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envoyoient appeller tous les Catholiques les uns après les autres; de tous les Miffionnaires il n'y eut que nous de mandés.

Un Envoyé du Dérogat vint nous dire dès le matin que cet Officier vouloit nous parler, & que nous euffions à mener avec nous notre Frere JeanBaptifte; il eft Arménien de nation, & a été reçu dans la Compagnie à Conftantinople: nous obéimes, & nous fumes conduits par ce Perfan, à qui on avoit donné ordre de frapper ce Frere, dans les endroits où il y avoit plus de monde. Le Frere lui demanda modeftement en langue Perfanne, pourquoi il le maltraitoit, il ne lui réponque par une injure, & un autre coup de bâton, ce qu'il réitéra trois fois jufqu'à notre

dit

arrivée au Monaftère. Nous y trouvâmes un grand peuple affemblé.

Nos Juges étoient placés, les Eccléfiaftiques d'un côté, & les Séculiers de l'autre : on commença par demander au Frere, pourquoi il s'étoit fait Franc: il répondit que depuis fon enfance il avoit toujours été Catholique. Sur cette réponse le Juge Perfan le fit frapper de nouveau; pour nous on nous fit affeoir tandis qu'on le maltraitoit nos Catholiques n'étoient pas plus épargnés, ils foutinrent ce mauvais traitement avec une conftance héroïque; & fous la grêle des coups dont chacun d'eux étoit accablé, on ne leur entendoit prononcer que ces mots: Seigneur Jefus, donnezmoi la patience, & pardonnez-moi mes péchés. Après cette exécu

Gy

tion, l'on nous renvoya.

Nous nous attendions à ramener le Frere avec nous, mais on recommença à le frapper, & on le mit en prifon. Nous espérions du moins le délivrer par le crédit de Monfieur le Résident de Mofcovie qui a de la bonté pour nous : il envoya fon Drogman au Monaflère,pour le réclamer; mais ce Drogman étoit Arménien, il trompa fon Maître. Cependant on nous le rendit le foir, & il fut redevable de fon élargiffement aux deux Interprêtes de la Compagnie Angloife ce font deux freres dont le nom de famille eft Hermet. Ils font fils d'un Médecin François qui s'étoit marié ici, avec la fille d'un autre François; tous deux ont rendu de grands fervices à la Religion; & l'on

peut dire

que

l'aîné qui avoit embraffé la profellion de fon pere, a en quelque forte fauvé la Foi dans ce pays, fur tout du temps des Aghvans. Un service si précieuk ne fera jamais oublié dans la Miffion.

Les Arméniens Schifmatiques qui avoient quelque crédit auprès des Aghvans, voyant bien que Monfieur de Gardanne, Conful de France, étoit hors d'état d'agir en faveur de la Religion comme il avoit fait jufqu'alors, & que les Compagnies d'Hollande & d'Angleterre, ne pouvoient appuyer les Miffionnaires de leur protection, s'imaginerent que le moment d'éclater contre eux étoit arrivé; ils les firent citer devant le Miniftre du Roi, qui après quelques interrogations captieufes, les condamna,& or

donna qu'on les chaffât de toute la Perfe. Ce coup imprévu nous atterra: nous n'avions plus d'autre reffource que celle de la priere, & notre feule efpérance étoit dans la miféricorde divine, lorfque Dieu nous fufcita un libérateur dans la perfonne de M. Jofeph Hermet, qui n'avoit alors que vingt ans : né & élevé dans la Foi Catholique, il faifit avec joye cette occafion que le Seigneur lui préfentoit de fervir, & de conferver dans ce Royaume la Religion de fes peres.

La Providence qui arrange & qui ménage tous les évenemens, feconda fon zèle. Ce jeune Médecin panfoit alors le Miniftre d'une playe dangereufe, qu'il avoit à la jambe; il se rendit auprès de lui, il lui parla avec force & avec courage.

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