MARTON. Comptez sur ma parole, je lui reprocherai une froideur apparente, dont je l'ai déjà blâmée plusieurs fois sans que vous m'en eussiez priée : et après tout, si elle prend le parti de vous parler obligeamment, je vous jure qu'elle ne vous dira que ce qu'elle pense. TIMANTE. Puis-je le croire? Tu me promets done? MARTON. Laissez-moi faire : vous la verrez dans un instant. (Elle rentre.) TIMANTE, seul. Cette fille est déliée, je ne sais si je dois trop compter sur elle : avec son air de bonne foi et de candeur, elle pourrait bien me tromper n'y aurait-il pas moyen d'entendre la conversation? Écoutons. (Il va à la porte du cabinet.) SCÈNE XI. TIMANTE, CHAMPAGNE entre, sans voir Timante, en lisant un papier. TIMANTE, écoutant à la porte du cabinet. Il n'est pas possible de rien distinguer. CHAMPAGNE, rit en lisant. Ah, ah, ah!... TIMANTE. Qui est-ce donc que j'entends rire de la sorte ? CHAMPAGNE. Ah, ah, ah! cela est fort bon, ma foi. TIMANTE. Ah! c'est toi, coquin, que fais-tu là? Quel est donc ce papier que tu serres si promptement? Voyons. Eh! quoi ! c'est celui que tantôt je t'avais ordonné... CHAMPAGNE, riant d'un air niais. Oui, Monsieur, je n'ai pu exécuter votre ordre. TIMANTE. Pourquoi donc ? CHAMPAGNE. Je n'en ai pas eu le cœur ; je me suis mis à le lire, cela m'a paru trop drôle. Plaît-il ? TIMANTE. CHAMPAGNE. Il y a des endroits tout-à-fait facétieux; tenez, en voilà un surtout. TIMANTE, arrachant le papier, et lui en donnant par le visage. Donnez, maraud, et apprenez à faire ce que l'on vous ordonne; et sortez tout-à-l'heure de devant moi. CHAMPAGNE. Je sors aussi : diable! c'est avoir la main légère. (Il sort.) SCÈNE XII. TIMANTE, seul. IL est vrai que je n'aurais pas dû le frapper; il faut éviter de se faire les plus petits ennemis ces gens-là sortent de chez vous, ils connaissent vos faibles, et vous nuisent plus dans le monde parleurs discours, que ne feraient des ennemis de conséquence: mais Damis qui s'est chargé de me rendre un service important, devait me rejoindre ici... SCÈNE XIII, TIMANTE; DAMIS. TIMANTE. En quoi! sitôt de retour? L'affaire est donc manquée ? DAMIS, comme un homme pressé et occupé d'une affaire. Non. J'ai déjà trouvé une de tes adverses parties. TIMANTE. Elle a refusé ma proposition, sans doute? DAMIS. Point du tout: elle consent à un accommodement. Je n'ai plus que la vieille Comtesse à voir, et je vais chez elle de ce pas. TIMANTE. Oh! pour cette maudite plaideuse-là, tu n'en viendras jamais à bout. DAMIS. Je compte la mettre à la raison et te délivrer, à quelque prix que ce soit, d'un procès qui t'importune. TIMANTE. Je l'aurais peut-être gagné. Mais que je te fisse part... Je touche, ami, au moment qui doit décider du bonheur de ma vie : j'ai si bien fait que, par l'entremise de Marton, je vais avoir une explication avec Lucile, et savoir enfin à quoi m'en tenir sur les sentimens qu'elle a pour moi. Eh! morbleu, ne sauriez-vous demeurer comme vous êtes ? N'exigez-vous pas que Lucile vous dise en face, je vous aime? voilà une belle imagination! |