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Monfieur le grand doyen nous montra dans un des collateraux de la nef, l'endroit où l'on croit que le faint évefque Frederic a efté enterré, il n'y a aucune epitaphe, ny aucune infcription, ny rien qui défigne le lieu d'une fépulture, & nous trouvons au contraire dans un ancien auteur qui a écrit fa vie, qu'on ne fçait point le lieu où il a efté enterré. Voicy comme il s'exprime: Multa & alia per fervum fuum Dominus miracula operari dignatus eft, que à quodam clerico fcripta fuerunt ; fed ea reperire numquam potui. Hæc autem quæ fuperiùs continentur, Nonnus Renerius hujus monafterii monachus, qui tunc temporis præfens fuit, defcripfit, ut fermo viri Dei impleretur, qui multis eum miraculis, poft obitum fuum illuftrari prædixit; & licèt tanta circa fepulcrum ejus Dominus mirabilia monftraverit, locus tamen fepultura ejus modo ab omnibus ignoratur, quia quamvis in ecclefia antiqua fepultus fuerit, in nova ecclefia quæ modo cernitur,fuit forte fepultura ejus, aut juxta murum, aut in an. gulo aliquo cafu contigit, & fic à memoria hominum excidit. Voila quel eft le fort des grands hommes; mais Dieu fçaura bien le retrouver au jour du jugement, pour le faire paroître avec gloire à la face de tout l'Univers. On voit encore dans la nef la chaire où faint Bernard a prêché, & une couronne femblable à celle qui eft au milieu du chœur de faint Remy de Rheims. Dans le fond de la nef eft l'ancien choeur, qu'on croit eftre le lieu même où faint Lambert a fouffert le martyre. Les tréfonciers y vont encore en proceffion, & y font l'Office, lorfque, felon la coutume du pays, on expofe le Saint Sacrement dans la nef. Il y a plufieurs fépultures de perfonnes de diftinction, qui fe font fait un honneur de mêler leurs cendres dans cette terre, qui avoit esté arrofée du fang du faint Martyr.

Nous paffames de-là à l'églife des Jefuites, où il y avoit mufique & une grande fefte pour le jubilé d'un congre. ganifte, qui avoit depuis cinquante ans frequenté les af femblées de pieté de ces Peres, C'étoit notre deffein d'y voir la bibliotheque; mais on étoit trop occupé aux réjoüiffances de cette fefte. Cela nous donna occafion d'al

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S. Laurent.

ler chez les Carmes, qui ont un tres - beau cloître, où l'on voit leur fondation & leur nécrologe. Nous allâmes enfuite voir l'eglife collegiale de faint Paul, qui pafse pour la plus belle de la ville, elle eft effectivement tres. délicate, fort ornée, & toute pavée de marbre.

Le lendemain, qui étoit un vendredy, monfieur le grand doyen nous fit l'honneur de nous donner à dîné, & nous fit en même temps bien des offres de fes fervices. Le famedy dixiéme Septembre, monfieur de Louvrex voulut auffi nous donner à dîné, & après le dîné il nous mena aux Auguftins. On celebroit ce jour-là la fefte de faint Nicolas de Tolentin, & nous affiftâmes aux complies, qui furent chantées en mufique, & fuivies de la benediction du Saint Sacrement. Nous vîmes la biblio theque, qui eft tres-peu de chofe; mais les jardins font tres-beaux.

Après avoir paffé environ quinze jours en l'abbaye de L'Abbaye de faint Jacques, nous fumes à celle de faint Laurent, qui eft hors de la ville, fur une petite élevation, que les anciens appelloient Mons publicus. Sa fituation eft des plus agreables qu'on puiffe s'imaginer. La vûe y eft charmante, on y découvre toute la ville: & ce qui eft de plus avantageux, c'eft qu'il eft facile d'y découvir le ciel des yeux de l'ame. Les Religieux y vivent dans une grande regularité, qui s'y maintient depuis plufieurs fiecles dans toute fa vigueur, le filence, la retraite, la pauvreté, l'o. béïffance, & toutes les vertus religieufes y font pratiquées avec beaucoup de pureté. Ils fe levent tous les jours à trois heures, pour chanter matines; & felon une ancienne pratique de l'Ordre, avant de les commencer, ils font tous trois oraifons devant l'autel, trois après Prime, & trois après Complies. Ils mangent de la viande trois fois la femaine, mais jamais le foir. Ils ont trois refectoires, l'un pour le maigre, qui eft tres-grand, tresbeau, & orné de peintures: un pour le gras,qui eft plus petit: & le troifiéme pour les jours de minutions, où il eft permis de parler. Le filence eft inviolable dans le cloître, dans le chapitre, & dans le refectoire. Ils parlent tous les jours

