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D. La néceffité d'une Religion est-elle auffi généralement connue, qu'elle eft incontestable? R. Il n'y a point de Peuple fur la terre qui ne rende quelque culte au Maître de l'univers. L'homme même en fe trompant dans le choix & dans l'objet de fon hommage, en fent l'obligation; fes efforts pour atteindre la Divinité, felon l'expreffion de S. Paul, expriment la voix & la pente de la nature, & marquent en même temps fa vraie deftination, & le but de fon existence dans les desseins de Dieu (a).... Si la barbarie peur aller jufqu'à l'oubli de toute Religion, elle va dès-lors jufqu'à l'extinction presqu'entiere de la raifon, & ne peut faire exception dans le confentement général des hommes fenfés. Nous avons L. 1, ch. 3; difcuté tout cela en parlant de l'existence de Dieu.

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D. PUISQUE la nature nous apprend que l'homme doit un culte à Dieu, n'eft-il pas raisonnable de fuivre les lumieres naturelles en ce qui regarde l'efpece & les régles de ce culte ?

R. Si la raison nous apprenoit l'efpece du culte, comme elle nous en apprend la néceffité, il faudroit l'écouter fans doute, & lui obéir; mais elle

(a) Fecitque ex uno omne genus hominum inhabitare fuper faciem terræ, quærere Deum, fi fòrtè attradent eum, aut inveniant. A&. 17.

S. I.

nous apprend au contraire, qu'elle n'entend rier à cet enfeignement, & qu'il faut le chercher ailleurs.

D. Comment prouvez-vous l'impuiffance de la raifon humaine dans l'enfeignement de la Religion? R. Par la nature même de cette raison, par la nature des vérités que la raifon nous enfeigne, par l'histoire de tous les fiécles, › par l'état de la Religion dans le monde entier. D. Comment prouvez-vous cette infuffifance par la nature même de la raifon humaine?

R. Quoique la raifon nous apprenne quelques grandes vérités, telle que l'exiftence de Dieu, l'immortalité de l'ame, la néceffité d'une Religion, &c. cette raison, toujours inquiete & toujours curieufe, produit des erreurs fans nombre, qui affoibliffent, & qui quelquefois même combattent la fagefle de fes leçons. Mais quand on défendroit de toute atteinte ces premieres vérités que l'efprit de l'homme adopte fans résistance, l'espace des erreurs eft encore immenfe; & la raifon en partant des principes les plus incontef tables, eft encore fujette à de grands égarements. C'est ainsi que Bayle en raifonnant fur la bonté de Dieu, a prétendu qu'il devoit fauver tous le monde en confidérant fa juftice, Calvin a cru que les hommes étoient prédeftinés aux peines éternelles: fa fainteté a perfuadé à Manès qu'il y avoit deux principes créateurs, l'un opposé à l'au tre: enchanté de fa fagefle & des ouvrages qui en portent l'empreinte, Pope a prétendu que nous habitions le meilleur des mondes poffibles, & qu'une terre de péché étoit préférable à une Bayle, Dia. terre de fainteté & de vertu. « La raison, dit un critiq. article Manichéens. homme que les Incrédules écoutent avec une

docilité

docilité merveilleufe, eft un principe de def»truction, & pas d'édification; elle n'eft propre

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qu'à former des doutes, & à fe tourner à droite Infrà L. 4. » & à gauche pour éternifer une difpute, à faire ch. 3, art. 1. connoître à l'homme fes ténèbres & fon im

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D

puiffance, & la nécéffité d'une autre révélation:

S. 7.

c'eft celle de l'Ecriture. O Dieu, s'écrie Mon- Efais, L. 2, tagne, après avoir rapporté les erreurs des Phi- ch. zz. lofophes & des Peuples Païens, quelle obligation n'avons-nous pas à la bénignité de notre fouverain Créateur, pour avoir déniaifé notre » créance de ces vagabondes & arbitraires opi»nions, l'avoir logé fur l'éternelle bafe de fa fainte parole! Tout eft flottant entre les mains » de l'homme, puis-je avoir le jugement fi flexi»ble? » Un Philofophe Païen a raifonné à-peuprès comme Montagne & Bayle. a Au milieu de nos incertitudes, dit Platon, le parti que nous avons à prendre, eft d'attendre patiemment que quelqu'un vienne nous inftruire de la maniere dont nous devons nous comporter en» vers les Dieux & les hommes. Celui qui vous apprendra ces chofes, s'intéreffe véritablement à ce qui vous regarde.... Qu'il vienne donc » inceffamment, répond Alcibiade: je suis difpofé » à faire tout ce qu'il me préfcríra; & j'efpere qu'il me rendra meilleur » (a). C'est donc la

