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des spectateurs aussi délicats que les Français ;

rien

n'était plus près du ridicule ou de l'odieux : ces sortes d'épreuves sont la gloire d'un grand écri

vain.

Je n'appris qu'à combattre, à marcher sous vos lois. Mes chars et mes coursiers, mes fleches, mon carquois, Voilà mes passions et ma seule science;

Des caprices du cœur j'ai peu d'intelligence.

Je connais seulement la victoire et nos mœurs:

Les captives toujours ont suivi leurs vainqueurs.
Cette délicatesse, importune, étrangere,

Dément votre fortune et votre caractere.

Et qu'importe pour vous qu'une esclave de plus
Attende en gémissant vos ordres absolus?

La réponse de Gengis n'était pas moins difficile; elle a fourni à l'auteur des vers de la poésie la plus noble et la plus intéressante.

Qui connaît mieux que moi jusqu'où va ma puissance?
Je puis, je le sais trop, user de violence.

Mais quel bonheur honteux, cruel, empoisonné,
D'assujettir un cœur qui ne s'est point donné,
De ne voir en des yeux dont on sent les atteintes,
Qu'un nuage de pleurs et d'éternelles craintes,
Et de ne posséder dans sa funeste ardeur,
Qu'une esclave tremblante à qui l'on fait horreur !

C'est certainement la premiere fois, depuis que le

théâtre est épuré, qu'on a discuté de semblables idées dans une tragédie; et ce qui prouve l'art de l'auteur, c'est que la magie de son style les a tellement ennoblies, qu'on n'a pas même fait attention à ce qu'il avait risqué à les employer. En ce genre, le chef-d'œuvre de l'audace poétique est sans doute d'échapper aux yeux du plus grand nombre, comme ces édifices hardis dont la construction est au dessus des procédés ordinaires : la multitude y passe sans se douter du péril que l'art a vaincu, et l'artiste s'y arrête pour admirer ce que le génie seul a pu oser.

OBSERVATIONS

Sur le style de l'Orphelin.

I Se peut-il qu'en ce tems de désolation, etc. En général, il faut être fort sobre de ces sortes de mots de cinq syllabes, difficiles à bien placer dans nos vers, et particuliérement ceux qui finissent en ion. Ils sont très-rares dans Racine; mais surtout

ils ne sont pas faits pour le commencement d'une

piece, qui doit toujours être soigné, et prévenir favorablement l'oreille du spectateur.

2 Tandis que leurs sujets tremblans de murmurer..... Voilà un exemple de cette regle que j'ai rappelée ailleurs, et qui défend de décliner le participe présent d'un verbe quand il en régit un autre au moyen de la particule de. Tremblant, ante, est un adjectif verbal qui ne peut régir un verbe. Il fallait donc écrire tremblant de murmurer, et non pas tremblans. Mais cette faute, devenue aujourd'hui si commune partout, par une suite de l'ignorance. presque générale de la langue, ne peut être attribuée ici qu'aux imprimeurs : Voltaire ne pouvait ignorer ni violer gratuitement une regle si essentielle. 3 De nos honteux soldats les alfanges errantes,

A genoux, ont jeté leurs armes impuissantes.

Alfange est un vieux mot tiré de l'arabe, qui signifie épée. Voltaire, curieux apparemment de

faire usage de ce mot étranger, parce qu'il est sonore, l'a détourné de son acception, et l'a employé pour phalanges, bataillons, etc. Il valait mieux ne pas s'en servir; mais il fit entendre pour la premiere fois dans cette même piece un mot peu usité jusqu'alors, et qui a fait depuis une grande fortune: c'est celui de hordes, affecté originairement aux tribus errantes des Tartares. Ce mot était parfaitement à sa place dans l'Orphelin, et peut s'appliquer aussi à toute peuplade guerriere ou nomade on en a fait depuis un abus ridicule en le mettant partout, même dans le langage familier, à la place de tourbe, qui serait le mot convenable. C'est ainsi que la multitude ignorante confond et dégrade les expressions réservées pour le style noble, qui en devient tous les jours plus difficile.

Voltaire est aussi le premier (ce me semble) qui ait hasardé de franciser l'adjectif latin hyperboreus, et d'en faire le mot hyperborée ( la horde hyperborée ), mot très-nombreux et beaucoup plus commode pour la poésie, que celui d'hyperboréens, qui était seul en usage (peuples hyperboréens, pays hyperboréens).

4 Les vainqueurs fatigués dans nos murs asservis, etc. Ces

quatre vers ne font que répéter prolixement

ce que

le même personnage

vient de dire un peu

plus haut, dans ces deux beaux vers:

Les vainqueurs ont parlé : l'esclavage en silence.
Obéit à leur voix dans cette ville immense.

5 Consommer sa colere et venger son injure.
Consommer sa colere ne se dit pas plus que con-
sommer sa fureur, qui a été relevé ailleurs.

6 Sa nation farouche est d'une autre nature

Que les tristes humains qu'en ferment ces remparts. Cette épithete est ici à contre-sens. L'acteur qui parle, compare ici la civilisation chinoise à la vie sauvage des Tartarés, comme le prouve toute la suite de ce morceau. Ce n'est donc pas sous ce rapport que les Chinois peuvent être appelés génériquement de tristes humains ; et comment accorder cette expression avec ce qui est dit trois vers plus bas ?

De nos arts, de nos lois la beauté les offense. (Les Tartares.) Des peuples qui peuvent ainsi parler d'eux-mêmes et de leurs vainqueurs, ne sont pas de tristes humains, quoiqu'ils soient opprimés dans le moment où l'on parle. L'auteur a manqué en cet endroit au juste rapport, des idées : c'est le défaut le plus commun dans les mauvais poëtes, et le plus rare dans les bons.

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