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cette nuit. Dès qu'il fut jour, on nous appella chez le Gouverneur pour affifter à la déci fion de la caufe. Meffieurs Hermet vinrent avec nous. L'accueil gracieux qu'on nous fit nous annonça le fuccès de notre affaire.

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Notre Partie, c'eft-à-dire les Vertabiets, le Dérogat, & le Calanthar, étoient à notre droite. Monfeigneur l'Evêque étoit à notre tête. Le Gouverneur, le Nabab, & les autres Confeillers délibérerent entre eux pendant quelque temps. Enfuite le Nabab prenant la parole, ordonna au Calanthar de prouver les accufations avancées dans la Requête. Répondez-nous, lui dit-il.

1o. Comment les Peres fontils des efpions entretenus par les Cours de l'Europe? Depuis

un fiécle qu'ils font établis en Perfe, on n'a jamais rien découvert dans leur conduite qui ait pu donner d'eux de pareils foupçons ; le Calanthar furpris, ne répondit que par des conjectures vagues.

2°. Quels font ceux que les Peres ont fait fortir du Royaume? Le Calanthar présenta les noms de quelques Catholiques qui étoient allés s'établir à Venife. Mais le Nabab qu'on avoit bien inftruit,lui répondit: Combien des vôtres fe font établis aux Indes & en Mofcovie.

Le Calanthar n'ofa le nier. Ne maltraitez point les Catholiques, ajouta le Nabab, & ils n'iront pas s'établir ailleurs.

3°: Comment les Peres trompent-ils les peuples? Le Calanthar n'ofant répéter les calomnies groffières que débitent les

Vertabiets, prit le parti de fe taire. Le Gouverneur le voyant confondu, fit aux Arméniens une vive réprimande, & nous fùmes renvoyés absous. L'affaire nous parut finie; elle ne l'étoit pas les Vertabiets qui dans Julfa avoient l'autorité en main, avoient eu la précaution d'exiger de plufieurs de nos Chrétiens intimidés un écrit par lequel ils s'engageoient ou à ne plus paroître dans nos temples, ou à payer une groffe amende. On en avoit même conduit quelques - uns par furprise ou par force, aux Eglifes des Arméniens, & les nôtres étoient prefque defertes.

Mais au milieu de ces troubles & de ces tribulations, Dieu nous confola d'une maniere bien fenfible par l'exemple de fermeté que donna un jeune

homme âgé de quatorze ou quinze ans ; nous en fûmes édifiés, nous n'en fûmes point furpris; nous fçavons que le même efprit qui peut rendre difertes les langues des enfans, peut, quand il lui plaît, rendre leurs cœurs intrépides. Ce jeune homme avoit quitté notre école depuis quelque temps, & on l'avoit mis en apprentissa

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chez un Arménien. Son maître lui défendit de venir à la Messe dans notre Eglife, il le maltraita, fans rien obtenir. Le jour de l'Affomption il voulut le mener avec lui à l'Eglife des Schifmatiques: la crainte des châtimens ne put l'ébranler, il fe fauva, il vint à la nôtre fe confeffer & communier. Cette généreuse réfiftance d'un enfant fans appui nous confoloit de l'indigne lâcheté de tant

d'hommes timides qu'un vil intérêt enlevoit à la Foi. Scandali fés de cette désertion Meffieurs les Cherimans ne voyoient qu'avec douleur le tort qu'elle faifoit à la véritable Religion; ils penserent à y remédier efficacement. Il falloit pour cela fouftraire ces ames intéreffées au pouvoir de ceux dont les promeffes les avoient féduites. Ils demanderent au Prince un ordre par lequel il fût permis à chacun de fuivre la Religion qu'il avoit embraffée. Il falloit pour cela faire quelque dépenfe. Ils la firent volontiers. Rien ne coute à cette généreufe famille quand il s'agit de la gloire de Dieu, & de celle de la Religion: pour obtenir cet ordre plus fûrement, ils s'adrefferent à Monfieur Leyfeig, qui avoit beaucoup

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