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Un autre, après avoir févérement blâmé toutes » les images malhonnêtes en excepte celles des » Dieux qui vouloient être honorés par ces infamies. On ne peut lire fans, étonnement les >>honneurs qu'il falloit rendre à Vénus, les prof»titutions qui étoient établies pour l'adorer. La Grèce, toute polie & toute fage qu'elle étoit, avoit reçu ces myfteres abominables. Dans les affaires preffantes, les Particuliers & les Républiques vouoient à Vénus des Courtifanes; & la Grèce ne rougiffoit pas d'attribuer font falut aux prieres qu'elles faifoient à la Déeffe. Après la défaite de Xercès & de fes formidables armées, on mit dans le Temple un tableau ou étoient représentés leurs vœux & leurs proceffions, avec cette infcription de Symonide, Poëte fameux: Celles ci ont prié la Déefe Vénus, qui pour l'amour d'elles a fauvé la Grèce. S'il falloit adorer l'amour, ce devroit être du moins l'amour honnête, mais il n'en étoit pas ainfi. Solon, qui le pourroit croire, & qui attendroit d'un fi grand nom une fi grande infamie! Solon, dis-je, établit à Athènes le Temple de Vénus la proftituée ou de l'amour impudique. Toute la Grece étoit pleine de Temples confacrés à ce Dieu, & l'amour conjugal n'en avoit pas un dans tout le Pays. Cependant ils déteftoient l'adultere dans les hommes & dans les femmes. La fociété conjugale étoit facrée » parmi eux. Mais, quand ils s'appliquoient à la Religion, ils paroilloient comme poffédés par un efprit étranger, & leur lumiere naturelle les abandonnoit. La gravité Romaine n'a pas traité ➡la Religion plus férieufement, puifqu'elle con» facroit à l'honneur des Dieux les impuretés du

Théâtre, & les fanglants fpectacles des gladia»teurs ; c'est-à-dire, tout ce qu'on pouvoir imaginer de plus corrompu & de plus barbare. Mais je ne fais fi les folies ridicules que l'on » mêloit dans la Religion, n'étoient pas encore plus pernicieufes, puifqu'elles lui attiroient tant de mépris; pouvoit-on garder le respect qui eft du aux chofes divines, au milieu des im» pertinences que contoient les fables, dont la représentation, ou le fouvenir, faifoit une fi grande partie du culte divin? Tout le fervice public n'étoit qu'une continuelle profanation ou plutôt une dérifion du nom de Dieu; & il falloit bien qu'il il y eut quelque puiffance ennemie de ce Nom facré, qui ayant entrepris » de le ravilir, poufsât les hommes à l'employer dans des chofes fi méprifables, & même à le prodiguer à des fujets fi indignes.... Si quelques Philofophes ofoient enfeigner que les fta»tues n'étoient pas des Dieux, comme l'entendoit le vulgaire, ils fe voyoient contraints de s'en dédire encore après cela étoient-ils bannis » comme impies, par des fentences de l'Aréopage. Toute la terre étoit poffédée de la même erreur: la vérité n'y ofoit paroître. Le Dieu Créateur du monde n'avoit de Temple ni de culte qu'en Jérufalem. Quand les Gentils y en» voyoient leurs offrandes, ils ne faifoient autre >>honneur au Dieu d'Ifraël, que de le joindre » aux autres Dieux. La feule Judée connoiffoit Notus in Ja » la fainte & févere jalousie, & favoit que parta- in Ifraël ma ger la Religion entre lui & les autres Dieux, gnum nomen étoit la détruire. » Voilà l'homme abandonné ejus. Pí. 75 entre les bras de fa raifon. Il fe précipite dans les égaremens les plus monstrueux, alliant ce

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daâ Deus:

qu'il y a de plus abominable avec ce qu'il y a de plus facré. Le feul Juif, éclairé par la révélation, Te fauve de la corruption générale. Que conclurons-nous de cet excellent tableau: Il n'eft pas besoin d'une longue spéculation pour en déduire la néceffité d'une révélation: jamais conféquence ne fut plus liée avec fon principe.

S. I V.

D. Quelle espece de preuve contre la fuffifance de la Religion naturelle, découvrez-vous dans l'é tat général du monde & la conduite de tous les Peuples?

R. La Religion naturelle qu'on voudroit fubftituer à la révélation, ne fe trouve établie dans aucune Société. Je parcours toutes les plages de la terre, je trouve par-tout des cultes appuyés fur des révélations vraies ou fauffes? me renvoyer donc à la Religion naturelle, c'est m'envoyer hors du monde. Aucune Nation groffiere ou civilifée, ignorante ou inftruite des Arts & des Sciences, ne s'en rapporte à la feule raison pour déterminer le culte dû à Dieu. Le fage Maître de l'univers exigeroit-il un culte qui n'existe nulle part? Nos Philofophes reprochent à la Religion Chrétienne de n'être pas affez répandue: leur Religion prétendue naturelle est encore à naître (a).

