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et à manger, on les met au lit, on les en retire; enfin on dirait qu'ils n'ont ni bras ni jambes pour s'en servir.

LELIO.

Le voilà dans les réflexions: il faut que je m'amuse un moment de ses idées. Bonjour, Arlequin.

ARLEQUIN.

Ah! te voilà! Bonjour, mon ami.

LELIO.

A quoi penses-tu donc ?

ARLEQUIN.

Je pense que voici un mauvais pays, et, tu m'en crois, nous le quitterons bien vite.

Pourquoi ?

LELIO.

ARLEQUIN.

si

Parce que j'y vois des sauvages insolens qui commandent aux autres, et s'en font servir; et que les autres, qui sont en plus grand nombre, sont des lâches, qui ont peur, et font le métier des bêtes: je ne veux point vivre avec de telles gens.

LELIO.

Tu loueras un jour ce que ton ignorance te fait condamner aujourd'hui.

ARLEQUIN.

Je ne sais mais vous me paraissez de sets animaux.

LELFO.

Tu nous fais beaucoup d'honneur. Écoute: tu n'es plus parmi des sauvages qui ne suivent que la nature brute et grossière, mais parmi des nations civilisées.

ARLEQUIN.

Qu'est-ce que cela, des nations civilisées ?

LELIO.

Ce sont des hommes qui vivent sous des lois.

ARLEQUIN.

Sous des lois! Et quels sauvages sont ces gens-là ?

LELIO.

Ce ne sont pas des sauvages, mais un ordre puisé dans la raison, pour nous retenir dans nos devoirs, et rendre les hommes sages et honnêtes gens.

ARLEQUIN.

Vous naissez donc fous et coquins dans ce pays?

LELIO.

Pourquoi le penses-tu ?

ARLEQUIN.

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Il n'est pas bien difficile de le deviner. Si vous avez besoin de lois pour être sages et honnêtes gens, vous êtes fous et coquins naturellement: cela est clair.

LELIO.

Bon! nous naissons avec nos défauts comme tous les hommes; la raison seule soutenue d'une bonne éducation peut les réformer.

ARLEQUIN.

Vous avez donc de la raison ?

LELIO.

Belle demande! sans doute..

ARLEQUIN.

Et comment est faite votre raison?

LELIO.

Que veux-tu dire ?

ARLEQUIN.

Je veux savoir ce que c'est que votre raison.

LELIO.

C'est une lumière naturelle qui nous fait connaître le bien et le mal, et qui nous apprend à faire le bien et à fuir le mal.

ARLEQUIN.

Eh mort-non de ma vie ! votre raison est faite comme la nôtre.

LELIO.

Apparemment, il n'y en a pas deux dans le

monde.

ARLEQUIN.

Mais, puisque vous avez de la raison, pourquoi avez-vous besoin de lois? car, si la raison apprend à faire le bien et à fuir le mal, cela sulfit, il n'en faut pas davantage.

LELIO.

Tu n'en sais pas assez pour comprendre l'utilité des lois: elles nous apprennent à faire un bon usage de la vie pour nous et pour nos frères; l'éducation que l'on nous donne nous rend plus aimables à leur égard. Si nous leur offrons quelque chose, nous l'accompagnons de complimens et de politesses qui donnent un nouveau prix à la chose.

ARLEQUIN.

Cela est drôle. Faites-moi un peu un compliment, afin que je sache ce que c'est.

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Au lieu de te dire grossièrement: Arlequin, viens dîner avec moi; je te salue poliment, et je te dis: mon cher Arlequin, je vous prie

très-humblement de me faire l'honneur de venir dîner avec moi.

ARLEQUIN.

Mon cher Arlequin, je vous prie très-humblement de me faire l'honneur de venir dîner avec moi. Ah, ah, ah! la drôle de chose qu'un compliment!

LELIO.

Vous ne serez pas traité aussi bien

le méritez.

ARLEQUIN.

que vous

Cela ne vaut rien: ôte-le de ton com

pliment.

LELIO.

Je voudrais bien vous faire meilleure chère.

Eh bien

ARLEQUIN.

fais-la moi meilleure, et laisse tout ce discours inutile.

LELIO.

Ce que je te dis n'empêche pas que je ne te fasse bonne chère; ce n'est que pour te faire comprendre que je t'aime tant, et que mon estithe pour toi est si forte, que je ne trouve rien d'assez bon pour toi.

ARLEQUIN.

Tu me crois donc bien friand? Allons, je te passe le compliment, puisqu'il n'empêche point que tu ne me fasses bonne chère, quoi

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