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porte à la dent.) Ah! il est dur comme un

diable.

LELIO.

On ne le mange pas.

ARLEQUIN.

Qu'en fait-on donc ?

LELIO.

On le donne pour des choses dont on a besoin, et l'on pourrait presque l'appeler une caution, puisqu'avec cet argent on trouve partout ce qu'on veut.

ARLEQUIN.

Qu'est-ce qu'une caution?

LELIO.

Lorsqu'un homme a donné une parole,.et que l'on ne se fie pas à lui, pour plus grande sûreté on lui demande caution; c'est-à-dire, un autre homme qui promet de remplir la promesse que celui-là a faite, s'il y manque.

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LELIO.

Je n'en ai pas besoin, moi.

ARLEQUIN.

>

Je n'en sais rien; et je voudrais caution pour te croire, après toutes les menteries que tu m'as dites. Mais cet argent n'est pas homme, et par conséquent il ne peut donner de parole; comment donc peut-il servir de caution?

LELIO.

Il en sert pourtant, et il vaut mieux que toutes les paroles du monde.

ARLEQUIN.

Votre parole ne vaut donc guère, et je ne m'étonne plus si tu m'as dit tant de menteries; mais je n'en serai plus la dupe; et si tu veux que je te croie, donne-moi des cautions.

LELIO.

Je le veux: en voilà.

ARLEQUIN.

Les vilaines gens que ceux avec qui il faut prendre de telles précautions! j'en ai honte pour lui; mais cela vaut encore mieux que d'être pendu. Parle à présent.

LELIO.

Tu vois, par ce que je viens de dire, qu'on n'a rien ici pour rien, et que tout s'y acquiert par échange. Or, pour rendre cet échange

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plus facile, on a inventé l'argent, qui est une inarchandise commune et universelle qui se change contre toutes choses, et avec laquelle on a tout ce que l'on veut.

ARLEQUIN.

Quoi! en donnant de ces breloques, on a tout ce dont on a besoin?

Sans doute.

LELIO.

ARLEQUIN.

Cela me paraît ridicule, puisqu'on ne peut ni le boire, ni le manger.

LELIO.

On ne le boit, ni on ne le mange; mais on trouve, avec, de quoi boire et de quoi

manger.

être pas

ARLEQUIN.

Cela est drôle ! tes coutumes ne sont peutsi mauvaises que je les ai crues. Il ne faut que de l'argent pour avoir toutes choses sans soins et sans peines.

LELIO.

Oui, avec de l'argent, on ne manque de

rien.

ARLEQUIN.

Je trouve cela fort commode et bien inventé. Que ne me disais-tu d'abord, je n'aurais pas

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risqué de me faire pendre; apprends-moi donc vite où l'on donne de cet argent, afin que j'en fasse ma provision.

LELIO.

On n'en donne point.

ARLEQUIN.

Eh bien! où faut-il donc que j'aille en prendre?

LELIO.

On n'en prend point aussi.

ARLEQUIN.

Apprends-moi donc à le faire ?

LELIO.

Encore moins; tu serais pendu si tu avais fait une seule de ces pièces.

ARLEQUIN.

Eh! comment diable en avoir donc ? on n'en donne point, on ne peut pas en prendre, il n'est pas permis d'en faire! je n'entends rien à ce galimatias.

LELIO.

Je vais te l'expliquer. Il y a deux sortes de gens parmi nous, les riches et les pauvres. Les riches ont tout l'argent, et les pauvres n'en ont point.

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Fort bien.

ARLEQUIN.

LELIO.

Ainsi, pour que les pauvres en puissent avoir, ils sont obligés de travailler pour les riches, qui leur donnent de cet argent à proportion du travail qu'ils font pour eux.

ARLEQUIN.

Et que font les riches tandis que les pauvres travaillent pour eux?

LELIO.

Ils dorment, ils se promènent, et passent leur vie à se divertir et à faire bonne chère.

ARLEQUIN.

C'est bien commode pour les riches.

LELIO.

Cette commodité que tu y trouves fait souvent tout leur malheur.

Pourquoi ?

ARLEQUIN.

LELIO.

Parce que les richesses ne font que multiplier les besoins des hommes : les pauvres ne travaillent que pour avoir le nécessaire; mais les riches travaillent pour le superflu, qui n'a

Comédies en prose. 2.

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