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J'aime Daphné, je la vois chaque jour ; Mais ce bonheur fait naître mes alarmes : Il redouble les feux dont je suis consumé,

Et le respect veut que je les dévore :

Amour! je n'attends point le plaisir d'être aimé ;
Mais donne-moi celui de dire que j'adore.

(Il regarde Lucinde en soupirant.)

LUCINDE.

L'Orange lit fort bien, vraiment.

MONDOR.

Le respect.... que j'adore....cela est assez

joli.

LUCINDE.

Vous convenez donc que c'est de vous qu'ils me viennent.

MONDOR.

Puisque vous le voulez absolument, il faut bien que cela soit. (Bas.) Il n'y a pourtant rien de si faux. (Haut.) Parbleu, vous ne pouvez plus vous dispenser de faire quelque chose pour moi, Madame, puisque je fais pour vous.... l'impossible.

LUCINDE, riant.

Je ne sais qu'en dire; en vérité, je ne puis me résoudre à vous ôter toute espérance: mais surtout, donnez-moi souvent des vers, et donnez-les vous-même ; ils n'en seront que mieux reçus.

MONDOR.

Laissez-moi faire; je vous jure que vous n'en manquerez pas, si mon Appollon veut m'être toujours aussi favorable. Adieu, Madame, je vais chez mon banquier pour y recevoir un paiement; car on ne peut pas toujours faire des vers ; je reviendrai ensuite. Je vous conjure cependant de faire quelque attention à ma prose; elle est plus sonnore que ma poésie.... (A part en sortant.) Poète ! parbleu, je ne pensais pas, en arrivant ici, à me voir enregistrer au Parnasse ; je crois qu'elle se moque de moi.

SCÈNE VII.

LUCINDE, ÉRASTE, LISETTE.

LUCINDE, à part.

IL se divertit et m'amuse. Tâchons de savoir qui, de Lisette ou de L'Orange, s'intéresse en sa faveur, et a mis ses vers sur ma toilette. L'Orange les a lus d'une manière à me faire croire que c'est lui. (Haut.) Hé bien, Lisette, que pensez-vous de Mondor?

LISETTE.

Qu'il vous aime autant que vous méritez de l'être, Madame, et cela signifie qu'on ne peut rien ajouter à son amour.

LUCINDE.

Il aurait de la peine à s'expliquer mieux, s'il parlait lui-même. Et vous, L'Orange croyez-vous qu'il m'aime autant que Lisette le dit?

ÉRASTE.

Ne me demandez point si l'on vous aime, Madame; ce sentiment doit être naturel à tous ceux qui ont le bonheur de vous connaître.

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Ils sont d'intelligence. (Haut.) Je ne suis pas encore décidée sur son compte. Je vous crois tous deux attachés à ma personne. Dites-moi naturellement ce que vous pensez là-dessus ?

LISETTE.

Tous ceux à qui vos véritables intérêts seront chers, vous conseilleront de conclure ce mariage. Il est prodigieusement riche, et c'est un grand point, Madame.

LUCINDE.

Il est vrai. Mais il peut être avare.

LISETTE.

Je ne le crois pas sujet à ce défaut. ( En regardant le diamant. ) Il a une certaine façon de s'annoncer....

LUCINDE.

Je suis charmée de ce que tu me dis-là. Mais d'où te vient ce brillant? Il me semble l'avoir vu à Mondor.

LISETTE.

Hélas! Il faut qu'il me l'ait donné sans que je m'en sois aperçue.

LUCINDE.

Voilà une heureuse distraction.

LISETTE.

Mais je le lui rendraï, et je lui dirai fort bien que cela ne convient pas.

LUCINDE. à part.

Je n'en puis plus douter. (Haut à Eraste. ) As-tu vendu bien cher ton suffrage?

ÉRASTE.

Madame, je ne suis point sujet aux distractions. Monsieur Mondor m'a voulu faire des présens; mais ses offres m'ont paru indignes de lui et de moi ; ce sont des soins assidus, une passion sincère et approuvée, qui doivent conduire au bonheur d'être votre époux; tout autre secours en dégrade le plaisir et la gloire.

LISETTE, d'un air de pitié.

Le beau raisonnement!

LUCINDE.

Laissez-le parler, Lisette.

ÉRASTE.

Et puisque Madame me permet de dire mon sentiment, je lui avouerai que je serais surpris, après la triste expérience qu'elle a faite du mariage, de lui voir épouser un vieillard, qui ne peut lui offrir que des richesses, peu capables de flatter un coeur comme le sien.

LISETTE.

Un vieillard! Un homme est-il vieux à soixante ans! Et je gagerais que Monsieur Mondor ne les a pas encore. Vous feriez mieux de vous taire.

LUCINDE.

Donnez-vous ce conseil à vous-même,

Lisette.

ÉRASTE.

J'ai le bonheur d'être attaché à Madame, et le ciel m'est témoin que ce n'est point par intérêt. Mon zèle part d'un motif plus pur et plus noble, et je sacrifierais tous les biens du monde, plutôt que de lui rien proposer qui pût la rendre malheureuse.

LUCINDE.

J'en suis persuadée. ( A part. ) Ce garçon a le cœur excellent.

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