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il fe forma dans la Grece de grandes Sectes de Philofophes qui fe moquoient des Oracles, les Ciniques, les Peripateticiens, les Epicuriens. Les Epicuriens fur tout ne faifoient que plaifanter des méchans Vers qui venoient de Delphes; car les Prêtres les faifoient comme ils pouvoient, fouvent même péchoient-ils contre les regles de la mefure, & ces Philofophes railleurs trouvoient fort mauvais qu'Apollon, le Dieu de la Poëfie, fût infiniment audeffous d'Homere, qui n'avoit été qu'un fimple mortel, infpiré par Apol

lon même.

On avoit beau leur répondre, que la méchanceté même des Vers marquoit qu'ils partoient d'un Dieu, qui avoit un noble mépris pour les regles, ou pour la beauté du ftile. Les Philofophes ne fe payoient point de cela, & pour tourner cette réponse en ridicule, ils rapportoient l'exemple de ce Peintre, à qui on avoit demandé un Tableau d'un cheval qui fe roulât à terre fur le dos. Il peignit un cheval qui couroit, & quand on lui dit que ce n'étoit pas là ce qu'on lui avoit demandé, il renverfa le Tableau, & dit

Ne voilà-t-il pas le cheval qui fe roule fur le dos? C'est ainsi que ces Philofophes fe moquoient de ceux qui par un certain raifonnement qui fe renverfoit, euffent conclu également que les Vers étoient d'un Dieu, foit qu'ils euffent été bons, foit qu'ils euffent été méchans.

Il fallut enfin que les Prêtres de Delphes accablés des plaifanteries de tous ces Gens-là, renonçaffent aux Vers, du moins pour ce qui fe prononçoit fur le Trepié; car hors de-là il y avoit dans le Temple des Poëtes, qui de fang froid mettoient en Vers ce que la fureur Divine n'avoit infpiré qu'en Profe à la Pithie. N'eft-il pas plaifant qu'on ne fe contentât point de l'Oracle, tel qu'il étoit forti de la bouche du Dieu ? Mais apparemment des Gens qui venoient de loin, euffent été honteux de ne reporter chez-eux qu'un Oracle en Profe.

Comme on confervoit l'ufage des Vers le plus qu'il étoit poffible, les Dieux ne dédaignoient point de fe fervir quelquefois de quelques Vers d'Homere, dont la verfification étoit affurement meilleure que la leur. On en

trouve affés d'exemples; mais, & ces Vers empruntés, & les Poëtes gagés des Temples, doivent paffer pour autant de marques que l'ancienne Poëfie naturelle des Oracles s'étoit fort décriée.

Ces grandes Sectes de Philofophes contraires aux Oracles, dûrent leur fai re un tort plus effentiel, que celui de les réduire à la Profe. Il n'eft pas poffible qu'ils n'ouvriffent les yeux à une partie des Gens raisonnables, & qu'à l'égard du Peuple même ils ne rendiffent la chofe un peu moins certaine qu'elle n'étoit auparavant. Quand les Oracles avoient commencé à paroître dans le monde, heureusement pour eux la Philofophie n'y avoit point encore paru.

CHAPITRE VII.

Dernieres caufes particulieres de la décadence des Oracles.

LA Fourberie des Oracles étoit trop

groffiere pour n'être pas enfin découverte par mille differentes avantures.

Je conçois qu'on reçut d'abord les Oracles avec avidité & avec joye, parce qu'il n'étoit rien plus commode que d'avoir des Dieux toujours prêts à répondre fur tout ce qui caufoit de l'inquiétude ou de la curiofité; je conçois qu'on ne dut renoncer à cette commodité qu'avec beaucoup de peine, & que les Oracles étoient de nature à ne devoir jamais finir dans le Paganisme, s'ils n'euffent pas été la plus impertinente chofe du monde; mais enfin à force d'experiences il fallut bien s'en defabuler.

Les Prêtres y aiderent beaucoup par l'extrême hardieffe avec laquelle ils abufoient de leur faux Miniftere. Ils croyoient avoir mis les chofes au point

de n'avoir besoin d'aucuns ménage

mens.

Je ne parle point des Oracles de plaifanteries qu'ils rendoient quelquefois. Par exemple, à un homme qui venoit demander au Dieu ce qu'il devoit faire pour devenir riche, ils lui répondoient agréablement, Qu'il n'avoit qu'à poffeder tout ce qui eft entre les Villes de Sicione & de Corinthe. * Auffi badinoit-on quelquefois avec eux. Polemon dormant dans le Temple d'Efculape pour apprendre de lui les moyens de fe guerir de la goutte, le Dieu lui apparut, & lui dit, Qu'il s'abstint de boire froid. Polemon lui répondit, Que ferois-tu donc, mon bel Ami, fi tu avois à guerir un Bauf? Mais ce ne font-là que des gentilleffes de Prêtres qui s'égayoient quelquefois, & avec qui on s'égayoit auffi.

Ce qui eft plus effentiel, c'est que les Dieux ne manquoient jamais de devenir amoureux des belles Femmes, il falloit qu'on les envoyât paffer des nuits dans les Temples parées de la main même de leurs Maris, & chargées de prefens pour payer le Dieu de

* Athenée

fes

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