ÆäÀÌÁö À̹ÌÁö
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Mon cœur à vous suivre s'empresse ;
Venez par votre douce ivresse

Faire ma félicité :

Chez vous tout est adorable :
Je ne vois rien de condamnable
Sous les lois de la Volupté.

(Les Passions à la tête desquelles est la Volupté, s'emparent d'Arlequin, et dans un ballet caractérisé elles l'entraînent par leurs mouvemens; il cède à leurs impressions, et se jetant dans les bras de la Volupté, il part déterminé à faire tout ce que Mercure veut.)

FIN DU PREMIER ACTE.

SCÈNE I.

TIMON, seul.

JE cherche Eucharis; la franchise avec laquelle elle m'a dit ce qu'elle pensait de moi, m'a fait plaisir; rien n'est plus ordinaire que l'adulation pour les personnes riches et de qui l'on croit avoir besoin; mais rien n'est plus rare que de voir des gens leur dire en face ce qu'ils pensent d'eux. La voici.

SCÈNE II.

TIMON, EUCHARIS.

EUCHARIS.

Je suis charmée de vous rencontrer pour vous faire part d'une scène qui m'a divertie, et que je crois digne de votre censure.

TIMON.

Je puis vous faire paroli par d'autres qui m'ont épouvanté.

EUCHARIS.

Tant mieux; nous allons done bien nous divertir; car les sottises des hommes sont un revenu réel pour des esprits misantropes comme les nôtres, et de tels fonds sont

plus précieux pour nous que de l'argent comptant.

TIMON.

Je le croyais avant de vous connaître, mais depuis que je vous ai vue, j'ai changé de sentiment; je sens que le plaisir de vous aimer l'emporte sur tout.

EUCHARIS.

Est-ce Timon qui me parle?

TIMON.

Distinguez Timon auprès de vous, de Timon avec le reste des hommes, avec tous les autres, misantrope, avec vous, le plus tendre...

EUCHARIS.

Vous souvenez-vous de ce que vous m'avez dit tantôt ?

TIMON.

Oui; mais mon cœur veut me persuader que je vous fesais une injustice.

EUCHARIS.

Le croyez-vous, ce cœur?

TIMON.

A vous parler franchement, je ne sais pas trop si je le dois croire; vous êtes d'une espèce à craindre et d'un sexe trompeur qui nous cache ordinairement sous les fleurs les

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plus cruelles épines; je le sais, mais enfin je n'ai pû résister au pouvoir de vos charmes.

EUCHARIS.

Si je pouvais douter de votre folie, ce que Vous venez de me dire achèverait de m'en persuader.

TIMON.

Vous avez raison, et je m'étonne moimême des écarts de mon esprit ; je sens qu'une vaine illusion me séduit, car enfin qu'est-ce que j'aime en vous? Je me laisse éblouir par des voiles trompeurs dont la jeunesse des fleurs passagères couvre vos défauts; le tems va bientôt emporter ces vains avantages pour ne laisser à leur place que vos faiblesses sous les rides et sous les traits de laideur que la vieillesse leur ajoutera.

EUCHA RIS.

Cette déclaration est tendre.

TIMON.

Elle est de Timon; si ma franchise vous offense, elle est en même tems une preuve de la sincérité des sentimens que je vous marque.

EUCHARIS.

Te les crois aussi sincères que vous le dites, mais je vois clairement que vous cedez malgré vous à un sentiment qui vous fait violence;

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la passion le produit, et cette même passion satisfaite lui ferait bientôt succéder la haine et le mépris; nous avons tous nos défauts; j'ai les miens comme les autres, et si je donne jamais mon cœur, ce ne sera qu'à celui que je croirai propre à me les pardonner.

TIMON.

La crainte que j'ai de vous en trouver me fait croire que je pourrai vous les pardonner.

EUCHARIS.

Que ce discours est obligeant! Si vous me marquez si sensiblement que vous doutez vous-même de votre complaisance, puis-je y faire quelque fondement ?

TIMON.

Si vous y en pouvez faire, ce n'est que sur la franchise avec laquelle je vous fais voir jusqu'au fond de mon cœur.

EUCHARIS.

Pour vous rendre franchise pour franchise, je vous conseille de ne parler jamais de tendresse; vous m'embarrassez, et je vous avoue que les injures que vous me disiez tantôt, me paraissent des douceurs auprès de ce que vous venez de me dire. Adieu, vous ne pouvez me plaire que par vos traits de satire.

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