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quelqu'un était assez dupe pour prendre ces complimens au pied de la lettre, on l'accuserait de ne pas savoir son monde.

MONDOR.

La parole n'est faite que pour exprimer ce qu'on pense, et voici le fait. Un heureux hasard m'a fait lier connaissance avec vous: la lettre dont votre oncle le gouverneur m'a chargé me l'a procurée. Vous m'avez permis de vous rendre mes devoirs, j'ai cru ne pouvoir mieux faire que de vous aimer, parce que j'y trouve un plaisir inexprimable. Je puis donc vous offrir, avec ma main, le partage de cent bonnes mille livres de rente. Si j'étais jeune, je vous crois si désintéressée, que je ne vous parlerais pas de mon bien; mais je commence à ne l'être plus. Il vous faut un prétexte pour m'épouser, je vous l'offre.

LISETTE, bas à Lucinde.

Résistez à cela, si vous pouvez.

LUCINDE.

Si vos propositions sont sincères, elles ne sont pas moins brillantes: mais si j'allais vous tromper, moi.

MONDOR.

Est-ce que vous savez votre monde ! Allez, allez, je vous connais trop pour le craindre.

LUCINDE.

Vous avez raison, et c'est parce que je suis sincère que je vous conseille de prendre encore du tems pour me mieux connaître. Je me suis mariée par obéissance; vous voulez que je me marie par raison. Voilà deux motifs qui ne font pas faire de l'hymen une épreuve bien avantageuse, et je voudrais avoir plus que de la reconnaissance pour un homme qui aurait voulu faire mon bonheur.

MONDOR.

C'est-à-dire, que vous ne sentez point pour moi de passion violente.

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Je le crois, vous n'avez pas eu le tems; aussi n'avez-vous point d'aversion....

LUCINDE.

J'en suis bien éloignée.

MONDOR.

Voilà tout ce que je demande. Un mari est trop heureux quand on ne le trouve pas insupportable.

LISETTE, bas à Lucinde.

Quel trésor, Madame!

MONDOR.

Et je ne vous donnerai pas seulement le tems d'être indifférente. Tous vos momens seront marqués par des plaisirs nouveaux.

LUCIND E.

Vous êtes d'une humeur charmante.

MONDOR.

Vous pouvez compter sur des complaisances infinies et perpétuelles. Ce sont ordinairement les mauvaises manières qui détruisent l'amour entre les époux ; et par conséquent les bonnes doivent le faire naître.

LUCINDE.

Savez-vous bien que vous êtes dangereux, Monsieur, et que de pareils sentimens valent, pour le moins, les agrémens de la jeunesse ?

MONDOR,

C'est-à-dire que vous vous rendez.

LUCINDE.

Oh! pas encore ; car je me défie des poëtes ; ils exagèrent ordinairement, et vous faites de si jolis vers, que je crains que vous ne donniez dans la fiction.

MONDOR.

Des vers, Madame! Si j'osais vous demander ee que vous entendez par-là?

LUCIND E.

Allez, Monsieur, je ne suis point ridicule; loin de m'en fâcher, je vous permets de m'en donner souvent; car ils sont très-jolis.

MONDOR.

Parlez-vous sérieusement, Madame? Je vous ai donné des vers, moi? Vous vous moquez, je n'en ai jamais su faire.

LUCINDE.

Ne vous en défendez point; je vous dis qu'ils m'ont fait plaisir.

MONDOR, bas.

Que diable veut-elle donc dire avec ses vers? (Haut.) Mais, Madame, jetez sculement les yeux sur moi; ai-je l'air et l'encolure d'un poète ?

LISETTE, à Mondor.

Si c'est vous qui les avez faits, pourquoi ne pas l'avouer? Vous auriez fort bien adresser à moi pour les faire tenir.

A l'autre !

MONDOR.

LISETTE, å Lucinde.

pu vous

C'est Monsieur qui les a faits. (à Mondor.) Dites donc qu'oui.

MONDOR.

Mais il y a consience; je n'ai jamais fait que des lettres-de-change, moi.

Comédies en prose. 2.

3

LUCINDE.

Tenez, lisez vous-même. Je suis persuadé que vous les trouverez bons, quoiqu'ils soient de vous.

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Ah! qu'il est douloureux de cacher son amour
Pour un objet où brillent tant de charmes!
J'aime Daphné......

Parbleu! voilà des vers que je pourrais fort bien avoir faits, ils ne valent pas le diable.

ÉRASTE.

Monsieur, la plupart des poètes n'ont pas le don de bien lire leurs ouvrages. Je me suis fait une étude particulière de la lecture; et si vous voulez que je vous épargne la peine....

MONDOR.

Tu me feras plaisir, L'Orange. Voyons comme tu t'en tireras.

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Ah! qu'il est douloureux de cacher son amour
Pour un objet où brillent taut de charmes!

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