pendant une heure après le repas; mais depuis le dîné jufqu'à quatre heures, les portes du monaftere font fermées, pour éviter les vifites des féculiers, qui prennent ordinai rement ce temps pour aller voir leurs amis. Ils ne fouffrent point parmy eux le peculium, perfuadez de ce qu'écrit un de feurs auteurs, que rien n'eft plus capable de ruiner un monaftere de fond en comble, & pour le fpirituel, & pour le temporel, que la proprieté. Pour cet effet, l'abbé a un grand foin de pourvoir aux néceffitez de tous les religieux. Il eft jeune, mais il a la maturité des vieillards. Fl n'éxige rien de fes freres, qu'il ne pratique lui-même; il les éveille lui-même tous les jours pour matines, mange avec eux au refectoire, & leur montre par fes actions tout ce qu'ils doivent faire pour être bons religieux. Il avoit onze novices, tous fujets d'efperance, aufquels il se difpofoit de donner un fçavant maître pour les élever dans les fciences, après leur profeffion. Son prédeceffeur avoit amaffé une des meilleures bibliotheques qui foient à Liege, il continuë d'y mettre de bons livres. Nous y vîmes un grand nombre de manufcrits tres beaux & tres-anciens, fur toutes fortes de matieres; la plupart neanmoins font des ouvrages des Saints Peres. Il y en a plufieurs du bienheureux Rupert, qui avoit efté tiré de faint Laurent, pour gouverner le monaftere de Tuit, prês de Cologne. Voicy ce qu'on lit de luy en deux manufcrits d'un caractere d'environ trois cens ans: Liber domni Roberti, abbatis monafterii fancti Heriberti in Tuitio juxta Coloniam, primo monachi faniti Laurentii prope Leodium,ubi ab infantia fuit oblatus, nutritus & eruditus. Anno MCXIII. in abbatem promotus, obiit anno Domini MCXXVII, & in Tuitio requiefcit : ce qui ne s'accorde pas avec un épitaphe qu'on nous montra, & qu'on nous dit être tirée du mo. naftere de Tuit même; elle eft d'une main recente, & conque en ces termes: Anno Domini MCXXXV. IV. Nonas Martii, obiit venerabilis pater & dominus Rupertus abbas hujus monafterii, vir doctiffimus atque religiofilimus, ut in libris fuis quos edidit claret apertiffimé. Nous ne fçavons pas quand cette épitaphe a efté faite, ny d'où elle a efté co

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piée, & nous ne l'avons pas trouvée à Tuit, où on ne Içait pas même où il a efté enterré, quoiqu'on croye que c'eft dans le cloître. Outre les ouvrages de Rupert, on nous montra un livre affez confiderable de Confenfu Evangeliftarum, compofé par Vvafelinus abbé de faint Laurent, qui vivoit dans le douzième fiecle. C'est apparemment ce Vvazelinus dont le pere Mabillon nous a donné une excellente lettre de Continentia conjugatorum, adreffée, non pas à l'abbé de Florine, comme il a dit mais à l'abbé du monaftere de Flonne de l'Ordre de faint Augustin, à quatre lieues de Liege comme nous avons lû dans le manufcrit de faint Laurent, qui est écrit du temps de l'auteur. Je ne sçay pas fi ce n'est pas ce Vvazelinus; premierement prieur de faint Jacques, à qui Raimbault chanoine regulier a adressé quelques uns de fes ouvrages, pour les corriger. On peut voir fes Lettres, que nous avons imprimées au premier tome de nos Anecdotes. Ces petites remarques m'obligent d'en faire encore deux fur les manuf.. crits de faint Laurent. La premiere eft, que la lettre de Berenger ad Eremitas, imprimée au premier tome de nos Anecdotes, fur un manufcrit de l'abbaye d'Alne, se trouve dans un manufcrit de faint Laurent, fous le nom de Be. renger archevêque: Berengarii archiepifcopi. La feconde, qu'au commencement d'un manufcrit des fix livres de faint Jerôme fur le prophete Jeremie, on lit ces mots: Nota quod gloriofus doctor Hieronymus fcripfit xx. libros fuper Jeremiam prophetam, quorum fex primi habentur in ifto volu mine; tres ultimi reperiuntur apud Regulares Septem-fontium in Brabantia: fed andecim medii non inveniuntur, quod deplorant Caffiodorus, Rabanus, & Johannes Andreas. Outre les manufcrits des Saints Peres, dont nous venons de parler, il y en a auffi plufieurs hiftoriques, un tres-beau martyrologe d'Ufuard, dont le caractere approche du temps de l'auteur : l'histoire de France de Gregoire de Tours, où il manque quelques chapitres, avec celle de Fredegaire, plufieurs manufcrits de l'hiftoire du monaftere, écrits par plufieurs auteurs qui fe font fuccedez les uns aux autres, &

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