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fira-t-elle enfin pour vous ouvrir les yeux? Cœurs endurcis, en eft-ce assez pour vous toucher? En croirez-vous de fi juftes allarmes ?

Quand les morts eux-mêmes fe levent, ne fortirez vous point du rombeau de vos vices? Ne vous reveillerez-vous point au bruit de cet épouvantable tonnerre ? ou, regarderez-vous d'un œil fec, le fort cruel qui vous attend? Serez-vous plus froids, plus infenfibles que la mort même; plus fourds, plus impitoyables mille fois à votre ame, que l'enfer ne le fera à tous les cris des damnés.

Grand Dieu, l'idée feule de cette catastrophe terrible, me faifit d'horreur & d'effroi; la parole me manque; une fueur froide coule de tout mon corps; mes yeux fe couvrent d'un épais nuage; je deviens immobile & mon cœur eft prêt à m'abandonner. Rien ne peut raffurer mon ame épouvantée ; elle fuccombe fous le poids d'une crainte trop bien fondée, fi vous ne vous hâtez de me tendre la main, en m'offrant le fecours de votre miféricorde éternelle, & le prix du fang de mon Rédempteur.

L

ARTICLE XI.

L'Enfer, & les regrets que caufe aux réprouvés la d'un bonheur fuprême.

perte

Mortuus eft dives, & fepultus eft in inferno. Luc. c. 16.

Le riche mourut & fut enféveli dans l'enfer.

LA MORT, qui arrache avec violence le riche pécheur à fes biens, n'eft-elle donc pour lui qu'une peine légere? Ses coups, l'effroi de la nature, ne font-ils donc qu'un foible effai du courroux terrible d'un Dieu vengeur ? L'enfer ouvre encore fes abîmes pour l'engloutir à jamais. L'enfer.... que vois je! Un océan de feux au milieu d'une nuit éternelle. L'avare, le volup tueux, l'ambitieux, plongés dans des gouffres de flammes, dont ils font l'unique aliment, & la proie toujours renaiffante.

Quels cris confus! quels cris épouvantables glacent mes fens ! qu'entends-je, c'eft la voix de la rage & du

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défefpoir; c'est le langage du blafphê-me; c'eft l'expreffion & le vif fentiment de la douleur & de la cruauté ce font les atteintes aiguës d'un ver rongeur, qui ne meurt point; ce font les fifflemens horribles de ces ferpens qui déchirent leur cœur, & le reproduifent fans ceffe.

Vains plaifirs, frivoles honneurs biens périffables, biens fragiles, estce donc là l'affreufe deftinée que vous faites à vos partifans infenfés?

Le voile qui couvroit leurs yeux, eft tombé pour toujours. O bien fuprême ils reconnoiffent enfin que vous étiez feul digne de leur empreffement & de tous leurs foins; mais ô trifte & tardive connoiffance!

Le Dieu qu'ils ont perdu fe montrera à eux avec tous les attraits; il fera briller à leurs yeux, toute fabeauté, toute fa magnificence, pour exciter dans eux les plus vifs mouvemens d'un amour violent & jaloux.

Tel qu'un trait décoché par une main puiffante, leur cœur s'élancera vers lui; mais toujours repouffés par d'éternels obftacles, ils retomberont à l'inftant dans le fein de la rage, & fe confumeront fans espoir.

Leur deftin déplorable eft fixé pour toujours loin de l'objet divin qui caufe leurs tranfports. Sa bonté, fa richeffe augmente leur mifere; fes charmes infinis aigriffent leur douleur, & le Ciel en courroux les tourmente par fes dédains, beaucoup plus cruellement que l'enfer.

Dieu Rédempteur, eft-ce donc là le lieu dont votre fang leur avoit tracé le chemin?

O douleur! ô regrets plus amers mille fois que l'enfer avec tous fes fup. plices! Ils ont, oui, ils ont, par leur faute, rendu inutiles vos foins les plus chers.

Ils ont allumé par leurs crimes les feux qui les brûleront éternellement. Votre miféricorde vouloit leur faire le fort le plus heureux, le deftin' le plus doux ; elle avoit mis pour cela, dans leur cœur, des defirs de bonheur & de gloire que rien de créé ne pouvoit remplir, & qui les avertiffoient continuellement de s'élever jufques à vous. Ils ont conftamment méprifé ces inspirations de votre grace; ils ont forcé votre juftice à éternifer leur malheur. Leur peine égale leur malice, otre colere a fuccédé à votre amour;

ils ont bravé votre patience; ils épuifent tous les traits de votre cour

roux.

Qui pourra concevoir, s'écrie le

*

*P. 89. Prophete, ou qui pourra compter les effets terribles de la fureur d'un Dieu justement irrité! Malheureufes victimes de fes vengeances! Vous porterez à chaque instant tout le poids de l'éternité.

Profitez, ô mon ame! profitez d'une fi frapante leçon; inftruifez vous quand il en eft encore tems!

O ténébreux abîme! ô fombre lueur de l'enfer! vous m'éclairez, & je ne veux plus vous perdre de vue. O ́malheur fans égal & fans bornes, vous allez déformais affnrer mon bonheur.

Séjour du crime & de la fraude, vous allez devenir l'azile de mon innocence & de ma vertu. Flammes vengereffes & dévorantes, vous chafferez, vous éteindrez le feu impur qui voudroit embrafer mon cœur.

Larmes infructueufes & tardives, vous me ferez répandre d'utiles pleurs. O fouverain bien! ô pures délices! ô gloire dont la perte fait la plus fenfible peine de l'enfer ; que j'apprenne à vous defirer, à vous chercher & à vous

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