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faiblit jamais. Il n'hésite ni ne balance. Pour lui, le monde est à sa fin. « Mes petits enfants, dit-il, cette heure est la dernière heure; et comme vous avez entendu que l'antéchrist vient, il y a maintenant beaucoup d'antéchrists. D'où nous savons que c'est la dernière heure. »> (Jean, Ier ép., 11, 18, 28.)

<< Tout esprit qui détruit Jésus n'est point de Dieu, et celui-là est l'antéchrist dont vous avez ouï dire qu'il vient. Or il est déjà dans le monde. » (Jean, Ire ép., IV, 3.)

Malgré les cruels démentis donnés par les faits aux espérances des chrétiens qui, sur la parole de Jésus, s'étaient crus destinés à voir le retour du Messie sur les nuées, leur foi, appuyée sur l'unanimité des prophéties et sur les affirmations concordantes de Jésus et des apôtres ', demeura inébranlable.

Je sais bien qu'il y avait désaccord sur un point entre les diverses prophéties et les Apocalypses. Les unes plaçaient le jugement avant le règne de Iahveh, simplement parce que le Messie soleil commençait par faire la séparation entre les fidèles et les adversaires du dieu lumière, avant que le règue de celui-ci s'établit sur la terre. Les autres, tenant compte de l'acte premier du Messie soleil, partaient de là pour supposer un premier règne du Messie, plus ou moins long, avant le jugement et le règne définitif de Iahveh, la lumière suprême. Les unes comme les autres dérivent des psaumes solaires.

Au temps de Jésus, c'est la seconde interprétation qui domine, et c'est ce qui a rendu possible le rôle qu'on lui a attribué. La première ne donnait au Messie qu'un rôle tout à fait secondaire, analogue à celui que joue dans la plupart des psaumes le soleil, considéré comme ministre subalterne et exécuteur des ordres de Iahveh.

Je ne me suis pas arrêté à ces considérations, qui auraient allongé à l'infini cette étude, et qui d'ailleurs n'ont pas une grande importance historique au point de vue du christianisme.

C'est par la même raison que je ne m'arrête pas à discuter les questions d'authenticité des évangiles et des épitres attribuées aux apôtres. Peu m'importe, en effet, que telle ou telle épître attribuée à Paul ou à Pierre ait été écrite par tel ou tel autre. Ce que je cherche, c'est la pensée d'où est sorti le christianisme; l'essentiel, c'est que tous ces écrits, acceptés par les fondateurs de la religion chrétienne, expriment les idées et les sentiments des disciples plus ou moins immédiats du Christ, ou du moins de ceux qui ont dominé aux premiers siecles dans le monde d'où est sorti le dogmatisme chrétien. A ce point de vue, les mythes et les légendes sont des témoignages tout aussi considérables

Jusqu'au règne de Constantin, c'est-à-dire tant que les chrétiens, vivant en dedors du monde officiel, ne furent pas détournés par des soins étrangers des enseignements du maître et des préoccupations purement religieuses, la doctrine du royaume messianique et la croyance à l'avènement prochain du Christ restèrent dominantes dans l'Église. On les trouve formellement affirmées dans l'épître attribuée à Barnabé, ainsi que dans le Pasteur d'Hermas, qui eut pendant un temps une très grande autorité. La doctrine du Millenium, c'est-à-dire du règne du Messie durant mille ans, est enseignée comme un dogme essentiel au christianisme par Papias, disciple de Jean, par Justin le Martyr, dans son Dialogue avec Tryphon, par Irénée, dans son Traité contre l'hérésie (v, 25-36), par Tertullien (Contra Marc., III, 24; De Resurrect. carn., XII; De anima, LVII), par Lactance (Inst. Divin., VII, 20), et par plusieurs autres pères et docteurs de l'Église. Justin, après avoir exposé la doctrine du royaume messianique, ajoute en propres termes :

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Si vous rencontrez des gens qui, se disant chrétiens, rejettent ces opinions; qui, blasphémant le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et le Dieu de Jacob, disent qu'il n'y a pas de résurrection des morts, mais qu'aussitôt après la mort, les âmes seront reçues dans le ciel, gardez-vous de les tenir pour chrétiens. Pour moi, et pour les chrétiens dont la doctrine est pure sur tous les points, nous savons qu'il y aura une résurrection de la chair, et que nous passerons mille ans dans Jéru

et aussi instructifs que ceux des apôtres eux-mêmes. Il ne s'agit pas pour moi de savoir quelle part de vérité religieuse peuvent contenir les écrits des premiers temps. Je laisse cette préoccupation aux croyants catholiques ou protestants. Mon point de vue est absolument différent. Je cherche à expliquer simplement comment a pu naître et comment s'est développé le germe d'où est sorti le christianisme.

salem rebâtie, embellie, agrandie, comme vous le promettent, en effet, Isaïe, Ézéchiel et d'autres prophètes. A leur témoignage, il faut joindre celui d'un apôtre du Christ, nommé Jean, qui, entre autres choses qui lui furent révélées, nous a prédit que ceux qui auront cru à notre Christ passeront mille ans à Jérusalem, et que ensuite auront lieu pour tous ensemble et à la fois la résurrection générale, éternelle, pour ainsi dire, et le jugement dernier. » (Just., Dial. cum Tryph., LXXX, LXXXI.)

