페이지 이미지
PDF
ePub

table chez moi, et qui maintenant m'accablent d'opprobres et de mépris ? ( On entend un coup de tonnerre.) J'entends le tonnerre qui gronde, et Jupiter prend ses armes. Frappe, père des Dieux, mais frappe les scélérats, et ne t'amuse pas à réduire en poudre des rochers et des arbres innocens, qui ne t'ont jamais offensé.

SCÈNE II.

MERCURE, PLUTUS ET TIMON.

TIMON.

MAIS que vois-je! je me suis retiré sur cette montagne pour m'éloigner du commerce des hommes, et j'y retrouve encore cette maudite espèce! fuyons..

MERCURE.

Arrête, Timon, je ne suis point un homme, mais Mercure, qui t'amène le dieu des Richesses Jupiter touché de tes malheurs a exaucé ta prière.

TIMON.

A-t-il écrasé mes ennemis, ou plutôt les siens? C'est toute la grâce que je lui demande, et pour ma vengeance, et pour son honneur ?

[merged small][merged small][graphic]

ment des hommes! C'est punir les méchans que de les laisser vivre, et leurs vices suffisent pour satisfaire la justice divine. Je viens pour te tirer de la misère, et par de nouveaux trésors confondre les ingrats qui t'ont si lâchement abandonné.

TIMON.

Je ne veux point de tes trésors, ils m'ont causé trop de maux; la pauvreté m'a appris à connaître les hommes et à me suffire à moi-même; bienfait qui surpasse tous les faux brillans de cet aveugle à qui je vais casser la tête, s'il ne s'éloigne d'ici.

PLUTUS.

Retirons-nous, Mercure, que veux-tu que je fasse avec cet insensé ?

MERCURE.

Il faut exécuter l'ordre de Jupiter, et l'enrichir même malgré lui; Timon, tu dois obéir aux Dieux, et recevoir avec reconnaissance les biens qu'ils t'envoient.

TIMON.

Eh! que veux-tu que j'en fasse dans cette solitude? Je n'ai besoin que de mes bras por y subsister, ce qui est une preuve invincible que mon état présent vaut mieux que celui que j'ai quitté, dans lequel j'étais esclave de mille choses inutiles; les richesses ne sont bonnes qu'à faire usage des hommes, et puis

que je renonce à tout commerce avec eux, je n'ai plus besoin des choses qui peuvent le lier; je ne méprise cependant pas les présens de Jupiter, et s'il t'envoie pour me faire du bien, accorde-moi une grâce.

MERCURE.

Et! quelle est cette grâce?

TIMON.

De donner la voix humaine à mon âne, afin que je puisse m'entretenir avec lui dans ma solitude; sa société est la seule qui me puisse plaire.

MERCURE.

Tu n'y penses pas, Timon.

TIMON.

J'y pense fort bien, il m'a servi sans intérêt dans ma prospérité, et me sert de même à présent que je suis misérable. S'il obéissait à ma voix, sous de beaux harnois, il la reconnaît encore aujourd'hui, et il reçoit d'aussi bon cœur une poignée d'herbes de ma main, qu'il recevait autrefois le meilleur froment; mes haillons ne l'ont point épouvanté, il in'aime, et me sert sans s'apercevoir que j'ai changé d'état; enfin, c'est le seul ami sinvère qui me soit resté dans mon malheur.

MERCURE.

Je sais que, si les âncs parlaient, ils pour

raient donner de bonnes leçons aux hommes. Je veux bien t'accorder ta prière; si Jupiter a commencé de t'instruire par la mauvaise fortune, il peut achever son ouvrage par ton âne; son choix seul fait la noblesse des moyens qu'il met en usage pour remplir ses vues; oui je t'accorde ta demande, et je vais métamorphoser ton âne en homme.

TIMON.

Non pas cela. La seule figure humaine me le rendrait suspect.

MERCURE.

Ne crains rien; il conservera le souvenir, et la simplicité de son premier état, à laquelle je joindrai toutes les perfections humaines, et les connaissances qui lui sont nécessaires pour comprendre ce que tu lui diras, et te rendre son commerce plus utile. Adieu; Plutus va te faire trouver chez toi de nouveaux trésors, et tu verras venir ton âne sous la forme et le nom d'Arlequin.

TIMON.

Voilà le plus grand présent que Jupiter puisse me faire; car mon âne sera assurément un homme d'honneur, son jugement est trop sain, et ses mœurs trop pures pour ne pas conserver ces avantages malgré la nature humaine.

PLUTUS.

Et moi, je vais te préparer de nouveaux trésors que tu trouveras en arrivant chez toi.

TIMON.

Si tu me crois, tu les garderas pour quelque autre.

PLUTUS.

En vain tu résistes, les hommes ne sont pas heureux ou malheureux selon leurs caprices; l'un et l'autre leur vient des Dieux.

SCÈNE III.

TIMON ET ARLEQUIN.

TIMON

Je me soucie peu de ses trésors, et je ne suis occupé que de la métamorphose de mon âne; j'estime plus sa raison, que celle de tout l'aréopage mais voici un homme singulier, c'est apparemment lui, écoutons

ARLEQUIN.

Que diable veut donc dire ce changement? comme me voilà fait! Où sont passées ces belles oreilles, cette tête gracieuse, ce corps mignon, si chéri de toutes les ânesses du pays? Qu'est devenue ma belle queue, ah! ma belle queue, vous êtes, de toutes les grâces

« 이전계속 »