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deftinée à faire la plus douce confolation; c'eft ainfi qu'il faut concilier les deux fentiments touchant l'existence des Athées, & ne pas condamner brufquement des hommes refpectables qui n'ont pas refufé de la croire (a), ni d'autres en plus grand nombre, qui l'ont jugée impoffible.

D. N'y a-t-il pas quelque autre réflexion qui rende raifon de cette différence des fentiments qui partage les Sages au fujet des Athées?

tus in philo

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R. Cette différence peut encore venir de ce qu'on n'a point envifagé la raifon fous tous fes rapports, ni la philofophie felon tous les degrés où elle fe trouve dans les hommes. Le Chancelier Leves guf Bacon difoit que beaucoup de philofophie condui- fophia, mofoit néceflairement à Dieu; mais qu'il n'étoit peut- vere fortaf être pas impoffible qu'une philofophie fuperficielle ad Atheismum engendrât l'athéisme, parce que celle-ci, au-lieu fed pleniores de prendre l'eflor, au-lieu de s'élever, de voir en hauftus ad grand, d'embraffer l'enchaînement des parties & reducere. De leur dépendance d'un fouverain moteur, fe préci- Augm. Sc. pite, au contraire, ifole & rétrécit fes réflexions, s'attache au défordre apparent des caufes fecondes, & perd de vue la totalité des chofes avec le

(a) Le P. Bourdaloue, après avoir diftingué les Athées de volonté & les Athées de croyance, les Athées qui voudroient qu'il n'y eût point de Dieu, & les Athées qui croient qu'effectivement il n'y a point de Dieu, admet l'existence des uns & des autres: Sermon pour la Fête de S. Xavier, fin du premier Point. Le P. Tournemine doute feulement qu'il y ait beaucoup d'Athées purs & abfolus: Mém. de Trévoux 1435. M. Bergier eft du même sentiment: Examen du Mat. T. 2. chap.xj.§. 3. M. de Pompignan, Ev. du Pui, dit des véritables Incrédules en général, Athées & autres : Je ne nie pas qu'il n'y en ait de ce genre, mais je foutiens que leur nombre eft infiniment moindre qu'il ne paroît l'étre; Queft. 1. fur l'Incréd. p. 8.

Religionem

L. I.

Dei vefli principe qui les produit. L'on peut ne pas obfergia paffim effugis, ac de ver quelques traces de la Divinité, comme dit l'exlere nequis, cellent Réfutateur de Lucrece; mais il n'est pas sete illa fe poffible de les effacer toutes, & de fe cacher Antil. 1. 9. toute la marche de fes merveilleufes opérations.

quuntur.

Bayle; Dic

& crit. art, Acofta,

Si la confi lération de quelques parties de la nature ne tient pas toujours évidemment, & dans tous les efprits, à la caufe premiere; l'univerfalité des êtres, leur enfemble, leur rapport, leur deftination y attache néceffairement le Philofophe attentif & appliqué (a). L'horreur & le filence de la nature dans l'opinion de l'Athée, achevent la démonftration la plus invincible pour quiconque peut goûter la philofophie du cœur.

D. Un Auteur célèbre n'a-t-il pas paru contrezionn. hift dire ce fentiment de Bacon, & regarder l'Athéifme comme le fruit d'une philofophie profonde? a La » philofophie, dit-il, réfute d'abord les erreurs; » mais fi on ne l'arrête pas là, elle attaque la vérité; & quand on la laiffe faire à sa fantaisie, » elle va fi foin, qu'elle ne fait plus où elle est, »ni ne trouve plus où s'affeoir. On peut la com» parer à des poudres corrofives, qui, après avoir confumé les chairs baveufes d'une plaie, rongeroient la chair vive, carieroient les os, & perceroient jufqu'aux moëlles. »

R. Ce que dit cet Auteur n'eft point du tout oppofé au fentiment du favant Anglois. Ce n'est point avoir beaucoup de philofophie que d'être téméraire, inquiet, curieux à l'excès, de juger légé

(a) Ita ordinantur omnia officiis & finibus fuis in pulchritudinem univerfitatis, ut quod horremus in parte, fi in toto confideremus, plurimùm placeat, Aug. de vérâ Relig. C. 40. n. 76.

rement, de décider de tout, de méconnoître les bornes de la raifon & de l'intelligence humaine. Un peu plus de réflexion & d'expérience corrigeroit ces défauts. Ce qu'une demi-philofophie nous avoit fait rejetter, une philofophie plus formée, plus éclairée, nous le fait recevoir. Au refte, ce paffage de Bayle repréfente excellemment fa propre philofophie.

§. II.

