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ARLEQUIN.

Quelque victoire que je n'ai jamais rem

portée.

CARICLES.

Voilà assurément un bel objet des chansons des muses ?

ARLEQUIN.

Tiens, je n'aime pas les menteries, et je veux qu'on ne chante de moi que des vérités; fais donc une ode pour chanter la victoire d'un honnête homme qui a assommé un faquin.

CARICLES.

Est-ce que cela vous est arrivé ?

ARLEQUIN.

Non, mais la chose va arriver dans un moment, car je veux t'assommer pour prix de ton impertinence.

(Il le bat, Cariclès se sauve en criant au secours.) Pardi, voilà de grands coquins. Mort-non de ma vie ! leur impudence me met dans une colère que je ne me possède pas.

TIMON.

Voilà les bons amis auquels je me fiais autrefois!

ARLEQUIN.

Tu étais donc bien bête alors?

SCÈNE V.

EUCHARIS, TIMON, ARLEQUIN.

EUCHARIS, à part,

Tour ce que je vois de Timon est une preuve de la solidité des conseils d'Aspasie, commençons à jouer notre rôle. (Haut.) Bonjour, Timon.

TIMON.

Bonjour; que me veut cette femme? Voici encore une quêteuse de trésors.

EUCHARIS.

Je suis charmée de vous rencontrer, et de pouvoir entretenir un original sans copie, qui, parce qu'il n'a fait que des sottises dans le monde, prétend en jeter la faute sur le reste des hommes; je crois qu'un caractère aussi hétéroclite me donnera du plaisir.

TIMON.

Quais ce style n'est pas commun.

ARLEQUIN.

Tu dois aimer celle-ci, elle est naturelle, et aime la vérité; n'est-ce pas ?

TIMON.

Je t'avoue que son début me surprend, je ne m'y attendais pas. Ma foi, Mademoi

selle, si mon mépris pour les hommes, et surtout pour les femmes, et pour les femmes de votre espèce, peut vous divertir, j'y consens, profitez-en bien; c'est tout ce que vous pouvez gagner avec moi.

EUCHARIS.

C'est aussi tout ce que je demande, je méprise tous les hommes, et je ne suis jamais si contente que lorsque je puis exercer ma langue sur eux; mais je ne connais point de plus grand plaisir au monde que celui de dauber sur le ridicule d'un original tel que vous.

TIMON..

Vous avez raison, il n'est rien de si doux que la satire, c'est la seule ressource qui reste à la vérité, parmi les hommes; disonsnous donc réciproquement ce que nous pensons?

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EUCHARIS.

Je le veux, et je serai charmée de pouvoir vous convaincre que vous êtes le plus fou des hommes.

ARLEQUIN.

Elle parle juste, celle-là, qu'en dis-tu ?

TIMON.

Cela peut être en vérité, Mademoiselle, je suis bien aise de vous trouver de cette humeur, et nous allons bien nous divertir; e beau champ pour moi, que le teint apprûté

d'une coquette, que ce visage composé qui a changé ses mouvemens naturels contre des grimaces! Quel plaisir de démasquer un cœur, qui sous des dehors fardés nous cache l'infidélité même! Ah! ah! ah!

ARLEQUIN.

Ah! ah! ah! Voilà une conversation qui commence à merveille.

EUCHARIS.

Le beau champ pour moi, que les discours d'un homme qui a changé sa raison pour des caprices; les sentimens humains pour de la férocité; qui toujours diametralement opposé à la raison, prodiguait autrefois follement son bien, et qui aujourd'hui s'en refuse l'usage encore plus follement ! Ah! ah! ah!

ARLEQUIN.

Ah! ah! ah! Le beau champ pour un âne, que d'entendre les hommes se dire leurs vérités! Ah! ah! ah!

TIMON.

La peste de l'impertinente.

ARLEQUIN.

Allons, ris donc, cela est tout-à-fait plaisant. Ah! ah! ah!

TIMON.

Ah! ah! Oui, c'est drôle.

ARLEQUIN.

Il me semble que tu ne ris pas de bon

cœur.

TIMON.

Pour connaître au juste l'étendue du génie d'une coquette, je ne voudrais que faire l'analyse de la cervelle d'un perroquet; connaissant sa capacité, et la comparant avec celle d'une coquette, j'aurais par une règle d'arithmétique la juste étendue de son esprit.

ARLEQUIN.

Ah! ah! ah! La cervelle d'un perroquet! Ah! ah! ah!

EUCHARIS.

Et moi, je ne voudrais que faire l'analyse de la tête d'un âne et de la vôtre pour connaître précisément jusqu'où peut aller votre bêtise.

ARLEQUIN.

Hola! madame la pigrièche n'insultez point aux ânes mal-à-propos, sachez qu'ils sont gens d'esprit, et qu'ils en savent plus que les hommes; et pour vous en convaincre, apprenez que jamais âne n'a traité une ânesse si indignement que mon maître vous traite. Oh! oh! ils sont bien mieux appris que cela, ma foi.

EUCHARIS.

Répondez-lui, si vous le pouvez ?

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