Augustin lui-même admit pendant un temps la même doctrine (V. Sermo CLIX). Cette opinion, en effet, se rattachait logiquement à tout l'ensemble des croyances de la primitive Église sur la nature de l'âme. Pour elle, l'âme et le corps sont joints par une union en quelque sorte indissoluble : « De même que si, de deux boeufs attelés au même joug, l'un est séparé de l'autre, ni l'un ni l'autre ne peut plus labourer; ainsi ni l'âme ni le corps, une fois rompu le lien qui les unissait, ne peuvent plus rien faire isolément. » (Justin, De Resurr., n. 8, 10.)

Il dit encore ailleurs: « La ressemblance divine, d'après laquelle l'homme a été créé, se rapporte nécessairement aussi à la forme et à la nature du corps humain. Car, suivant la Genèse, c'est aussi dans sa chair que l'homme a été formé à l'image de Dieu. En conséquence n'est-il pas absurde de prétendre que cette chair façonnée par Dieu même, à sa propre image, ne soit qu'une matière vile et sans prix. >> (Justin, Cohort. ad Græcos, n. 38.) Irénée (Adv. Hæres., 1. Vch. Vi affirme la même doctrine: «L'homme tout entier, non une partie de l'homme, est fait à la ressemblance de Dieu. Or l'âme et l'esprit peuvent bien être une partie de l'homme, mais non l'homme tout entier. L'homme parfait est comme un mélange, c'est l'union d'une âme avec

cette chair qui a été créée à la ressemblance de Dieu. »> C'est la croyance générale. Lactance l'expose particulièrement dans les Clémentines. Tertullien y revient à plusieurs reprises: « Il faut, dit-il, que les corps se représentent aussi, car l'âme ne peut sentir qu'autant qu'elle est unie à une matière qui la fixe, c'est-à-dire à la chair 1. » (Apol. chr., XLVIII. Cf. Arnobe, Adv. gentes, 1. II.)

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C'est que en effet jamais ni les Juifs, ni Jésus et ses disciples n'ont conçu l'idée de la spiritualité ou de l'immatérialité de l'âme, non plus que les Pères de l'Église primitive. Sur la foi de la Bible la plupart attribuaient un corps à Dieu lui-même, mais aucun n'imaginait l'âme comme immatérielle. Tous ceux des trois premiers siècles en particulier professent à cet égard l'opinion de Tertullien, qui en a fait même un dogme de foi.

Il fallait donc de toute nécessité que la résurrection des corps accompagnât celle de l'âme. Or comme la résurrection ne devait pas se produire immédiatement après la mort, il fallait bien admettre que les âmes, en attendant qu'elles fussent appelées à s'unir de nouveau à leur corps, fussent mises en réserve dans un lieu particulier, et condamnées à une sorte de sommeil qui suspendait toute per

1 On peut encore consulter sur ce sujet Haag, Histoire des dogmes chrétiens, 2e partie, pages 99-100.

2 « Deus ne esse quidem potest, nisi habens per quod sit. Quum autem anima sit, habeat necesse est aliquid per quod sit. Si habet aliquid per quod sit, hoc erit corpus ejus. Omne quod est corpus est sui generis. Nihil est incorporale, nisi quod non est. (Tertull. De Carne Christi, x1.) Ailleurs, Advers. Praxeam, vII) il dit encore: « Quis enim negabit Deum corpus esse, etsi Deus spiritus est ? Spiritus enim corpus sui generis in sua effigie». (Cf. Malebranche. De la recherche de la vérité I. I, ch. xII, 3.) M. Guizot (Hist. de la civilisation en France, t. 1, p. 160, 161) cite plusieurs passages qui prouvent que dans les premiers siècles et chez les Pères de l'Eglise la matérialité de l'âme était une opinion non seulement admise, mais dominante. Cf. également E. Haag, Hist. du Dogme chrét., 2° partie, p. 69-70.

sonalité. Ce lieu était sous terre. C'est là que se rendaient les âmes des fidèles qui « s'endormaient dans le Seigneur >> en compagnie des fidèles Israélites, morts avant la naissance du Christ. C'est là que, pendant les trois jours qui séparèrent sa mort de sa résurrection, descendit Jésus, pour les tirer un moment de leur sommeil et leur annoncer l'Évangile; c'est là que les apôtres les ont baptisés.

En quoi devait consister essentiellement ce royaume de Dieu dont l'approche excite le zèle et exalte l'âme mystique de Jésus? Au fond c'est en tout cas la réparation promise aux misères de la race juive. C'est elle qui deviendra la maîtresse du monde et qui dominera parmi les nations, soit qu'elle se venge par la force et par la conquête de tous les peuples qui l'ont maltraitée, soit que son Dieu, en étendant par sa seule volonté son culte à tout l'univers, le soumette tout naturellement à la nation élue.

Sur ce point Jésus ne s'explique guère; il s'en rapporte aux prophéties, et il semble les accepter en bloc. Dans Matth. XIX, 27-28, il nous montre « le fils de l'homme siégeant sur le trône de sa gloire, pendant que ses douze apôtres. seront aussi assis sur douze trônes, jugeant les douze tribus d'Israël. » L'Apocalypse est remplie d'images de guerres, de dévastations:

« Je vis ensuite le ciel ouvert; et voilà un cheval blanc. Celui qui le montait s'appelait le Fidèle et le Véritable, qui juge et combat avec justice. Ses yeux étaient comme une flamme de feu; et sur sa tête étaient beaucoup de diadèmes;... il était vêtu d'une robe teinte de sang, et le nom dont on l'appelle est la Parole de Dieu. Les Armées qui sont dans le ciel le suivaient sur des chevaux blancs, vêtues d'un fin lin, blanc et pur. Et de sa bouche sort un glaive à deux tranchants pour en frapper les nations; car il les gouvernera avec un sceptre de fer, et c'est

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