D. Que doit-on conclure de cette controverfe qui partage les Savants fur l'existence des Athées ? R. Cette controverfe eft un préjugé des plus férieux contre l'Athéisme, & démontre combien ce systême bleffe la raifon humaine; puisqu'on n'a pu encore convenir de la poffibilité de fon exiftence. Jamais les Athées n'ont douté qu'on pût croire un Dieu; & il n'eft pas encore décidé fi l'on peut croire qu'il n'y en a point.

D. Les Rédacteurs d'un grand Dictionnaire n'ont- Dift. Ereye: ils pas affuré que l'Athée adhéroit aufli fermement att, Athée. à fon opinion, en vertu de fes fophifmes, que le

Theifte croit l'existence de Dieu en vertu des démonftrations qu'il en a?

R. Refte à ces Meffieurs à nous expliquer, 1.°à quoi fert la raifon humaine, & en quoi la vérité & l'évidence l'emportent fur des fophifmes; 2.o d'où viennent les doutes qui fourmillent dans les Ouvrages des Athées & des Incrédules en général; 3. pourquoi la vue de la mort, & fouvent une incommodité affez légere ramenent la plupart de ces Meffieurs à la créance d'un Dieu, & même à la profeffion entiere de tous les dogmes de la Foi. D. Ces doutes dont vous parlez, font-ils bien

avérés ?

R. Il n'eft pas poffible de lire les Ouvrages des Incrédules, ni d'obferver leur conduite, fans les découvrir par-tout. Lucrece, le héros & le chantre de l'Epicureifme, après toutes fortes d'attaques livrées au dogme de l'immortalité de l'âme, avoue qu'il ignore parfaitement de quelle nature elle eft:

Ignoratur enim quæ fit natura animaï.

Et ailleurs il renvoie loin de la terre cette par-
tie de l'homme qui tire fon origine du Ciel:

Cedit enim retrò, de terrâ quod fuit ante,
In terram; fed quod miffum eft ex ætheris oris,
Hoc rurfum cæli fulgentia templa receptant.

Epicure fon maître n'étoit pas plus conféquent;
Bayle remarque qu'il étoit très- inquiet de ce qui fe
pafferoit après lui; ce qui dans le fyftême de l'a-
néantiflement, eft un foin extravagant. L'extrême
crainte qu'il avoit des Dieux, fuffit pour démon-
trer combien peu il étoit perfuadé de la toute-
puiffance de fes atomes. Je n'ai jamais vu un hom-
L. 1. de nat. me, dit Cicéron, avoir plus peur de deux chofes
Deor. n. 31. dont il difoit qu'il ne falloit pas avoir peur, je
veux dire, de la mort & des Dieux. - M. de Mon-
tefquieu remarque que cette crainte eft commune
à tous les Athées. L'homme pieux & l'homme Athée
Efprit des
Loix. L. 25, parlent toujours de Religion. L'un parle de ce
qu'il aime, l'autre de ce qu'il craint. Si ces gens
font bien perfuadés; pourquoi tant d'ardeur à re-
chercher, à lire, à proner quelques nouvelles bro-
chures que l'impiété produit? Un homme bien per.
fuadé fe contente des preuves qu'il a en main,
n'en cherche pas d'autres, & croiroit perdre fon

chap. 1.

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temps à difcuter davantage une matiere fur la quelle il eft pleinement fatisfait.

L'Auteur de l'Esprit profeffe un doute univerfel, parce que, dit-il, il n'y a pas d'enseigne à l'hôtellerie de l'évidence.

art. Catéch

Un homme qui eft cher aux partisans de l'E- Dict. philz picuréifme & des Syftêmes qui en approchent, Chinois. parle de la forte dans un Dialogue vraiment Chinois pour le ton & pour les chofes :

Kou. Qui vous a dit qu'il y a une autre vie?
Cu-fu. (a) Dans le feul doute vous devez vous
conduire comme s'il y en avoit une.

Kou. Mais fi je fuis fûr qu'il n'y en a point?
Cu-fu. Je vous en défie.

Bukingham avoue que fes doutes ne l'ont jamais quitté, & qu'il les a portés jufqu'au tombeau :

Dubius fed non improbus vixi,

Incertus morior.

Voyez le Difcours de Ramsay fur

Plufieurs Spinofftes fentant que l'évidence leur échappe à tous moments dans leurs prétendues dé- Ramfay monftrations, font tombés dans une espece de la Mytholo. pyrrhonisme infenfé, nommé l'égoïsme, ou cha- gie, 1. past. cun fe croit le feul être existant.

Les autres adverfaires de la Religion, foit Athées, foit Déiftes (b), ne font pas plus fermes dans leurs aflertions. Non-feulement ils fe combattent les uns

(a) C'eft le Précepteur qui inftruit le jeune Prince. (b) Nous démontrerons, dans la fuite, que la plupart des Déiltes font de vrais Athées ou des raisonneurs inconféquents; c'eft pourquoi nous ne ferons pas toujours fort at entifs à les diftinguer.

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