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ARTICLE VI.

Soupirs d'une ame qui defire de voir Dieu.

Ufquequò Domine, avertis faciem tuam à me ? Pfalm. 12.

Jufques à quand Seigneur, vous détournerez-vous, & vous cacherez-vous à mes yeux ?

U êtes-vous, Seigneur, où êtesvous? Où vous chercherai je? Où pourrai-je enfin vous trouver? Vous êtes préfent en tous lieux, & je ne vous vois point: une lumiere inacceffible envizonne votre trône éclatant mes yeux, mes foibles yeux ne fçauroient pénétrer jufqu'à vous. Mes defirs vous appellent; mon cœur s'élance en vous cherchant, vers le centre de fon bonheur; mon ame impatiente jette de tous côtés d'avides regards; mais hélas! elle ne vous apperçoit nulle part. Où êtes-vous donc encore une fois, divin objet de toutes mes recherches?

Créé pour vous connoître & pour vous aimer, créé pour vous voir, pour

vous pofféder; pourquoi différez-vous de remplir une fin fi digne de votre bonté & de mon attente?

O rigoureufe abfence! ah que vous me coûtez de foupirs & de pleurs ! Enfermé dans ce corps mortel, je languis après le moment qui me rendra à celui que mon cœur adore. Tel qu'un ruiffeau éloigné de fa fource, j'erre fans fçavoir où je vais. Tel qu'un voyageur égaré, qu'une fombre nuit enveloppe, je porte mes pas incertains, fans appercevoir où ils peuvent

tendre.

Hélas, pourquoi rencontrai-je en tous lieux des objets importuns que je hais, tandis que je ne vois point ce que j'aime !

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O le Dieu de mon cœur! O la lumiere de mes jours! O la vie de mon ame! Pourquoi ne vous montrez-vous point à moi tel que vous êtes en vousmême ? Pourquoi faut-il qu'un voile impénétrable cache à mon iufte empreffement vos amabilités & vos perfections infinies.

O infortuné que je fuis, quelle main ennemie m'a donc ravi mon efpoir le plus cher ? O péché! O funefte péché! Oui, c'est toi qui me dérobes la vue

d'un bien fi doux, d'un objet fi charmant: c'est toi, c'eft toi, qui nous as tous perdus. O Adam, qu'avez-vous donc fait? Hélas! depuis ce moment fatal, déchus de notre premier état; triftes, bannis, exilés, nous errons au milieu d'une nuit profonde, où nous ne fçaurions appercevoir notre Dieu.

Pouvons nous, fans frémir, jetter les yeux fur le fort déplorable où nous avons été réduits par le péché?

Vous nous aviez faits à votre image, Seigneur, impaffibles, heureux, immortels; honorés de votre préfence & de votre amour, nous ne devions comp. ter nos jours que par vos bienfaits nous ne devions..... Mais pourquoi rappeller un trop doux fouvenir? Qu'estce que je prétends, en me tranfportant en efprit dans ce jardin délicieux, què la main du Créateur elle-même avoit pris plaifir d'orner pour être l'heureux féjour de nos premiers parens? Hélas, l'homme coupable peut-il, fans témérité, contempler la demeure de l'hom

me innocent?

O douleur ! O funefte effet d'une défobéiffance odieufe!

Oui, l'homme s'eft privé lui-même de tous les biens. En lui en promer

tant

tant de plus grands, l'orgueil les lui a tous ôtés,

Malheureux que nous fommes; le jour qui nous voit naître, voit couler nos larmes; & nos années ne fe multiplient que pour multiplier auffi nos peines & nos dangers.

O Dieu Rédempteur! c'eft à vous à qui je m'adreffe, daignez nous regarder d'un œil de pitié. Et puifque vous avez voulu, au prix de votre fang, nous faire rentrer dans nos premiers droits, ne fouffrez pas que je perde le fruit d'un bien qui vous a tant coûté; ne permettez pas que je fois privé plus long-tems de votre préfence adorable! O l'unique vœu de mon cœur ! vous pouvez feul fixer mon fort & calmer mon inquiétude.

Si je ne vous vois point, rien ne fçauroit me plaire : tout ce qui exifte autour de moi, me devient importun; la nature entiere ne m'offre rien dont je puifle jouir: fans vous hélas ! qu'estce que la lumiere du plus beau jour ? Qu'est ce que l'air le plus pur & le plus férein? Qu'est-ce que le monde avec toutes fes productions les plus rares? Non, tout ce qu'il y a de charmes de fplendeur, d'harmonie dans l'uni

B

vers, n'eft qu'une légere portion, ou; plutôt une ombre imparfaite de ces. biens dont vous êtes la fource & la plénitude. La gloire, la beauté, la félicité ne font que de foibles rayons de votre émanation. Paroiffez donc, divin objet de mes adorations; montrez-vous enfin à mes yeux; faites moi voir votre bienaimé.... Filles de Jérufalem apprenezmoi le lieu où il repofe. Céleftes intelligences à qui il eft donné de contempler face à face ce divin Soleil de justice, daignez vous intéreffer pour un exilé qui ne fait qu'errer au milieu des ténébres de cette trifte mortalité.

Venez, Seigneur, ne différez pas plus long-tems de vous montrer à mon ame abattue. Laiffez-vous toucher par mes pleurs. Laiffez-vous appercevoir par mes fens. Mais que dis je, & où m'emportent mes vœux ? Des yeux mortels pourroient-ils foutenir,ô mon Dieu, l'éclat de votre vifage immortel!non, vous nous l'affurez vous-même; l'homme ne fçauroit vous voir fans mourir. Que je meure donc, que je meure, afin de vous voir, puifqu'aufli bien je meurs de trif reffe & d'amour,fije ne vous vois point, ô ma béatitude, ô ma gloire & ma vie!

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