(a) On peut placer ici cette obfervation de M. Turretin, dans fon traité fi généralement eftimé de la Religian chrétienne : « Il y a des projets qui paroiffent beaux en idée, & qui font infoutenables dans la pratique. Celui des Déiftes eft de ce nombre, Ils forgent à plaifir des tableaux de religion naturelle, & des relations de cer

D. La Religion naturelle n'a-t-elle point été fuivie par Abraham & pas Noé? n'eft-elle pas floriflante aujourd'hui chez les Lettrés de la

Chine?

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R. 1. Si, pour montrer l'existence d'une révélation, & la réalité de notre culte, nous étions obligés de recourir à Abraham, à Noé, & aux Lettrés de la Chine, que diroient les Philofophes? Une révélation concentrée depuis tant de fiécles dans un fi petit nombre de Croyants, ne doit pas être fort propre à éclairer le genre-humain, & fon étendue ne fait pas grand honneur à l'efficace

de fes lumieres.

2. La Religion des Patriarches avoit des facrifices & des rits approuvés de Dieu. Ses do- Gen. iv, 4o. viij, 20, 21 gmes n'étoient pas feulement des leçons de la rai-xv, 9, &G.. fon, mais de Dieu même. La naiffance future du xvij, 10, 1 Meffie avoit été relevée à Adam (a), à Abra- &c.

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tains pays imaginaires, pour faire croire que l'on vivroit » heureux fous cette loi. Par malheur tout cela n'existe » que dans leur cerveau; c'est la république de Platon. Ils » n'ont pu encore trouver fous le Ciel un Peuple qui profef » sât réellement leur naturalisme : & véritablement il n'y en a point. Supposé qu'on réufsît à amener une Nation à » ce point-là, elle ne s'y tiendroit pas long-temps. Vous la » vcrriez bientôt tomber, ou dans un entier oubli de Dieu, » ou dans les dernieres fuperftitions; & pour un petit nom、 »bre d'efprits qui fauroient garder un jufte milieu, le gros » du monde iroit tout droit, ou à l'irréligion, ou à l'extra»vagance. C'est ce qui eft arrivé à tous les Peuples qui » n'ont pas été favorifés de la lumiere célefte. » Vérit, da la Relig. Chrét. T. 1, Se&t. 1, ch. 6.

(a) Inimicitias ponam inter te & mulierem, & femen tuum & femen illius: ipfa conteret caput tuum, & tu in fin diaberis calcaneo ejus. Gen. III, 15.

liers, p. 91.

8, p. 91.

ham (a). La Tradition primitive, toute récente encore, & tranfmife par un petit nombre de générations, étoit une autorité fuprême & infaillible, qui décidoit les chofes controversées, &c. &c. Il n'y a nulle apparance d'une Religion purement naturelle dans tout cela.

Diner de 3. Ces Lettrés de la Chine, que M. de V. Boulainvil- nous donne pour un excellent modèle de la RePhilof. de ligion naturelle, font de purs Athées, felon ce lift. ch. 1, même Philofophe. Voilà une alliance fort heureufe, & qu'on ne fe fût pas avifé de foupçonner. Le fait eft que ces Lettrés en général ne font ni Athées, ni Difciples de la raifon naturelle. Les uns font idolâtres, les autres adorent Dieu, & lui rendent le culte qu'ils croient le meilleur; quelques-uns font Chrétiens, quelquesuns Athées, plufieurs ne favent eux-mêmes ce qu'ils croient, ni ce qu'ils ne croient pas : il en eft comme de nos Philofophes, mais avec moins de fubtilité. Au refte, ces Lettrés Chinois ne font pas grand honneur à la Religion naturelle, fuppofé que ce foit la leur. Il n'y a point de Pays au monde où les hommes en place (qui font tous de la fecte des Lettrés) foient auffi avides d'argent qu'à la Chine, & où ils aient donné des exemples auffi atroces & auffi multipliés de toures fortes de cruautés. Ce qu'on raconte des Caligula, des Néron, des Attila, n'eft rien en comparaifon de ce qu'ont commis dans le fiécle précédent les Lift-ching, les Chingchi-cang, & les Chankien chong, qui étoient des Lettrés. Ce dernier fit périr 400,000 filles dans une occafion.

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(a) Benedicentur in femine tuo omnes gentes terræ. Gen. XXII, 18.

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