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vertu par préférence, par goût, par choix & li brement: or cela ne pourroit avoir lieu fans la permiffion du péché. 3. Elle ne bleffe point la bonté, laquelle confifte à vouloir & à faire du bien; or la permiffion du péché n'eft point oppofée à la bonne volonté de Dieu, elle n'arrête pas fes bienfaits, elle n'empêche jamais l'homme d'en profiter. 4. Elle ne bleffe point la fainteté, parce qu'il n'y a que la volonté ou l'action du péché qui la bleffe en effet; & que le plus bel hommage que l'on puiffe rendre à fa fainteté, eft de réfifter au pouvoir de pécher. D'ailleurs rien ne fait mieux juger de la grandeur des attributs de Dieu, que la permiffion du péché; & qu'est-ce qui nous fait mieux connoître fa fainteté infinie, que la maniere dont il a exigé que le péché fût réparé; ou fa juftice, que les rigueurs dont il le punit; ou fa magnificence & fa libéralité, que les récompenfes dont il couronne ceux qui ont triomphé de l'inclination au péché : Donc à considérer le péché relativement aux attributs divins, Dieu n'a point été obligé de l'empêcher.

D. Le crime heureux fur la terre, & la vertu dans l'oppreffion, n'eft-ce pas une vraie confufion, un mal pur & fans mélange de bien?

R. Oui, dans le fyftême de l'Athée, qui ne prévoit pas le temps où tout fera remis en fa place.

D. Si Dieu réserve ses récompenfes & fes châtiments pour l'avenir, n'eft-il pas au moins coupable d'une injuftice paffagere?

R. Il eft abfurde de foutenir que Dieu doit récompenfer une bonne action fur-le-champ, & punir le crime dès qu'il est commis. 1.o Cette conduite ne laifferoit aucun lieu au repentir; elle

ôteroit aux pécheurs les moyens de faire péni tence, & aux justes le mérite de perfévérer dans la vertu malgré fes épreuves. 2.o Elle rendroit l'homme fervile & mercenaire. Il éviteroit le mal par la feule crainte du châtiment toujours préfent, il feroit vertueux par l'appas d'un avantage temporel infaillible. 3. Souvent une action qui paroît louable, eft réellement digne de punition parce qu'elle a été faite par un motif criminel; fouvent un délit qui femble mériter les plus grands fupplices, eft pardonnable, parce qu'il a été com mis par furprise ou par erreur. Pour éviter les murmures, pour s'affujettir aux idées trompeufes des hommes, Dieu feroit obligé de faire des injustices, en récompenfant une vertu qui n'eft qu'apparente, & en puniffant févérement une furprife pardonnable. 4. Les fouffrances des juftes font fouvent la fuite d'un fléau général : faudrat-il que Dieu fafle continuellement des miracles, pour leur procurer un fort différent de celui des autres hommes ( a)?

D. Comment faut-il s'y prendre pour donner un nouveau poids aux raifons que les Chrétiens apportent pour concilier les attributs de Dieu avec l'existence du mal?

R. Découvrir l'abfurdité des fyftêmes contraires.

D. Quels font-ils?

R. Le Manichéifme & le Fatalifme. Le Manichéisme est dès la premiere vue un tissu de con

(a) Nous avons fait plufieurs réflexions fur ce sujet dans la Differtation que nous avons publiée fur les Tremblements de terre, la Pefle, les Orages, &c. A Liege, chez Ballompierre, 1771; nous y renvoyons.

tradictions

tradictions & de contes ridicules. 1.° C'eft l'idée d'un principe mal-faifant, lequel eft coéternel à Dieu, indépendant de Dieu, capable d'arrêter la toute-puiffance, la bienfaifance & tous les deffeins de la fagefle de Dieu. Cet Être mal-faifant exifte par lui-même, & il eft d'abord en cela égal à Dieu. Mais comment, ayant cette fouveraine perfection, n'a-t-il avec cela que des attributs funeftes & déteftables? Comment exiftant néceffairement, & par lui-même, ainfi que Dieu, eft-il d'une nature totalement oppofée à celle de Dieu,

2.° Comment ce monde où nous voyons regner l'ordre le plus admirable, & l'harmonie la plus merveilleufe; cù tout eft fi bien lié, où brillent de toute part les caracteres d'une fageffe infinie; comment ce monde ne feroit-il que l'effet du conflit & de l'oppofition de deux principes ennemis, dont l'un ne peut jamais s'accorder avec l'autre, dont l'un ne cherche qu'à détruire ce que l'autre fait, & qui font également puiflants; l'un

truire ce q pour établir l'ordre par-tout, &

l'autre pour porter par-tout le défordre? Com ment cet ordre, cette harmonie, tous ces brillants traits de fagefle ne feroient-ils que le refultat des combats & de l'oppofition de ces deux principes?

