페이지 이미지
PDF
ePub

D. N'eft-ce pas peut-être l'ignorance, ou bien la crainte, qui a établi dans le monde la foi d'un

Dieu ?

R. Ce n'eft point l'ignorance, puifque cette croyance eft, comme je viens de le dire, la conféquence des raifonnemens les plus évidens, les plus inconteftables. - Ce n'eft pas la crainte,

la

puifque la crainte n'a pu étouffer toutes les lumieres de la raifon, & rejetter toutes les démonftrations pour le faire écouter feule. 2.° Il n'est pas plus poffible de craindre raisonnablement une chofe avant d'en croire l'exiftence, que de l'aimer ou de la haïr. 3.° Quand eft-ce que la crainte a opéré cette puiffante perfuafion? Avancer des propos hiftoriques fans date, fans monument, fans auteur, eft une chofe aifée, mais qui ne contente perfonne. Toutes les hiftoires du monde parlent d'un Dieu connu par la voix de la nature. & de la raifon; aucune ne nous apprend que croyance d'un Dieu a été produite par la crainte. Autant vaudroit rapporter l'origine de cette croyance à la Sybille de Cume, ou à l'Oracle de Satyricon, Delphes. 4.° Celui qui a le premier avancé ce pa- P. 524, edit. Amftel.1669. radoxe étoit un libertin trop intéreffé à combattre une vérité redoutable aux méchants, & par conféquent un témoin récufable: c'est l'infame Petrone, appellé à juste titre Author puriffimæ impuritatis. C'est d'après lui que M. Baynal définit la Religion l'effet du fentiment de nos maux & de la crainte des puiffances invifibles (a). 5.o La crainte

(a) Hift. philof. & polit. L. 7, p. 1. En conféquence de cette odieufe définition, l'Auteur fe livre à tout l'enthoufiafme de la haine. Les tableaux qu'il trace de la Religion, font tous peints en noir, & prennent leurs

P. 387.

fi naturelle à l'homme, effet inévitable de fa foi bleffe & de fa dépendance, n'a pas enfanté la croyance d'un Dieu, mais a démontré la néceffité & l'intérêt de fon existence.

D. Ne peut-on pas croire que l'idée d'un Dieu prend fon origine dans la politique des Légiflateurs, qui ont voulu cimenter l'autorité fuprême par la foi d'un Jugc invifible & éternel?

Origine α

R. Pour le croire, il faut, 1.° détruire toutes les preuves de l'existence de Dieu; 2.° prouver cette affertion par des faits, des dates, des témoignages hiftoriques; 3.o concilier cette affertion des Athées avec la doctrine d'un de leurs chefs, qui Eai fur les nous apprend que la Divinité eft le plus grand enFréjugés, nemi des Souverains, & que fes Miniftres font leurs rivaux.... L'idée d'un Dieu & d'une Religion est antérieure à toute fociété & à toute législation; elle eft même le principe de l'une & de l'autre. « L'établissement du culte public & folemnel, dit le favant Auteur de l'Origine des Loix, eft fans contredit ce qui a le plus contribué à humanifer les Peuples, à maintenir & à affermir les Sociétés. L'existence d'un Être fuprême, arbitre »Souverain de toutes chofes, & Maître abfolu de tous les événements, eft une des premieres vérités dont toute créature intelligente, & qui veut faire ufage de fa raifon, fe fent faifie & affectée. C'eft de ce fentiment intime qu'eft venu l'idée naturelle de recourir dans toutes les » calamités à cet Être tout-puillant, de l'invoquer

des Loix, 20 des Arts &.

des Sciences, 1. part L. 1.

eh. 1, art. 1.

D

30

couleurs dans cette imagination fauffe & fombre. C'est la marche ordinaire des attaques philofophiques. Ces Meffieurs forment des fantômes, & fe fatiguent à les combattre.

dans les dangers preffants, & de chercher à s'attirer la bienveillance & fa protection par des actes extérieurs de foumiffion & de refpect. La Religion eft donc antérieure à l'établissement des »Sociétés civiles & indépendante de toute convention humaine. »

D. Quoique toutes les Nations adorent un Dieu, cette connoiffance n'eft-elle pas très-différente d'une contrée à l'autre: Et dès-lors n'eft-ce pas une métaphyfication, comme dit la philofophie du bon fens, d'employer en faveur de ce dogme le confentement général des hommes ?

R. Cent conféquences, bonnes ou mauvaises, déduites d'un même principe, démontrent que ce principe eft généralement reçu, qu'il a réuni tous les fuffrages, & opéré une conviction générale. Quelles que foient les idées qu'on s'eft faites de a Divinité, on eft convenu qu'elle exiftoit, & qu'on ne pouvoit fe refufer à cette croyance fans infulter toutes les lumieres de la raifon. Ce n'eft point là une métaphyfication, mais une réflexion très-fimple & très-intelligible. On peut le tromper en défignant l'ouvrier d'une montre, mais l'on ne peut douter qu'il y en ait un. On se fait de faufles Omnes de idées de la Divinité, dit Cicéron, mais l'on n'en Diis prava fentiunt, om profeffe pas moins fon exiftence. Toutes les con- nes noiffances dégénerent à la longue; pures & fimples e vim dans leurs fources, elles fe mêlent à proportion vinam cen qu'elles s'en éloignent, au torrent des erreurs. Il eft fent. certain que le Polythéifme n'a fuccédé qu'à la croyance univerfelle d'un feul Dieu (a). - Toutes les fois

(a) Un Philofophe toujours occupé à fe réfuter foi-mê& à contredire fes Collégues, reconnoît cette vérité, & l'exprime de la forte. « On a tenu une conduite directe

me,

tamen

effe & naturam di.

