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LE DIX-HUITIEME SIECLE.

SUITE DU CHAPITRE III.

Théâtre de Voltaire.

SECTION I X.

Mérope.

IL Ly a plus de deux mille ans que le sujet de Mérope est regardé comme un des plus beaux qu'il soit possible de traiter. Il a réussi chez toutes les nations qui ont eu un théâtre et qui ont connu l'art de la tragédie, chez les Grecs, en Italie et parmi nous, et il n'y en avait point de plus fameux chez les Anciens, au jugement de Plutarque et d'Aristote. Celui-ci paraît le regarder comme le chef-d'œuvre d'Euripide; il cite la reconnaissance d'Égiste et de Mérope au moment où elle est prête à immoler son propre fils en croyant le venger, comme la plus théâtrale de toutes les situations connues. Nous avons perdu cette tragédie avec tant d'autres d'Euripide; Cours de littér. Tome X.

A

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mais ce que nous savons du prodigieux succès

qu'elle eut dans la Grece, peut faire penser que c'est principalement sur cet ouvrage qu'Aristote appuyait son opinion lorsqu'il nommait Euripide le plus tragique de tous les poëtes.

la

Pourquoi ce sujet si heureux que la Poétique d'Aristote indiquait à tout le monde, s'est-il établi si tard sur la scene française, où, depuis Corneille jusqu'à nos jours, on l'avait essayé tant de fois? Entrepris successivement, d'abord par les `cinq auteurs que Richelieu faisait travailler sous ses ordres, ensuite par ce même Gilbert qui voulut faire une Rodogune après Corneille, puis par Chapelle sous le titre de Téléfonte, enfin par la Grange sous celui d'Amasis, il a fallu, pour être rempli, qu'il arrivât jusqu'à Voltaire. C'est que tous ces grands sujets de l'antiquité, qui semblent si favorables par l'intérêt qu'ils présentent, sont en même tems les plus difficiles par leur extrême simplicité. Phédre et Iphigénie n'ont pu réussir qu'entre les mains de Racine, @dipe et Mérope que dans celles de Voltaire; mais il y a entre ces deux dernieres pieces la même distance qu'entre la jeunesse et la maturité. Il faut parmi nous, pour soutenir des sujets si simples pendant la durée de cinq actes, trouver dans son talent toutes les ressources que les Grecs trouvaient dans

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s'étonner

leur systême théâtral. Il ne faut donc pas que Voltaire, à dix-huit ans, n'ait pu tirer d'Edipe que trois actes qui appartînssent au sujet, et il faut l'admirer d'avoir su, à quarante, être le seul de nos poëtes qui ait traité le sujet de Mérope avec toute la simplicité des Anciens, et fourni cette longue carriere de cinq actes, avec tout ce qu'en exigent les Modernes.

Jamais, il est vrai, l'on n'eut plus de secours : on sait toutes les obligations qu'il eut à l'auteur de la Mérope italienne, le célebre Maffei, et l'on sait par la lettre qu'il lui adresse en lui dédiant son ouvrage, qu'il n'a pas prétendu les dissimuler. Mais comme on se plaisait, malgré cet avcu, à les exagérer encore, selon la disposition naturelle au public après le grand succès d'un bel 'ouvrage, il supposa une lettre d'un inconnu, nommé la Lindelle, où l'amertume de la censure formait comme une espece d'antidote contre les louanges prodiguées à la Mérope italienne dans la dédicace de Voltaire. Le procédé n'était pas trèsloyal, mais les critiques étaient justes, et l'on doit convenir que s'il a dû beaucoup à Maffei, il doit encore plus à son génie. Voltaire a été imitateur dans Mérope et Oreste, comme Racine dans Phédre et Iphigénie, c'est-à-dire, en surpassant infiniment son modele.

Ce n'est pas que je prétende diminuer en rien le mérite du poëte italien : je regarde sa Mérope comme l'ouvrage dramatique qui fait le plus d'honneur à l'Italie après les bonnes pieces de Métastase. Mais l'examen détaillé de ses beautés et de ses défauts, qui appartient à la littérature étrangere, m'éloignerait trop ici de mon objet principal, et je me contenterai d'indiquer les emprunts les plus remarquables que Voltaire lui ait faits, et les endroits beaucoup plus nombreux où la profonde connaissance du théâtre a mené le poëte français bien plus loin que celui de Vérone.

Tous deux ont eu assez de goût pour exclure tout épisode et toute intrigue d'amour, et pour soutenir l'intérêt du sujet sans y mêler rien d'étranger.. C'est dans tous les deux un grand mérite, et si, d'un côté, l'exemple et le succès ont pu instruire Voltaire et déterminer sa marche, de l'autre on peut croire que celui qui s'était tant reproché le Philoctete de son @dipe, qui n'avait point mis d'amour dans la Mort de César, et qui n'en mit point dans Oreste, aurait eu assez de jugement pour ne le point faire entrer dans Mérope. Ce qui est certain, c'est que Maffei, en 'se passant d'épisode, laisse de tems en tems languir son action, et que dans Voltaire l'intérêt ne se ralentit pas un moment; il croît de scene en scene,

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