Aux paroles il joignit les lar mes, & fejettant à fes genoux, il lui demanda en grace que les Miffionnaires fuffent confervés; il faut, lui ajouta-t'il, que je forte du Royaume, & vous m'y condamnez; l'Arrêt qui est prononcé contre eux, l'eft auffi contre moi: je professe la même Religion; s'ils font coupa bles, je le fuis. Ne craignezrien, lui repliqua le Miniftre avec bonté, ni vous ni vos Perės, ne fortirez du Royaume. Ces paroles ne le raffuroient pas. L'ordre étoit expédié, il devoit le lendemain être signé par le Miniftre. Il le fçavoit, & dès le grand matin il fe tranfporta chez le Seigneur Perfan: les Schifmatiques lui préfenterent l'ordre en queftion. En ignoroit-il le contenu? avoit-il oublié fa promeffe? Il le figna, > fans même le lire. Quel triomphe pour les ennemis de notre Religion! Ils fe retiroient avec cette joye qu'infpire une victoire defirée depuis long-temps. Ah! Seigneur, s'écria le zélé défenfeur des Miffionnaires eft-ce donc-là la parole que vous m'aviez donnée ? Songez que vous venez de figner mon exil, en fignant le banniffement de nos Peres. A ces mots le Miniftre étonné,fit rappeller les Arméniens, leur demanda le papier, le lut, & le déchira, en leur difant qu'ils l'avoient trompé, qu'il n'avoit point prétendu figner un pareil ordre; & il affura obligeamment Monfieur Hermet , que jamais il n'en figneroit de semblable. Ce Catholique zélé lui rendit mille actions de graces, & vint luimême nous annoncer le fuccès de fes prieres, fans être fort allarmé des menaces impuiffantes des Arméniens, & moins encore de l'excommunication que lança contre lui leur grand Vertabiet. Quelque temps après, à fa qualité de Médecin il joignit celle d'Interprête de la Compagnie d'Angleterre, & comme il fut obligé de fuivre Meffieurs les Anglois à BanderAbaffy, Monfieur Charles Jacques Hermet fon cadet, fut déclaré Interprête de la même Compagnie pour Ifpaham. Ces deux illuftres freres commencerent à fe lier étroitement avec Meffieurs les Chérimans. Ce font les chefs de cette famille fi opulente & fi Catholique dont j'ai déja parlé avec éloge. Ils concerterent entre-eux les moyens de faire échouer les pernicieux deffeins de nos ennemis. Pour y réuffir, il falloit mettre dans nos intérêts le Gouverneur, & le Nabab, qui eft le chef de la Loi. Ils en vinrent à bout par leur crédit, & fur-tout par les préfens que firent Meffieurs les Cherimans à ces Chefs intéreffés. Le Gouverneur gagné évoqua l'affaire à fon Tribunal. L'allarme fut grande parmi les Arméniens, & en particulier parmi les Vertabiets. C'étoit le jour de la fête du Scapulaire, qu'après avoir célébré la fainte Meffe, nous nous affemblâmes dans la maifon de la Compagnie Angloife; là le rendezvous étoit donné: quand tout le monde fut arrivé, nous allâmes chez le Gouverneur. L'af faire ne fut point jugée définitivement, les préfens des Armé niens avoient fait quelque effet; mais beaucoup moins qu'ils ne l'avoient efpéré: Meffieurs les Cherimans intérefferent les Seigneurs Perfans en faveur de la Miffion. Cependant le Dimanche,pendant la grande Meffe, un Officier vint faire grand bruit à la porte de notre Eglife; on la ferma de peur qu'il n'entrât & ne troublât le faint Sacrifice. Il attendit, nous intima fes ordres, & nous conduifit en ville à l'Hôtel de la Compagnie d'Angleterre on nous fignifia que nous euffions à y refter jufqu'au lendemain. Cette efpèce d'arrêt n'étoit qu'une feinte concertée on vouloit paroître par-là donner quelque fatisfaction aux Arméniens qui avoient demandé notre fortie de Julfa. Effectivement nous n'y couchâmes pas |