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sonnables et des vérités utiles pour la correction des mœurs; faire rire les honnêtes gens par un comique sensé qui reçoive toutes ses grâces de la nature et de la vérité; éviter surtout les pointes triviales, la fade plaisanterie, les jeux de mots et toutes les licences qui blessent les mœurs et révoltent l'honnête homme si vous faites ce que je dis là, vous plairez inévitablement aux gens d'esprit et de bon goût dont cette ville abonde.

ARLEQUIN.

Cette manière de plaire me plaît beaucoup; je n'ai donc que cela à faire pour plaire à tout le monde ?

SOCRATE.

Non pas à tout le monde, vous ne devez pas vous en flatter, quand vous auriez fait un chef-d'œuvre car il y a dans le public des génies fâcheux que l'on nomme auteurs, c'est-à-dire, des gens qui font aussi des comédies, qui ne trouvent rien de bon que ce qu'ils ont fait.

ARLEQUIN.

Mais si ma pièce est bonne, que pourront-ils dire ?

A

SOCRATE.

Pour vous en donner une idée, supposons que je sois un de ces auteurs.

Comédies en prose. 2.

21

Fort bien.

ARLEQUIN.

SOCRATE.

Je dirai d'abord que votre sujet est trop métaphorique pour le théâtre qui veut du vraisemblable en toutes choses.

ARLEQUIN.

Qu'importe, pourvu que je ne dise que des choses vraies et raisonnables.

SOCRATE.

Si vous les dites avec esprit, je vous sifflerai,

Pourquoi ?

ARLEQUIN.

SOCRATE.

Parce que vous êtes un balourd, et que Vous n'en devez point avoir.

ARLEQUIN.

Et qui ta dit que je ne dois jamais avoir d'esprit ?

SOCRATE.

Je me le suis imaginé, et sur cette imagination je vous sifflerai.

ARLEQUIN.

Si ce n'est que cela qui te fâche, il est bien facile de te contenter, je parlerai sans esprit.

SOCRATE.

C'est alors que j'aurai un beau champ contre vous, je vous sifflerai avec tout le public qui sera justement indigné que vous osiez lui présenter des absurdités.

ARLEQUIN.

Que le diable t'emporte avec ta sotte critique; parle, animal, il faut bien qu'une porte soit ouverte ou fermée; dis-moi sans tout c galimatias, si tu veux que je parle avec esprit ou sans esprit.

SOCRATE.

Parlez comme vous voudrez, je vous critiquerai de quelque manière que vous parliez, et non seulement de ce que vous direz, mais encore de ce que vous n'aurez pas dit.

ARLEQUIN.

Quoi, tu me critiqueras de ce que je ne dirai pas?

SOCRATE.

Sans doute; si votre critique n'est pas générale; si elle ne porte pas sur tout ce qui me déplaît; je dis plus, si vous ne prévenez pas les idées que votre pièce me fera naître, et que je n'aurais jamais eues sans vous; si vous n'y répondez pas d'avance, je vous dirai que votre pièce est imparfaite et votre sujet manqué.

ARLEQUIN.

Ote-toi d'ici.

SOCRATE.

Pourquoi ?

ARLEQUIN.

Parce que tu m'ennuies.

SOCRATE.

J'en suis fâché, car je vous assure que vous ne m'avez pas ennuyé.

ARLEQUIN.

Va-t-en encore étudier pour ne rien apprendre.

SOCRATE.

Ah, ah! voilà une conversation délicieuse.

ARLEQUIN.

Pardi, voilà une sotte bête ! quel diable de galimatias!

SCÈNE VII.

ARLEQUIN, UN MAITRE à chanter, UN MAITRE à danser, ET UN MAITRE en fait d'armes.

LE MAITRE à chanter.

Vous avez raison, Monsieur, de ne vous amuser pas à ce philosophe; ces sortes de gens

sont inutiles dans le monde; ce n'est pas de même de moi et de ces Messieurs.

ARLEQUIN.

Et qui es-tu, toi?

LE MAITRE à chanter.

Je suis maître à chanter; c'est moi qui montre ce grand art qui attirait les arbres et les rochers sur les pas d'Orphée, et par lequel Amphion bâtit les murailles de Thèbes.

ARLEQUIN.

Et comment fesait cet Amphion?

LE MAITRE à chanter.

Il chantait, et les pierres se plaçaient d'ellesmêmes où ses chansons les appelaient.

ARLEQUIN.

Cet art-là est beau, je veux l'apprendre pour me bâtir un beau palais. Et toi, que montres-tu ?

LE MAITRE à danser.

A faire la cabriole.

ARLEQUIN.

Cet art-là est drôle, je veux aussi apprendre à faire la cabriole. Et toi, avec ton chapeau de travers, que montres-tu ?

LE MAITRE d'armes.

A tuer un homme de bonne grâce.

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