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aussi louables; et après tout, si cela lui déplaisait, nous nous passerions fort bien d'elle.

ÉRASTE.

Nous nous passerions d'elle?

LISETTE.

Cela vous étonne? Ayez meilleure opinion de vous, et, si je l'ose dire, de ma délicatesse ; si vous méritez qu'on vous aime, il n'y a point de fortune que je ne vous sacrifie; tout ceci doit se faire par degrés, au moins. Vous voyez le prix; songez à le mériter.

ERASTE, à part.

Elle n'a pas mal pris le change, et moi aussi ! Ah! je m'étonnais bien que Lucinde...

LISETTE.

J'entends quelqu'un. ( Bas. ) Peste soit de l'importun. Cette conversation, quoique préliminaire, nous allait conduire aux articles. (Haut.) Ah! c'est monsieur Mondor.

SCÈNE V.

MONDOR, ÉRASTE, LISETTE.

MONDOR.

BONJOUR, ma belle enfant, comment se porte Lucinde? Dis-moi, comment va son cœur?

En qualité de femme-de-chambre, tu dois en avoir la direction.

LISETTE.

Tout ira bien, Monsieur, c'est moi qui vous le dis.

MONDOR, à part, à Lisette.

Que fais-tu ici de ce garçon! Sa physionomie ne me revient pas. Il refusa l'autre jour un présent que je voulais lui faire, c'est un nigaud, il a l'air benêt.

LISETTE.

C'est pourtant un bon garçon; mais il y a peu de tems qu'il est dans le service, il ne sait point encore les règles. Dans le fonds, il vous honore et vous respecte infiniment.

MONDOR. :

Ah! c'est quelque chose. (A Eraste.) Cela est-il vrai?

ÉRASTE.

Vous me feriez tort d'en douter, Monsieur.

MONDOR.

Effectivement je ne lui trouve pas l'air si extraordinaire je lui crois du discernement. Oh! ça, Lisette, j'aime Lucinde, comme tu sais, et à mon âge on n'a pas de tems à perdre. Crois-tu que je puisse me déclarer ? Je n'aime point à languir, moi. Voilà la quatrième fois

que je vois ta maîtresse, et je ne lui ai point encore déclaré mon amour, quoique je l'aie aimée à la première vue ce silence respectueux mérite quelque chose. Fais en sorte que ta maîtressse m'en sache gré, et que toutes mes visites me soient comptées.

LISETTE.

Déclarez-vous, Monsieur, et je me charge du reste. Je lui parlerai incessamment de vous, je lui vanterai votre mérite. Il y a mille amans qui font plus de progrès par les services qu'on leur rend que par leur présence.

ÉRASTE.

Qu'elle est officieuse !

MONDOR.

Je vais donc m'offrir, moi, mon cœur, ma main, sans compter une fortune immense.

LISETTE.

On pourrait dire que les biens ne sont avantageux qu'autant qu'on en sait faire usage; mais je répondrai que vous êtes d'une générosité....

MONDOR.

Il est vrai que je donne de bọn cœur ; et cela me fait ressouvenir de te faire accepter cette bague.

LISETTE.

Mais, Monsieur....

MONDOR.

Prends, te dis-je, et ne fais point la ridicule pour une bagatelle semblable.

LISETTE.

Vous vous moquez, Monsieur, votre main donne un prix inestimable aux moindres présens que vous me faites, et je reçois celui-ci sans scrupule, parce que je vous regarde déjà comme mon maître.

SCÈNE VI.

LUCINDE, MONDOR, ERASTE, LISETTE

LUCINDE, à part.

CELA m'inquiète à la fin; voilà plusieurs galanteries de cette nature, que je reçois sans savoir de quelle part.

MONDOR.

Ah! Madame, je vous demande pardon de ne m'être pas plutôt aperçu de votre arrivée : je vois bien que l'amour ne donne pas le talent de deviner.

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MONDOR.

Je suis mieux que cela, Madame, je suis vrai. Je viens d'un pays ou l'on dit bonnement sa pensée. Il semble qu'on respire encore, dans cet heureux climat, un air de cette franchise et de cette droiture naturelles aux sauvages; mais sur tout, en fait d'amour. On se voit, on s'aime, on se le dit; si l'on se convient, on s'épouse. Pour moi, je trouve ce procédé charmant; et si c'était la mode, je vous demanderais sans façon: Madame, suis-je votre fait.

ÉRASTE, à part.

La délicate façon d'aimer!

LISETTE.

Que ne suis-je en Canada!

LUCINDE.

Que ce pays ressemble peu à celui dont · vous parlez ! La bouche est rarement ici l'interprête du cœur fort volontiers chacun y pense mal des autres ; mais par ménagement, bienséance ou intérêt, on se trouve obligé de déguiser ses sentimens; ce qui a fait introduire, pour la commodité du commerce de la vie, une espèce de jargon, qu'on appelle galanterie, politesse, savoir-vivre, à la faveur duquel on se dit réciproquement les choses du monde les plus obligeantes : mais c'est sus conséquence, on en est convenu, et si

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