Bos loquentes

lin

Audivimus que la raison a déployéfes droits, du Japon à l'Efpa noftris in- gne, du Nord au Midi, on a parlé de Dieu comme guis magna- les Juifs & les Chrétiens. Les Grecs, les Romains, lia Dei. At les Turcs, les Chinois, &c. s'expriment en termes dignes de fa fouveraine grandeur (a). « Rien au Pind. Od. » monde, dit un des plus anciens Poëtes de la Olymp. 1,2 Grece, n'échappe aux yeux de Dieu. Sa Provi

2, II.

7. 10. Pythi. dence s'étend fur tout. C'eft lui qui nous éclaire;

5.

Hor. L. 1,

Od. 2.

Boulainvil

hers, p. 44.

[ocr errors]

il est tout-puiffant; rien en un mot n'eft fait que par lui. Un des plus beaux génies de Rome exprime la Divinité en ces termes :

Qui mare & terras variifque mundum
Temperat horis.

Unde nil majus generatur ipfo,

Nec habet quidquam fimile aut fecundum.

Diner dement contraire à celle qu'on a tenue en fait de vêtemens, » de logements & de nourriture. Nous avons commencé par des cavernes, des huttes, des habits de peaux de bêtes & du gland; nous avons eu enfuite du pain, des mets falutaires, des habits de laine & de foie filées, des mai» fons propres & commodes. Mais dans ce qui concerne » la Religion, nous fommes revenus aux glands, aux peaux T. 2, p. 219. de bêtes & aux cavernes, »- L'Auteur du Systéme de la Nature ajoute: « Le Theifme s'eft par-tout corrompu, & » a formé peu-à-peu les fuperftitions, les fectes extravagantes & nuifibles, dont le genre humain s'eft infecté. » Voyez l'Hiftoire des Caufes premieres, par M. Batteux, P. 114, 185, 399. Réfutation de l'Examen crit, des Apol. 1 part. p. 190.-Examen du Matér. T. 2, p. 9, 10. -Origine des Dieux du Paganisme, Difc. prél. - Dia. des Héréfies, T. 1, Difc prélim. p. 181.

[ocr errors]

(a) Difcours fur la Mythologie, par Ramfai, I part. -Réfutation de l'Examen crit. 2 part. p. 68. — Existence de Dieu, par M. Bullet, 2 part. p. 7. Le Libertinage combattu par les Auteurs profanes. Liv. 1, chap. 2, & fuir.

Nous avons vu depuis peu un très-ancien Mo- A _Alba nument Romain, qui portoit l'infcription fui- Julia en Tran

vante :

Jovi fummo,
Exfuperantifimo

Divinarum humanarumque rerum

Rectori,

Fatorum arbitro.

Deo magno, æterno.

L'Empereur de la Chine, après avoir protesté que fous le nom de Tien & de Chan-ti, les Chinois avoient toujours adoré le vrai Dieu (a), écrivit de fa main l'infcription fuivante pour le frontifpice de l'Eglife de Pékin.

Sur la frife.

Au vrai Principe de toutes chofes.

Sur la premiere Colonne.

Sur la feconde Colonne.

Il n'a point eu de commen

Il eft infiniment bon, & infiniment jufte; il éclaire, cement, & il n'aura point de il foutient, il régle tout fin; il a produit toutes chofes avec une fuprême autorité dès le commencement ; c'est & avec une fouveraine juf lui qui les gouverne, & qui tice. en eft le véritable Seigneur.

fylvanie.

Chinois. T. 2,

(a) M. Paw prétend que ces mots ne peuvent fignifier Recherch. le vrai Dieu, parce que le P. Martini dit que les Chinois philof. fur les n'ont pas de terme pour exprimer le nom de Dieu, Dans Egypt. & les fes principes,M. Paw devoit raifonner d'une maniere toute fect. 8, édit. oppofée. Les Chinois reconnoiffent un Dieu, felon M. Paw; de Berlin, l'athéifme qu'on leur impute eft une chimere: cependant ils p. 260. n'ont pas de terme pour dire Dieu; ils entendent donc la Divinité par les mots Tien, Ciel; Chan-ti, vertu du Ciel, Ou bien que M. Paw nous apprenne un autre mot Chinois, qui

exprime le Créateur, qu'ils reconnoiffent, & dont quelques- Pag. 200. uns parlent à-peu-près comme les Mahometans. Si nous n'avions pas dans notre Langue le nom de Dieu, ceux d'Etermel, de Tous-Puifant, de Roi du Ciel, &c. y fuppléroient.

« 이전계속 »