3. Sur quoi fondé, s'avife-t-on de dire que la matiere eft mauvaise par la nature, qu'une fubftance étendue & compofée de parties eft un principe de mal? En voyant les fervices, & les agré ments multipliés que la matiere procure, defquels l'homme peut abufer quelquefois, il eft vrai, mais dont il peut faire auffi un ufage innocent, & qu'il peut fanctifier par la reconnoiffance enyers le Créateur; la raifon ne nous fera-t-elle pas

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regarder comme une extravagance, l'idée manichéenne, qui ne nous préfente la matiere que comme l'ennemie née de la fagefle & de la vertu ?

4. Si j'examine les êtres fenfibles qui font fur la terre, je vois que depuis l'infecte jufqu'à l'éléphant, tout eft fait avec deflein, & m'annonce une fageffe infinie; que tout a fon utilité, & montre la bonté la plus attentive; que tout m'inftruit de la fécondité inépuifable de la toute - puiffance divine, & me remplit d'admiration. Si quelquefois ces êtres fenfibles font la caufe de quelque mal phyfique, la raifon & l'intelligence donnée à l'homme, lui fourniffent affez de moyens pour l'éviter ou pour le réparer : & d'ailleurs ces maux phyfiques, que font-ils en comparaison des avantages qu'on en retire, des fervices qu'ils tendent, ou des vertus auxquelles ils donnent occasion?

5. Si l'homme fuit l'impulfion de deux principes oppofés & ennemis, il n'eft pas plus louable en faifant bien, ni condamnable en faifant mal, qu'une pierre n'eft louable ou condamnable, lorfqu'abandonnée à fa propre pefanteur, elle tombe & tend vers le centre de la terre; car ce qu'il y a en lui du mauvais principe, doit néceffairement opérer le mal; ce qu'il y a en lui du bon principe, doit néceffairement opérer le bien. Il doit donc être néceffairement paffif fous ces deux puiffances. Cependant l'homme est sujet au repentir; il fent qu'il fait mal, parce qu'il le veut, & parce qu'il abufe librement de fes facultés. Si l'habitude eft violente & comme infurmontable, il comprend bien que cela eft l'effet des abus réitérés qu'il a fait de fa liberté. Il est donc faux que l'homme foit mû & conduit par deux prin cipes oppofés. Il n'eft donc pas l'ouvrage de deux

principes; & fa propre expérience lui démontre que l'hypothefe manichéenne eft la plus extravagante abfurdité.

On aura une jufte idée de Bayle, lorsqu'on réfléchira c'eft en faveur de cette belle hypoque thefe qu'il a déployé tout fon génie (a). Oppofons à les fophifmes le raifonnement d'un Philofophe Paien. Le deffeln de la nature, dit Chry

hppe, dans fon Traité de la Providence, n'a pas »été de rendre les hommes fujets aux maladies, »ce qui ne conviendroit pas à la caufe de tous les biens; mais fi du plan général du monde, qui eft très-bien ordonné & très-utile, il en réfulte quelques inconvénients, c'eft qu'ils fe font rencontrés à la fuire de l'ouvrage, fans qu'ils » aient été dans le deflein primitif, & dans le but de la Providence. Par exemple, quand la nature a formé le corps humain, l'excellence & » l'utilité de l'ouvrage deinandoient que la têté fûr compofée d'un tiffu d'offements minces & déliés; mais par-là il en réfultoit l'incommodité de ne pouvoir rélifter aux coups. Il en eft de même de la vertu; l'action directe de la nature y tend & la fait naître: mais, par une espèce de

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(a) Pour connoître ce fameux Sceptique, qu'on peut regarder comme le Généraliffime des Incrédules, voyez les différents portraits qu'en ont fait Ramfay, Crufaz, Le Clerc, l'Auteur d'un beau Difcours fur le danger des grands talents, quand ils ne font pas conduits par la fageffe; l'Au teur des Lettres fur les Anglois & fur les François; celui des Effais fur les Philofophes; Saurin, Sermons, troif. vol. Porée, Orat. de Credul, in Do&. &c. &c. — Voyez encore une Lettre critique fur Bayle, à la Haie, 1732.- Examen critique des Ouvrages de Bayle, 1747. — La Religion vengée, par une Société de Gens de Lettres, fix premiers Tomes.

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