main des perfonnes à qui ils confient les ames, & n'en trouvent point à qui ils puiffent confier leurs biens. Dans le cinquiéme livre de la Confideration, il traite de ce qui eft au deffus de nous; & donne au pape Eugene des fujets de meditations fublimes, fur les anges, fur l'effence divine & fur les myfteres de

la Trinité & de l'Incarnation..

0. 5.

c. 6.

LXI.

Jourd in Legat en

Jourdain des Urfins avoit eté envoyé legat en Allemagne vers le roi Conrad en 1151. & depuis étoit Allemagne. venu en France & en Normandie, laiffant par tout

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