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(a) Neceffarium eft igitur expeñare donec quis doceat, quo animo erga Deus & ergà homines effe oporteat. Alcib. Quandò verò tempus illud erit, Socrates? & quis illud docturus eft? Lubentiffimè enim viderem hunc hominem quifnam ipfe fit. Socr. Hic ille eft nimirùm qui de te curam gerit.... Alcib. Auferat five caliginem, five quid aliud voluerit. Ita enim me comparavi, ut nihil eorum que in me imperaverit, fubterfugiam, quicumque tandem fuerit vir ille,

raifon elle-même qui nous fait fentir par fes incertitudes & fes variations, la néceffité d'une révélation (a).

S. I I.

D. Comment les vérités enfeignées par la raifon, montrent-elles la néceffité d'une révélation? R. Ces vérités, pour faire une impreffion profonde & durable, pour étendre & fixer leur conféquence, ont besoin d'un développement & d'une efficace que la raifon ne fauroit leur donner. Plus il eft constant, par le fuffrage de la raison, que l'ame ne finit point avec le corps, & que l'ordre fouvent violé dans ce monde, doit être rétabli dans un autre; plus il eft jufte de recourir à une lumiere fupérieure, pour favoir avec certitude le fort de l'ame féparée du corps, & le traitement que Dieu réserve aux bons & aux méchants. La

dummodò melior fim evafurus. Plato Alcib. 2. Ce paffage, & quelques autres, ont fait croire à quelques Auteurs que Platon, éclairé d'enhaut, avoit vécu dans l'attente du Meffie, & du Législateur des Chrétiens.

(a) On peut confidérer la raison humaine comme femblable, en quelque forte, à ces palais enchantés des Poëtes, qui, dans l'étendue d'une enceinte immenfe, comprenoient des appartements magnifiques, des jardins, des forêts, des lacs, des cavernes, & des précipices. C'est un vrai labyrinthe où fe perd quiconque ne fe défie pas des galeries tortueufes de ce féjour infidieux. Le grand Architecte qui l'a fait, nous a donné un fil pour nous diriger & nous conduire dans ces contours fi multipliés & fi dangereux. Ce fil eft la foi de la révélation, l'autorité d'une Religion divine:

Hic labor ille domus & inextricabilis error;
Dedalus ipfe dolos tedi ambagefque refolvit,
Caca regens filo veftigia. Æn. VI.

raifon ne nous dit rien de précis là-deffus; & quand il s'agit de craintes ou d'espérances dont les unes doivent être le frein du vice, les autres le mobile de la vertu, & la confolation des malheurs, celles dont l'objet eft vague & indéterminé, ne peuvent produire que de foibles effets. Les hommes ont befoin pour réfifter à de violentes paffions, pour affronter de grands dangers, pour ne pas fuccomber à des maux extrêmes, pour faire des actions héroïques par des motifs purs; ils ont befoin, dis-je pour tout cela d'une perspective de l'avenir, plus diftincte & plus détaillée que la raifon ne peut la leur offrir.

S. III.

D. N'avez-vous pas dit encore, que l'hiftoire de tous les temps dépofoit contre la fuffifance des lumieres naturelles en matiere de Religion? R. Les Nations les plus éclairées & les plus

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2 part. n. s

fages, dit M. Boffuet, les Chaldéens, les Egyp- bite, fur tiens, les Phéniciens, les Grecs, les Romains, l'Hift. univ. étoient les plus ignorants & les plus aveugles page 206, fur la Religion; tant il eft vrai qu'il faut y éd. de 1681. être élevé par une grace particuliere & par une fageffe plus qu'humaine. Qui oferoit raconter les cérémonies des Dieux immortels & leurs myfteres impurs? Leurs amours, leurs cruautés, leurs jaloufies, & tous les autres excès étoient le fujet de leurs fêtes & de leurs facrifices, des hymnes qu'on leur chantoit, & des peintures que l'on confacroit dans leurs Temples. Ainsi, le crime étoit adoré & reconnu néceflaire au ≫ culte des Dieux. Le plus grave des Philofophes défend de boire avec excès, fi ce n'eft dans les fêtes de Bacchus, & à l'honneur de ce Dieu,

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